Triple A et déontologie économique (1)
Daniel dans la fosse aux lions.
Je vous explique d'abord le sous-titre un peu étrange de ce blog.
Il ne s'agit pas en effet du Daniel de la Bible que vous connaissez et qui, pour avoir été trop perspicace, fut placé dans la fosse aux lions .Il s’agit ici de Jean-Marc Daniel, professeur d'économie à l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris et qui ignore, à n'en pas douter, l’intérêt que je lui porte.
Je ne le connais en fait que pour l'avoir vu quelquefois (trop peu souvent malheureusement) dans l'émission d'Yves Calvi qui passe chaque jour sur la Cinq et où l’on revoit toujours les mêmes binettes d’intervenants qui n’ont pas d’autre souci que leur promotion personnelle.
Si le Daniel de l’Ancien Testament avait dû affronter de vrais lions, Jean-Marc Daniel n'a à affronter que les coyotes de la presse française. Il a écrit, en effet, dans le Monde, me semble-t-il, mi-2011, un fort intéressant article sur les agences de notation . Il était le premier à expliquer comment on en était venu à la situation actuelle, au terme d’un processus historique aussi complexe qu’ignoré. Toute la presse française a repris cet article dans l'année qui a suivi, souvent sans en indiquer la source.
Cet article, fort intéressant, non seulement donnait les détails historiques de l’affaire, mais mettait en évidence des liens, majeurs et secrets, avec la finance, le politique et surtout des intérêts particuliers.
On a récemment découvert les liens qu'il peut y avoir entre, par exemple, l'industrie pharmaceutique et médicale et les experts et consultants de tout poil qu'elle emploie à son service, soit directement, soit indirectement. En revanche, en France du moins, on ne parle guère de ce qui se passe dans le monde de la finance, où ce type de confusion est permanent et bien pire. Les experts, les consultants, les « auditeurs » ont souvent (pour ne pas dire toujours et inévitablement) des liens directs ou indirects avec les situations qu’ils sont chargés d'analyser et de juger.
Aux Etats-Unis, en revanche, il y a enfin, après des affaires aussi retentissantes que celle qui a réuni Enron (groupe industriel) et Andersen (cabinet d’audit), un groupe d'économistes américains qui se propose, non sans mal, de poser les bornes déontologiques qu'implique ce genre de situation. Il est curieux qu’on parle d’ailleurs de conflits d'intérêts, alors qu’on pourrait tout aussi bien et de façon plus précise, parler de convergences d'intérêts. Le conflit, lui, se situe au niveau de la morale professionnelle que les intéressés ne connaissent guère et dont ils se moquent, mais la convergence est établie entre leurs intérêts et leurs profits personnels et les décisions qu’ils sont en position de prendre ou de faire prendre.
Dans l’article de Jean-Marc Daniel, un détail est tout un symbole. Il indique en effet que le créateur, si l'on peut dire, des agences de notation a été Eugène-François Vidocq, truand bien connu avant et après son séjour dans la police, qui a créé, en 1833, le « bureau de renseignements pour le commerce », une agence de détectives, qui recueillait pour les créanciers des informations sur les emprunteurs. On était plus moral qu’aujourd’hui à l'époque puisque, le comme le rappelle Jean-Marc Daniel, : « Vidocq sera jugé en 1843 pour avoir frappé un débiteur afin de lui soutirer des informations » !
Je passe plus vite encore sur les débuts, en 1909, de John Moody (maudit ?), ex-journaliste financier (Tiens ! Tiens ! It rings the bell !) qui créa, à proprement parler, le système de la notation, afin d'évaluer, d'une façon censée être rigoureuse, les risques pris par les créanciers. S&P suivit en 1916 et Fitch en 1924. Bien entendu, les crises boursières, et surtout celle de 1929, furent de grandes périodes d'activité pour ces agences qui se consacraient alors essentiellement à l’Amérique, du Nord comme du Sud.
Le point est le plus intéressant et qui pourrait nous annoncer des événements futurs, dans la mesure où le financier a les liens les plus étroits avec le politique qu’il gouverne de plus en plus, est, déjà, l'affaire de la Grèce.
La première dégradation de la Grèce, dans les années 30, fut à l'origine de la fin du gouvernement de Venizelos qui fit le lit des monarchistes qui revinrent au pouvoir en 1935 et permit ensuite l'arrivée au pouvoir du général Metaxas et le début du régime fasciste dit "des généraux" (c'était là le métier de Plastiras comme de Metaxas). La dictature grecque conduisit d’ailleurs Moody’s a exprimer ses regrets et à s'engager (serment d’ivrogne !) à ne plus noter les Etats.
Cet article de Jean-Marc Daniel est donc fort intéressant pour le détail des faits qu'il rapporte, mais surtout sans doute pour mettre en évidence les relations entre le financier et le politique et peut-être pour éclairer aussi l'avenir d'un certain nombre d'Etats européens.
(A suivre)
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