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dimanche 30 septembre 2012

Honni soit qui Mali pense (suite et fin - toute provisoire)!

Peut-être l'avez-vous noté mais, comme souvent et en de multiples lieux, du Moyen-Orient à  Haïti et à la Guyane, flotte autour de toutes ces affaires comme une odeur de pétrole.

Le prévoyant Qatar ne serait pas hostile à mettre quelques billes dans les affaires pétrolières de la zone, fût-ce sous des oripeaux humanitaires comme on l'a vu. Les Chinois semblent, pour le moment, à peu près absents dans le Nord-Mali (ils sont bien les seuls, puisqu'on y parle même déjà d'"instructeurs" américains et français) mais j'incline à croire qu'on ne tardera pas à les voir débarquer. J'use à dessein de ce dernier verbe, qu'on peut juger quelque peu impropre au milieu du désert, mais l'expert militaire de service invité l'autre jour par Calvi nous a expliqué, savamment quoique contre toute attente, que les troupes de marine étaient les plus aptes et les plus à l'aise dans les combats dans le Sahara ! Dont acte.

Il faut aller dans Jeune Afrique me semble-t-il pour  voir enfin abordée la question : "Le champ gazier d’In Salah est déjà en activité. Les champs de Reggane, Timimoun et Adrar vont bientôt être lancés. De nouvelles découvertes importantes sont à prévoir jusqu’aux frontières maliennes et nigériennes. Un grand pôle industriel gazier et pétrolier va se développer dans cette région."

Du Sud algérien au Nord-Mali, il n'y a qu'un pas et les gisements pétroliers, eux, ne se soucient guère des limites des Etats !

La frontière algéro-malienne qu'on pourrait imaginer vide de tout  mouvement est, en réalité (et elle l'était déjà avant le conflit), au contraire, et de plus en plus, un lieu de passage dont l'un des centres se situe, côté malien, à Tinzawaten, à quelques kilomètres de l'Algérie.

Cette petite ville, alors encore tenue par les forces maliennes, avait été attaquée début février, par le MNLA. Certes l'attaque avait été repoussée mais, fait symbolique, elle avait aussi marqué la désertion du seul haut gradé tamasheq de l'armée de Bamako,  le colonel Hassan Ag Mehdi. Cet officier supérieur prestigieux avait gagné Ouagadougou à la tête d’un convoi de 60 véhicules.

Outre les passages de réfugiés ou d'émigrés (naguère encore ceux et celles que l'Algérie expulsait vers le Mali après les avoir capturés sur son territoire ; désormais les réfugiés du Nord Mali qui fuient les combats et la charia qu'y imposent, avec mains coupées, les groupes islamistes radicaux), les principaux trafics concernent la drogue (le plus important et surtout le plus rémunérateur), les armes et le carburant qui, dans le contexte actuel, vu le grand nombre de véhicules forts gourmands en essence et parcourant de nombreux kilomètres, est sans doute le problème logistique majeur pour les troupes engagées dans cette région. Comme le carburant ne peut guère venir de Mauritanie ni de Libye, je vous laisse le soin d'envisager quel doit être le principal fournisseur en la matière.

Toutefois les relations entre l'Algérie, le Nord Mali (l'Azawad) et le Mali lui-même ne se limitent pas à ces migrations humaines et à ces échanges commerciaux, pour la plupart informels voire clandestins. On a entrevu, dans le post d'hier comment ont varié et varient considérablement les relations entre ces trois entités.

Pour ce qui est de l'Algérie, assez portée aux doubles jeux (comme avec la francophonie, qui là-bas, est à usage externe et non interne!), il est clair que pour des raisons de politique intérieure (lutte contre l'intégrisme islamique qui aurait fait 200 000 morts) et extérieure (opposition à Al Qaïda soutenu par l'Arabie Saoudite, la relation avec le Qatar étant pour le moins double : "je t'aime moi non plus!"), ses faveurs vont de toute évidence au MLNA avec lequel Bouteflika a les liens historiques qu'on a vus et qui est partisan d'un Azawad laïque et non pas islamique.
Toutefois, compte tenu des relations de ce même MLNA avec des groupes islamiques qui, comme Ansar Dine ou le MUJAO rêvent de charia et république islamique indépendante, et même l'AQMI,  le MLNA doit composer avec ces alliés d'un moment, en attendant sans doute un jour de s'opposer à eux d'une façon plus forte, voire brutale.
Les relations de l'Algérie avec le Mali sont tout aussi compliquées puisque, si pendant très longtemps, Alger a soutenu Bamako pour essayer de brider les revendications des Tamasheq (de peur surtout qu'elles s'étendent à ses propres Touareg), le problème sahraoui et son conflit avec le Maroc (un gros caillou dans sa chaussure diplomatique algérienne) mettent Alger dans une position très inconfortable puisque le président Bouteflika dont les liens historiques et sentimentaux avec le Nord-Mali sont incontestables, ne peut que modérer les actions d'intégration de Bamako, dans la mesure où, par ailleurs, il encourage les revendications autonomistes ou indépendantistes de la mouvance sahraoui.
Les tensions internes entre les groupes islamiques présents au Nord Mali qui existent depuis fort longtemps et se perpétuent ont même récemment connu des formes bien plus violentes, puisque sept membres du personnel consulaire algérien à Gao (où cela fait tout de même beaucoup de monde pour un simple consulat) ont été enlevés et pris en otages, tandis que, pour la première fois, des terroristes du Nord Mali commettaient, dans le Sud algérien, à Tamanrasset, un attentat. Le plus grave, si l'on peut dire, est que ces deux actions terroristes ont été revendiquées par le MUJAO qui est un des groupes islamistes opposés au MLNA, vers lequel vont toutes les faveurs de l'Algérie.

La situation, déjà forte embrouillée, se complique encore puisque sont arrivés désormais dans le Nord Mali, d'après diverses sources, une flopée de terroristes et/ou de formateurs de terroristes qui évoluent librement dans toute cette zone ; on y trouve, dit-on, des Pakistanais venus par la Somalie mais surtout et, c'est plus remarquable et plus grave, des Nigérians de la secte nigériane Boko Haram (= "L'éducation occidentale est un péché") Ce groupe est connu par ses attaques, extrêmes, répétées et meurtrières, à l'égard du gouvernement et des chrétiens, mais aussi des populations musulmanes elles-mêmes.  Prétendant imposer par la violence un islam radical, inspiré de celui des Talibans d'Afghanistan, cette mouvance veut instaurer la charia dans tout l'Etat. Ce groupe est bien entendu combattu par les forces armées nigérianes ; cela amène à poser, en passant, le problème de l'intervention de troupes nigérianes qui, envoyées par la CEDEAO, risqueraient au Mali d'être amenées à combattre leurs propres compatriotes de la secte en cause. La Côte d'Ivoire, qui avait parlé d'y envoyer des troupes, se trouverait sans doute dans une situation un peu voisine, compte-tenu du clivage religieux qui règne dans cet Etat entre le Nord musulman, qu'on dit travaillé, en sous-main, par le Burkina Faso (qui serait aussi dans les intervenants possibles) et le Sud, animiste ou chrétien. Le Sénégal, le seul pays disposant d'une force militaire convenable, a, lui, la prudence de se tenir à l'écart de ces « bruits de bottes" ouest-africains.

Bien malin qui pourrait dire ce qui sortira de ce salmigondis politico-militaire qui rappelle un peu, à certains égards, les événements de l'ex-Yougoslavie, le pétrole en plus !

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