A mes nobles lectrices et lecteurs de l'étranger (et même parfois de terres fort lointaines car rien n'échappe aux cent yeux de Google), je dois des excuses pour l'usage, intempestif peut-être et immodéré sans doute, que, dans des blogs récents, j'ai pu faire du terme "bignole" qu'ils ne connaissent sans doute pas et qu'ils ne trouveront probablement pas dans le Petit Larousse. Je suis d'autant plus porté à écrire ce post et à présenter des excuses qu'une enquête autour de moi m'a montré qu'il était inconnu de ceux et celles que j'ai interrogés à son propos. Mes lecteurs russes ou australiens (car j'en ai oui !) n'ont donc pas à rougir de leur probable ignorance de ce vocable.
Rassurez-vous je ne vais pas vous jouer ici les Bernard Cerquiglini (indignus sum cher Succus!) et vous infliger un de ces "Merci Professeur" où le Recteur de l'AUF, débarrassé pour la circonstance et pour une fois, de ses lunettes, vous explique le sens et l'origine de "procrastination" (je prends comme exemple un terme fort à la mode depuis que nos journalistes en ont découvert d'abord l'existence puis la signification).
Je me bornerai à traiter compendieusement (un des mots les plus remarquables du français par sa longueur, surtout quand on sait qu'il signifie "en bref") de "bignole". Ce joli terme désigne la concierge (celle qui est "dans" l'escalier à en croire la pancarte autrefois bien connue, mais qui a quasi disparu avec le métier lui-même) que le parler gnangnan actuel qualifie plus noblement de "gardien". Si le sens de bignole est bien établi, il y a hésitation sur son orthographe ; j'orne ici la bignole d'un seul "l", alors que ma source favorite, le Trésor de la langue française, lui en accorde deux, l'assimilant peut-être inconsciemment, par là même, à la mouche puisque la bignole est volontiers curieuse, voire indiscrète, comme semble l'être cet insecte dont le nom désigne parfois les espions.
Toutefois c'est plutôt l'origine même de "bignole" qui fait problème et sur ce point j'ai cru dans un premier temps avoir peine à suivre le TLF dont je reproduis l'article, comme c'est dimanche :
"BIGNOLLE, subst. fém.
A. ,,Agent de la Sûreté`` (A.-L. DUSSORT, Des Preuves d'une existence, 1927, dép. par G. Esnault, 1938, p. 32).
B. Arg. ,,Concierge`` (J. LACASSAGNE, L'Arg. du « milieu », 1935, p. 20) :
A.
B.
CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 209.
Orth. Écrit bignole dans J. LACASSAGNE, op. cit.ÉTYMOL. ET HIST. 1. 1927 (A. DUSSORT, addenda, p. 30, apportés par ce détenu à SAINÉAN, Lang. parisien du XIXe S. cité par SAIN. Sources t. 3, p. 30 : Pour désigner un agent de la Sûreté, on dit : bourre, maton, matuche, matelot, bignolle, condé, etc.); 2. 1934, date donnée par ROB. Suppl. et ESN. 1966, sans attest.; 1935 bignole (J. LACASSAGNE, op. cit., p. 20 : Bignole. Concierge argot parisien); 1936 bignolle, supra ex.
Issu de l'ang. bignolle « qui louche » (VERR.-ON.), déverbal de l'ang. bignoler « bigler, loucher, lorgner », p. ext. « examiner attentivement autour de soi, regarder d'une façon insolente ou indiscrète » (Ibid.) lui-même dér. de bigner « regarder » (VILLON, Ballades en jargon, éd. Lanly, V, 21 : Bignez la mathe sans targer). Bigner est prob. à rapprocher de guigner* regarder de côté, d'où les formations parallèles guignolle « gendarme » (DELVAU, v. FEW), guignol « id. » (v. FEW), v. guignol et FEW t. 1, p. 629 b et t. 17, p. 591a.
STAT. Fréq. abs. littér. : 6.
BBG. SAIN. Sources t. 3 1972 [1930], p. 69.".
Issu de l'ang. bignolle « qui louche » (VERR.-ON.), déverbal de l'ang. bignoler « bigler, loucher, lorgner », p. ext. « examiner attentivement autour de soi, regarder d'une façon insolente ou indiscrète » (Ibid.) lui-même dér. de bigner « regarder » (VILLON, Ballades en jargon, éd. Lanly, V, 21 : Bignez la mathe sans targer). Bigner est prob. à rapprocher de guigner* regarder de côté, d'où les formations parallèles guignolle « gendarme » (DELVAU, v. FEW), guignol « id. » (v. FEW), v. guignol et FEW t. 1, p. 629 b et t. 17, p. 591a.
STAT.
BBG.
Je dois dire que, dans une première lecture du TLF, trop hâtive comme souvent, j'avais été stupéfait de voir avancer une étymologie anglaise pat une interprétation, évidemment fausse, de l'abréviation "ang" , dont j'avais cru, sottement, qu'elle renvoyait à l'anglais. Il s'agit en fait bien sûr de "l'angevin " et la référence au glossaire de Verrier et Onillon (VERR.ON) que je connais bien, le prouve assez. "Bigner" est donc bien à rapprocher de "guigner" et la "bignole" est donc désignée ainsi du fait de sa curiosité toute professionnelle.
Dont acte et mea culpa!
3 commentaires:
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