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vendredi 27 janvier 2012

De l'école

Je n'avais en rien l'intention de revenir sur les problèmes de l'école dont j’ai souvent parlé, mais c'est l'actualité qui m'amène à le faire en me conduisant à étendre mon propos de l'école à l'université.

Mieux vaut commencer par l'université, surtout au moment où l’on voit l'équipe gouvernementale en place faire figurer, dans les réussites du quinquennat, la loi de réforme des universités (LRU) de Madame Pécresse. J'ai déjà consacré des blogs à cette question et je continue à penser que la LRU (pour faire court) n'a rigoureusement rien changé ; si elle a eu quelque action dans le domaine universitaire, c’'est plutôt pour en aggraver les défauts que pour y porter remède.

Comme je l'ai déjà dit à différentes reprises, la seule chose qu'il y a à admirer dans cette loi est l'astuce de la ministre ou, plus probablement, de l'un ou l'autre de ses conseillers, dont l'un en particulier avait été vice-président de la Conférence des présidents d'université et qui de ce fait connaissait bien la faune de la CPU. Elle a consisté à inscrire dans cette loi les deux revendications majeures des présidents d'universités eux-mêmes, de façon à se gagner par là leur faveur, leurs intérêts personnels les motivant plus que ceux de leurs établissements. Ces deux revendications concernaient en effet exclusivement, l'une et l'autre, les présidents (droit à un second mandat présidentiel et mainmise totale sur les recrutements d'enseignants, en éliminant les commissions de spécialités au profit de commissions ad hoc choisies par eux et donc à leur botte) et nullement les universités elles-mêmes. Faire figurer désormais dans le budget de l'université, la masse incompressible des salaires du personnel et la gestion des sites est naturellement illusoire. En effet, les charges d'entretien des sites sont tout aussi incompressibles, dans leur ensemble, que les salaires et cela ne conduit qu’en apparence à un accroissement du budget et des moyens. En outre où se situe l’autonomie d’établissements qui reçoivent de l’Etat 95% de leurs budgets ! Cette loi LRU est de la poudre aux yeux !

J'en viens à l'école puisqu'il paraît que M. Bayrou, dont on a pu apprécier les idées et l’efficacité dans ce domaine quand il était ministre de l'éducation nationale, a, dit-on, des idées sur l'école, dont les deux piliers sont la restauration du calcul mental et de la culture générale. Mieux vaut tard que jamais. Why not ?

Je lisais ce matin même que la culture générale était gravement atteinte dans le système éducatif par la suppression de l’épreuve de ce nom au concours de Sciences-Po Paris. En fait la culture générale, la vraie, n'a rien à craindre quand on connaît la nature de ce genre de concours qu’on trouve dans tous les établissements de cette farine ! Il s'agit en effet de questions à choix multiples (QCM) que des machines corrigent sans problèmes, surtout pour les correcteurs qui ne veulent pas se fatiguer à corriger des devoirs rédigés. Les dits QCM portent sur toutes sortes de sujets, qui vont du sport à la littérature en passant par l’économie, car à Sciences Po comme à l’ENA, on se doit d’avoir « des clartés de tout » et garder quelque chose en soi "quand on a tout oublié" (Voilà deux questions de culture générale – fournies par Usbek et gratuites comme toujours - pour les fabricants de ce genre de QCM !). Auprès de ces épreuves de culture générale, feu le jeu des mille francs apparaît comme une épreuve intellectuelle de la plus haute tenue. Ces questionnaires sont parfaitement ridicules et on devrait les présenter plutôt sous le nom d’« épreuve d'inculture générale ».

Quant à l’évaluation plus générale de nos établissements éducatifs, j'ai eu à ce sujet une discussion avec une de mes amies qui a récemment pris sa retraite de l’IUFM où elle enseignait. Vous savez feus ces Instituts universitaires de formation des maîtres, temples de la grande déesse Pédagogie, nés des sciences nord-américaines de l’Education et accouchés Rue de Grenelle par le bon docteur Meirieu, l’immortel auteur d’une thèse (d’Etat s’il vous plait) sur « Apprendre à apprendre à apprendre…. « , lui-même reconverti dans l’écologie suite à la non-reconnaissance de son génie par le PS rhodanien ?

Comme je lui faisais observer ( à cette amie et non à l’Auguste Philippe Meyrieu– petite question de grammaire française qui pourrait figurer dans un quizz de l’ENA : pourquoi cette majuscule apparemment intempestive à « Auguste » et quelle est la nature de ce mot ?), après avoir eu à connaître de quelques devoirs de lycéens, que le niveau m'en paraissait singulièrement bas, ne serait-ce que, sur le plan des savoirs, du style et de l'orthographe, elle m’a fait observer (avec, il est vrai, un esprit de contradiction qui ne la quitte guère) qu’au contraire les élèves actuels sont bien meilleurs que ceux d’autrefois.

Elle n'a pas manqué évidemment, cet égard, de faire valoir leur habileté à manipuler les ordinateurs, ce qui à vrai dire n’a pas grand-chose à voir avec le problème en cause. Il me semble, au contraire, que la pratique des jeux et du zapping qui marque de façon forte ces NTIC (nouvelles techniques d'information et de communication), la télévision et/ou l’ordinateur) est une caractéristique actuelle de la fréquentation constante de telles sources d'information, qu'on retrouve malheureusement dans les manuels scolaires que j'ai pu avoir entre les mains ces derniers temps. Je pense ici en particulier à l'histoire et au français.

On voit ainsi des élèves de cinquième devoir prendre en compte (observez que je ne dis pas « apprendre ») les noms des livres de la Bible hébraïque, quand ils sont totalement incapables d'avoir moindre idée de la chronologie générale de l'histoire de l'Antiquité. En français, de la même façon, on a traité avec mépris le Lagarde et Michard ( et autres) où histoire littéraire et textes figuraient et s’éclairaient réciproquement et on les a remplacés par des ouvrages de type nouveau où l'on procède à des regroupements, bizarroïdes et achroniques d'auteurs qui peuvent être (exemple authentique) Marot et Desnos et où figurent, à des fins manifestes de nouveauté et d'originalité, des auteurs dont nul n'a jamais entendu parler et dont les exemples textuels invoqués sont des plus médiocres pour ne pas dire nuls !

Tout cela se fait sous les auspices de la rénovation et de la pédagogie, mais aussi il faut bien le dire (même si on se garde  de le faire) d'un total mercantilisme. Il faut bien faire marcher le business monopolistique de l’édition scolaire et renouveler sans cesse des manuels que la plupart des enseignants, non sans bon sens ailleurs, se refusent à utiliser, mais dont les achats massifs, assumés désormais surtout par les mairies ou les institutions départementales et régionales, font marcher un fructueux commerce et permettent aux patrons mais même aux simples directeurs de collection et aux inspecteurs généraux de s'offrir des villas en Bretagne ou sur la Côte d'Azur.

Il y a encore beaucoup à dire mais je suis déjà bien long.

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