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dimanche 26 février 2012

La Grèce et les CDS



La présentation par Gaël Giraud de la crise grecque est fort intéressante, même si une partie des faits est connue. Il s'agit en particulier de la falsification des comptes publics par les experts de Goldman Sachs pour permettre l'entrée de la Grèce dans la zone Euro. Elle aurait coûté à l'Etat grec, dit-on, 300 millions de $, mais les "paquets Delors lui avaient rapporté infiniment plus ! Le rôle des CDS en revanche n'est ni connu ni évoqué.

De toute façon, dans l'UE, tout le monde maquillait ses comptes, y compris la France qui n'a jamais respecté la fameuse règle des 3% qu'on veut faire "d'or" aujourd'hui, sans savoir, apparemment, que l'or est l'un des métaux les plus mous!
Ecoutons donc G. Giraud :
"Autre exemple d'utilisation assez pernicieuse des CDS : la Grèce.
La Grèce est entrée dans la zone euro en 2001 et vous savez qu'elle devait satisfaire à un certain nombre de critères, les critères de Maastricht. En réalité elle n'y satisfaisait pas en 2001. Simplement, la Grèce a maquillé ses comptes publics pour donner le change à Bruxelles. Certes, le fonctionnaire de Bruxelles a très certainement pigé en 2001 que les comptes n'étaient pas tout à fait exacts, mais il a fermé les yeux, en se disant que l'essentiel était que la Grèce entre dans la zone Euro.  Elle allait entrer dans un cercle vertueux s'est-on dit à Bruxelles, elle allait bénéficier d'un plan européen, qui allait lui permettre d'avoir une croissance forte, un peu sur le modèle espagnol ou irlandais ... Et très vite on oublierait le "péché originel" de 2001, à savoir  qu'elle ne satisfaisait pas aux critères de Maastricht. Grâce à qui la Grèce a-t-elle maquillé ses comptes? Grâce à des experts financiers de Goldman Sachs. Ils sont venus de New York et ont aidé à maquiller les comptes. On découvre maintenant qu'un grand nombre d'institutions financières  ont acheté des CDS sur la Grèce. Conséquence? A chaque fois qu'une mauvaise nouvelle sur la Grèce tombe, vous avez maintenant des gens qui gagnent de l'argent. Je ne peux certes pas vous assurer que Goldman Sachs en gagne beaucoup. Je n'en sais rien et personne n'en sait grand-chose en réalité car ces marchés sont toujours aussi opaques. La certitude est que beaucoup de CDS sont activés sur la Grèce aujourd'hui, et il y a des gens qui gagnent de l'argent au fur et à mesure que la Grèce s'effondre.

Je vais vous dire un autre détail étrange dont des traders m'ont informé. J'ai en effet gardé contact avec d'anciens collègues que j'avais dans une autre vie avant de devenir jésuite.Vous avez vu les séries d'ordinateurs des traders en salle de marché. Une salle de marché est une sorte de vaste plateau à l'américaine avec une grande rangée d'ordinateurs, 200 à 300 téléphones... Et devant un ordinateur sur quatre, il y a un trader avec son téléphone, qui vend et achète. Il y a en permanence activé un service (fourni par la société Bloomberg) qui, sur la partie supérieure de l'écran d'ordinateur, lui transmet des informations en continu sur ce qui se passe dans le monde. Par exemple, ceux qui étaient au travail hier ont appris immédiatement que Moubarak était parti, que Souleiman avait pris le pouvoir en Egypte.
Mais depuis un an maintenant, les informations qui concernent la Grèce sont transmises sur un bandeau rouge clignotant _ et uniquement pour la Grèce. Vous imaginez combien c'est anxiogène. Vous voyez ce bandeau rouge clignoter de temps en temps, chaque fois qu'il y a du nouveau sur la Grèce.  C'est comme lorsque vous prenez le métro dans Paris, vous entendez sans arrêt «Attention aux pickpockets! Conservez bien vos affaires près de vous, ne les laissez pas traîner ... etc. » Vous entendez ce type de message à longueur de journée. Quand vous rentrez chez vous en fin de journée, vous êtes convaincus qu'il y a un nombre incroyable de pickpockets dans le métro. Pourtant, vous n'en avez jamais vu un seul. C'est un message subliminal : vous êtes intimement convaincu qu'il y a des pickpockets partout parce qu'on vous le répète en permanence. Mutatis mutandis, vous avez en salle de marché un phénomène analogue : ce bandeau rouge clignotant très anxiogène délivre le message « Attention, attention, la Grèce va mal ». Le trader avec qui j'ai parlé me disait : évidemment, au bout de six mois de ce traitement, on se demande vraiment ce qui se passe sur la Grèce. Ça ne doit pas aller du tout.
Certes, si on fait une analyse fondamentale sur l'économie grecque, c'est sûr que la Grèce va très mal. Mais bien d'autres pays vont beaucoup plus mal que la Grèce, et pèsent beaucoup plus lourd qu'elle. La Grèce vaut moins de 3% du PlB européen, ce n'est pas vraiment le sujet primordial aujourd'hui dans le monde. La Californie va au moins aussi mal que la Grèce et pèse dix fois la Grèce. On devrait peut-être s'intéresser à la Californie, par exemple...»

