Messages les plus consultés

samedi 14 janvier 2012

Haïti : Limonade suite et fin

Au lendemain de l'inauguration du campus de l'Université que la République Dominicaine a offerte à l'Etat voisin suite au séisme de 2010, Valéry Daudier a donné, dans le Nouvelliste, un article copieux qui rend compte de cette cérémonie.
Le problème que posait la dénomination même de cette université (cf. mes blogs précédents) paraît avoir été résolu dans le sens de l'absence totale de nom comme de référence explicite, ni au "Nord" ni au "Roi Henri Christophe ". On lit en effet, sur la stèle inaugurale : « Université d'Etat d'Haïti. Campus de Limonade. Don de la République dominicaine ».
Je me permets ici de citer quelques passages de l'article de V. Daudier, en les accompagnant, le cas échéant, de mes commentaires personnels."Au lendemain de l'inauguration du campus universitaire de Limonade, les activités continuent. Un colloque s'est tenu sur le campus le vendredi 13 janvier 2012. Le thème : « Construire une université haïtienne pour une nation haïtienne de bien-être et de prospérité », Le conférencier: le Dr Samuel Pierre, professeur titulaire de génie polytechnique à l'université de Montréal."
Le point à mes yeux le plus intéressant tient à la personnalité  même du conférencier. Samuel Pierre, naturellement d'origine haïtienne, comme l'indique son nom même, est un universitaire éminent, actuellement professeur titulaire au département de génie informatique et génie logiciel de l'École Polytechnique de Montréal. L'omniprésence du Canada (directe ou via l'AUF basée à l'Université de Montréal) dans la "reconstruction" (il y a beaucoup à dire sur ce terme) de l'université haïtienne pose problème. Elle fait craindre à certains Haïtiens que ces éventuelles nouvelles filières universitaires en Haïti n'amènent, plus encore, à alimenter l'Amérique du Nord en techniciens et chercheurs confirmés (par le jeu des "post docs" par exemple) sans que le Canada ou les Etats Unis aient à en assumer la sélection et les coûts de formation initiaux.
Quant à la démarche globale qui consiste, en deux ans, à construire un superbe campus universitaire avant de se demander ce qu'on pourra bien Y faire et EN faire.
« Ce que nous avons aujourd'hui, c'est un complexe universitaire, un ensemble d'édifices. L'université est loin d'être un complexe immobilier. L'université est un contenu de formation, des programmes d'études, un corps professoral compétent, qualifié et dévoué, mais également un bassin d'étudiants choisis au mérite bénéficiant de ce programme. Aujourd'hui, ce qu'on a, c'est un contenant », a expliqué le conférencier, le professeur Samuel Pierre.[...] La démarche, dit-il, a été faite à l'inverse, mais de manière générale on commence par faire le contenu avant le contenant. « Comme on a le contenant, on doit réfléchir ensemble de manière à ce qu'il y ait un contenu qui soit à la hauteur des attentes de la population, particulièrement de la jeunesse haïtienne », a ajouté le professeur."
V. Daudier pose les bonnes questions et rappelle, sans s'y attarder, les querelles internes à Haïti sur le statut et la gestion du nouveau campus qui, depuis des mois, ont focalisé toute l'attention . Toutes ses remarques sont frappées au coin du bon sens et on ne peut que le suivre quand il s'interroge :
"Quid de la gestion et du curriculum ?
Le campus est inauguré, mais qu'en est-il de sa gestion ? Car cette université de 72 salles de classe, sans compter les salles de laboratoire, la bibliothèque, la cafétéria, les salles de réunion, fait l'objet d'une querelle entre des membres du secteur privé de la société civile et ceux du rectorat de l'UEH. Le recteur annonce déjà des inscriptions pour février, mais les disciplines qui seront dispensées ne sont pas encore connues. Il a toutefois annoncé qu'une cellule va être mise sur pied pour la maintenance et l'entretien de ce « petit joyau ».
Belle performance sportive!


On saute à pieds joints de l'inauguration à la maintenance du campus, en remettant aux calendes haïtiennes l'élaboration du "projet d'établissement"!
"Pour élaborer le projet d'établissement [...] un comité technique va être « immédiatement » mis en place. « Il sera composé d'universitaires expérimentés évoluant en Haïti ou à l'étranger qui devront, dans un délai ne dépassant pas quatre mois, faire valider les programmes de formation, les moyens humains, financiers, techniques et organisationnels pour une rentrée universitaire prévue en septembre 2012 ".
Le professeur S. Pierre souligne le point qui est sans doute le plus important mais le plus difficile à régler. La nécessité absolue d'avoir à Limonade "un corps professoral compétent, qualifié et dévoué". La solution la plus courante en pareil cas, pour recruter des enseignants qualifiés voire éminents, est de les payer à hauteur de leurs qualifications et de leurs compétences, tout en leur offrant des conditions de travail de même niveau. La chose sera sans doute difficile à Limonade.
Une solution serait peut-être, à tout hasard, de retenir en Haïti l'éminent professeur S. Pierre puisqu'on l'a sous la main!

Aucun commentaire: