Certains d'entre
vous se souviennent peut-être de la délicieuse chanson de Francis Blanche
"Le général à vendre". On pourrait désormais en faire une parodie sur
les présidents d'universités, eux aussi à vendre. Petit rappel :
"De
bon matin me suis levé c'était dimanche
A la carriole, j'ai attelé la jument blanche
Pour m'en aller au marché dans le chef-lieu du comté
Paraît qu'y avait des présidents à vendre ;
Mais le soleil écrasait tant la route blanche
La jument s'arrêtait si souvent sous les branches
Que lorsque je fut rendu, on ne m'avait pas attendu
Et tous les présidents étaient vendus".
A la carriole, j'ai attelé la jument blanche
Pour m'en aller au marché dans le chef-lieu du comté
Paraît qu'y avait des présidents à vendre ;
Mais le soleil écrasait tant la route blanche
La jument s'arrêtait si souvent sous les branches
Que lorsque je fut rendu, on ne m'avait pas attendu
Et tous les présidents étaient vendus".
Comme j'ai déjà
eu l'occasion de le dire, je vais entreprendre, un de ces jours, de rédiger une
série de posts sur un sujet que j'ai déjà abordé à plusieurs reprises, la
fameuse loi LRU dite "loi Pécresse", dans laquelle le régime Sarkozy
a vu l'une de ses plus belles réussites. J'en ai toujours souligné les inconvénients
et même les vices, mais on commence à en voir aujourd'hui les funestes
conséquences, ne serait-ce que sur le simple plan financier, puisqu'une bonne
partie des universités de France sont d'ores et déjà en état de cessation de paiement
ou à peu près.
Je n'avais été
frappé, jusqu'alors, que par la façon, au demeurant assez habile, qu'avait eue
Madame Valérie Pécresse de faire passer cette loi, stratégie qu'elle n'avait
sans doute pas conçue elle-même, mais pour laquelle on lui avait suggéré une
démarche, fort adroite il faut le reconnaître.
Valérie Pécresse
ne connaît manifestement rien au fonctionnement d'une université (elle n'y a
jamais mis les pieds, puisque il s'agit là d'une ancienne élève de HEC) et,
quand elle y pense, elle rêve l'université française sur le modèle des universités
américaines, dont elle ne connaît pas grand-chose non plus. J'y reviendrai et
je laisse donc pour le moment cette question.
La légitime
colère qui me fait prendre dès maintenant l'initiative de ce post tient à la réforme
des primes des présidents d'université que l'affaire de Sciences po Paris m'a
remise en mémoire (voir mes posts précédents). V. Pécresse avait, là aussi, été
assez habile (elle ou plutôt l'un de ses conseillers) pour disjoindre de la loi
elle-même l'achat à tempérament des présidents d'université qu'elle envisageait.
En effet, si la loi elle-même date de 2007, la promesse d'une réforme substantielle
des primes présidentielles est intervenue dès octobre 2008 par l'évocation d'un
plan de revalorisation des carrières, suivi elle-même, début 2009, lors de la
présentation de l'opération
"Campus", de quelques précisions sur les montants comme sur les modes
d'attribution de ces primes. Le décret lui-même n'a été publié qu'en juin 2010.
Le premier train
de la loi LRU avait été relativement bien admis par tous les présidents
d'université puisqu'en fait les principales réformes qu'apportait cette loi
était dans le total droit fil des revendications de la Conférence des
présidents d'université, la CPU. Pour faire simple, il suffit de rappeler qu'on
y autorisait d'abord la principale de leurs revendications, la possibilité
d'avoir un deuxième mandat donc de rester huit ans aux commandes de
l'université, ce qui permet largement de se ménager un point de chute au ministère
ou dans un rectorat, mais aussi et surtout, la mainmise sur les recrutements
par la disparition des commissions de spécialité, avec la possibilité de créer,
pour tous les recrutements, des commissions ad hoc, en ayant, par ailleurs en
outre, un droit de veto sur les décisions qui, par hasard, ne seraient pas en
faveur des vœux du président. Tout cela avait suffi à gagner largement à V.
Pécresse la sympathie et le soutien des présidents d'université et cela en dépit de
toutes ses dispositions assez contestables et de quelques grèves ici ou là ; la
loi a été, somme toute, assez bien admise, car on a vu bien des présidents
censés être de gauche retourner leur veste dans la mesure où ils y trouvaient
un intérêt évident. Vous voulez des noms ?
