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dimanche 8 janvier 2012

Six centième anniversaire de la naissance de Jeanne d'Arc.



J'ai dit un mot du cocasse d’une telle manifestation que se disputent certains de nos politiques dans un commentaire de mon propre blog d’avant-hier. Je crois toutefois qu'il est nécessaire d'y revenir pour éclairer et fonder ma remarque qui était très laconique.

Tout (et même un peu au-delà) a été mis en oeuvre pour fêter le prétendu six centième anniversaire de la naissance de Sainte Jeanne d'Arc ce 6 janvier 2012 puisque sa date de naissance avait été fixée au 6 janvier 1412. Le président de la République et le gouvernement avaient même réussi, en la circonstance et non sans calcul, à couper ainsi l’herbe sous les pieds du Front National qui se préparait à le faire le lendemain, le 7 janvier, sans plus de raison.

Le seul problème (et tous les historiens un peu sérieux sont d'accord là-dessus) est que nous ne savons rigoureusement rien, en réalité, du lieu et de la date de naissance de la sainte.

En dépit de ce que nous avons appris à l’école (au temps où ces choses-là s’y enseignaient encore) et du choix du nom racoleur de Domrémy-la Pucelle, son lieu de naissance lui-même fait un peu problème, car, à cette époque, il n'existait pas à Domrémy de registre de naissance. Par conséquent, nous ne savons même pas si elle est réellement née à cet endroit et, pour ce lieu même, les spécialistes sont divisés.

Pour l'année 1412, les choses sont des plus vagues aussi puisque la seule et unique indication réelle que nous ayons figure dans les procès-verbaux du procès de Rouen. Interrogée sur son âge, Jeanne indique 19 ans environ, sans mentionner une année de naissance. Comme nous sommes alors en 1431, la soustraction est tentante et facile à faire, mais il s'agit clairement d’une simple estimation. Aucun document administratif ou témoignage ne permet de vérifier qu’il s’agit bien de l’année 1412.

Le jour de naissance n'est pas plus sûr puisque nous ne le connaissons évidemment pas davantage ; le seul document sur lequel se fonde le choix du 6 janvier est une lettre, des plus suspectes qu'à elle a été rédigée beaucoup plus tard, et qui nous dit que Jeanne d'Arc est née dans la nuit de l'Epiphanie. La coïncidence, opportune, avec une grande fête chrétienne et l’enfant Jésus, a donc tout l’air d’un élément de la légende dorée de Jeanne.

On voit donc que tout cela est des plus incertains, mais vu l'utilisation de cet anniversaire, plus politique que patriotico-religieuse, qui est faite de cet événement, la chose n'a guère d'importance et l’on s’est très clairement passé de l’avis des historiens. Sur les talons présidentiels se trouvait Nadine Morano et non l’historienne française spécialiste du domaine !

Quant à son rôle dans la Guerre de cent ans, qui ne prendra fin qu'en 1453, près d’un quart de siècle après sa mort, Jeanne-d'Arc n'y a pas joué un rôle vraiment décisif, même si elle a pu peser, en son temps et par son action, dans la victoire finale des Français, sans doute plus au plan psychologique qu'au plan strictement militaire, où elle bénéficiait d'appuis compétents, en particulier celui Jean de Dunois, le « bâtard d’Orléans », qui l'a sans doute utilement conseillée.

En effet, en tout état de cause et en dépit des revers qu'elle a pu essuyer, la stratégie française globale a fini par se révéler payante, en particulier du fait des ressources matérielles et humaines de la France ; elles étaient en effet beaucoup plus importantes que celles de l'Angleterre, en particulier, sur le plan démographique, car la population française était alors quatre fois celle de l’Angleterre!

On pourrait se demander, toutefois, si Jeanne d’Arc, en contribuant à ce que la France gagne la Guerre de cent ans, lui a, sur le long terme, rendu service. N’y aurait-il pas mieux valu, au fond, que nous perdions cette guerre au lieu de la gagner et que le royaume de France se fonde dans celui d’Angleterre ou, en fait plutôt l’inverse, pour des causes évidentes, tant sur le plan démographique (on vient de le voir) qu’économique et surtout linguistique et culturel ?

On doit se souvenir, en effet, qu'à cette époque, les classes supérieures du royaume d'Angleterre, la cour et le roi lui-même parlent français. La lettre du roi d’Angleterre, qui figure dans les archives du procès de Rouen, est rédigée dans cette langue. Donc, si les Anglais avaient gagné la Guerre de cent ans, le français serait probablement devenu la langue du nouveau royaume et, dans la suite, la quasi-totalité du monde en serait sans doute devenue francophone !

1 commentaire:

Expat a dit…

Cher Usbek,

Je suggère que, puisque son rôle semble être devenu celui d'écrire l'histoire,que l'Assemblée Nationale, pour mettre fin à vos doutes, mette rapidement à l'ordre du jour une proposition de loi punissant sévèrement la négation de la naissance de la Pucelle le 6 janvier 1412 à Domrémy.