G. Giraud de conclure :"Mutatis mutandis, imaginons que j'aille voir un chirurgien pour me faire opérer, d'une opération chirurgicale délicate, avec une chance sur deux de ne pas me réveiller. C'est comme si le chirurgien avait la possibilité, à mon insu, de devenir le récipiendaire de mon assurance-vie. De sorte que si l'opération réussit, je dois le payer, et si l'opération échoue, je ne peux plus le payer mais il touche mon assurance-vie. Vous voyez, c'est exactement la même chose".

Remarques personnelles d'Usbek (et non de Gaël Giraud!) pour en finir avec le sujet. On peut ressortir ici, une fois de plus, l'inusable formule de Clémenceau et dire que la gestion des Etats est une chose trop sérieuse pour la confier à des politiques, surtout quand ils veulent jouer les Jean Monnet et les Robert Schuman. Toutes les affaires européennes sont conduites, depuis des décennies, avec une totale absence de clairvoyance et même de simple bon sens, chacun voulant laisser son nom à l'histoire et de ce fait même, imposant à l'évolution d'absurde marches forcées.
Un cas en ce moment avec le fameux "Mécanisme européen de je ne sais quoi" qui est, en somme, le décret d'application d'un traité qui n'existe pas encore ! Comment mieux mettre la charrue avant les boeufs!
Un des exemples les plus nets et les plus funestes est celui de l'euro quand, dans l'ignorance de la totale diversité économique et sociale de l'Europe, les politiques, assez stupides pour y voir un outil d'unification au seul motif que les touristes pourraient user des mêmes billets dans les divers pays, ont imposé la monnaie unique contre l'évidente solution de bon sens de la monnaie commune! On voit désormais les conséquences funestes d'un tel choix même si les "décideurs" (tu parles!) ont bien sûr trouvé, moyennant ces juteux contrats de l'UE, des "experts" économistes pour appuyer un choix si clairement stupide! On achète les expertise en matière économique comme dans l'industrie pharmaceutique et dans tous les domaines, même si les "experts" favorables à la monnaie unique sont devenus curieusement muets aujourd'hui. On se demande d'ailleurs pourquoi on nous bassine tant avec le rôle de la Grèce dans les affaires de l'euro puisque comme bien d'autres Etats de l'Union européenne, elle pourrait bien être dans l'UE sans être dans la zone euro.
 




1 commentaire:

Expat a dit…

Cher Usbek,

juste deux petites choses.
L'exemple avec le chirurgien est peu convaincant. Car le chirurgien, non seulement, en cas d'insuccès, touchera ses honoraires mais aussi l'assurance-vie. Donc double jackpot. La seule chose qui pourra éviter l'issue fatale (volontaire) c'est le risque de perdre de futurs clients. Il faut donc rester dans un quota d'échec rémunérateur acceptable.

La seconde chose c'est cette affaire de monnaie unique. L'autre jour en écoutant Attali s'exprimer sur la crise et se faire balancer cet argument de monnaie commun, c'est devenu assez clair. Lui-même négociateur de Maastricht et fier de l'être a quasiment déclaré que la crise était une aubaine car elle allait accélérer la mise en place d'une gouvernance européenne (ou à contrario faire exploser l'Europe). De fait on a eu affaire avec des apprentis-sorciers bien marqués idéologiquement et qui ont créé volontairement un aberration économique pour parvenir à des fins qu'ils n'auraient pu atteindre autrement. L'euro monnaie unique aurait pu être la conséquence logique d'une gouvernance économique, financière, fiscale et sociale de l'Europe. Comme ceci reste une illusion, on a donc essayé de forcer le destin en espérant que la conséquence allait provoquer la cause.