Dès 2008 mais
surtout à partir de 2009, le ministère a commencé à faire miroiter aux yeux
présidentiels des avantages supplémentaires, avec en particulier une très forte
prime. Si je me souviens bien, la prime d'administration attribuée à un
président d'université était, après la loi Edgar Faure (1968), de l'ordre de
1000 francs de l'époque par mois (soit 150 €) donc, pour une année, de 1800 € ;
cette prime a été augmentée un peu dans la suite mais elle restait, il faut
bien le dire, symbolique, pour ne pas dire ridicule.
Valérie Pécresse,
dès 2008, a laissé entendre que cette prime serait très fortement revalorisée ;
le minimum envisagé était de 20 000 € avec des modulations qui allaient
au-delà, en fonction de la taille de l'université! Notons-le au passage, une
telle remarque est parfaitement stupide, car il est certain que la charge de
travail d'un président d'université n'est en rien fonction de la taille de
l'université ; on pourrait même avancer que plus l'université est grosse et
donc plus l'encadrement administratif est important, moins le travail du
président est considérable. Nul n'hésite à aller voir le président dans une
université de 5 000 étudiants, alors que cette démarche devient à peu près
impossible s'il y en a 50 000. Mais une fois encore, je le répète, Madame
Pécresse, qui n'a jamais mis les pieds dans une université, ignore évidemment
ce genre de détail
Ce qui est plus
pittoresque encore est que, dès 2008, en présentant son plan de revalorisation
des carrières, Valérie Pécresse avait précisé que l'indemnité de charges
administratives des présidents pourrait atteindre 40 000 € et serait mise
en vigueur dès la rentrée 2009. Le mode de calcul de cette prime vaut son
pesant de cacahuètes, surtout lorsqu'il s'inscrit dans le cadre d'une loi qui
vise à établir l'autonomie des universités.
L'indemnité de base est de 20 000 €, mais le décret permet de majorer de
50 % cette indemnité en cas de passage de l'établissement aux "responsabilités et compétences
élargies" (RCE), l'idée étant, à défaut de convaincre les universités,
d'acheter par là, une fois de plus, l'adhésion de leurs présidents aux désirs officiels. La
modulation de cette prime est donc clairement définie, au départ, comme étant
liée à la servilité vénale des présidents
d'université envers les intentions du ministre. Certains ont parlé sur ce point
de "vassalisation", ce qui me paraît un terme noble, fort inadéquat à
mon sens, ceux de "servilité" et de "vénalité" me paraissant plus précis et mieux adaptés.
Ils le sont d'autant plus que les montants individuels de prime, déjà
éventuellement majorés de 50 %, peuvent être augmentés (et il faut citer les
termes exacts tant ils sont savoureux) "par
décision du ministre chargé de l'enseignement supérieur, dans la limite de 20 %
du montant de la prime majorée, en fonction de la réalisation d'objectifs et
des résultats d'indicateurs fixés et notifiés en début d'année par ce même
ministre" (et de la surface de bottes léchées ?).
On ne saurait
être plus clair, même si évidemment, la notion d'autonomie en prend un coup au
passage ; en d'autres termes, tout président d'université devra avoir le petit
doigt sur la couture du pantalon et la langue pendante, exécuter les décisions du ministre et
répondre au moindre de ses vœux, s'il veut voir, de ce fait, sa prime administrative passer de
20 000 € à 36 000 euros (20 000 + 50 % de 20 000 + 20 % de
30 000 €). En huit ans de présidence, de quoi se payer un petit appart. !
Comment ne pas
être tenté faire le beau pour un si joli susucre !
Le plus drôle et la fin de
toute cette histoire est que Monsieur Lionel Collet, ancien président
d'université (Lyon I) et ancien président de la Conférence des présidents
d'université, qui se montrait fort critique à l'égard de ces formes de
modulation de la prime prévue par le décret, est désormais (ô surprise!)
directeur du cabinet de la ministre de l'enseignement supérieur. En son temps et
dans son université, en tant que président comme en tant que président de la CPU,
il avait pourtant appliqué sans broncher la loi LRU (mais peut-être avec une restriction
mentale...).
Que fera-t-il
désormais en tant que directeur du cabinet de la ministre compétente dans le
gouvernement de Jean-Marc Ayrault? Affaire à suivre !
1 commentaire:
Et en plus c'est pas cher!
Enregistrer un commentaire