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lundi 11 février 2013

Diesel


Rassurez-vous, je ne vais pas vous parler mode, sujet auquel je n'entends rien (c'est toutefois un point commun à divers sujets que j'ai le front de traiter ici) ni automobile et carburant, sujet auquel je n'entends pas davantage et qui ne m'intéresse pas plus. Comme toujours, le point de vue que j'exprime ici est celui d'un Huron pourvu de ce bon sens élémentaire dont semblent dénué nombre de nos grands capitaines d'industrie comme, hélas, la plupart de nos politiques.

La France est, en effet, le pays du monde où l'usage du diesel (ou gaz-oil ou encore gazole) comme carburant est le plus répandu, puisque 75 % des véhicules qui circulent dans notre beau pays, utilisent ce type de carburant. Commençons donc par un doigt d'histoire l'explication de ce qui est, avec les droits de l'homme et le vaudeville une des spécificités françaises.

Le père de cette mode est Monsieur Jacques Calvet qui, après avoir été chez Giscard et dans la banque (j'espère qu'il y a mieux réussi), est entré chez PSA comme PDG et y resté entre 1983 et 1997. Il y était, vous en souvenez peut-être, somptueusement rémunéré, du fait en particulier des augmentations qu'il s'était consenties et, suite à la publication de sa feuille d'impôt par le Canard enchaîné, il a traîné cet hebdomadaire en justice dans un interminable procès qui a fini devant la Cour européenne de justice avec le triomphe de notre effronté palmipède et la défaite de la justice française.

C'est Monsieur Calvet, en grand capitaine d'industrie qu'il était, a entraîné la production automobile française sur la voie du diesel, ce qui était relativement facile moins pour les avantages que fournissait ce type de motorisation que pour des raisons économiques, puisque c'est l'État qui est, en fait, le maître du prix des carburants par les taxes qui forment 75% des prix. Pour imposer le diesel, on y a pratiqué une réduction des taxes afin qu'il coûte beaucoup moins cher que l'essence elle-même. CQFD!

Calvet et l'État jouaient sur le velours dans ce domaine et on se garda de parler à la fois de la pollution, qui est infiniment plus grande dans l'usage du diesel (même si elle s'est un peu réduite au fil des années, pour le CO² surtout, mais par pour les microparticules) mais surtout, et c'est beaucoup plus grave, du fait que, pour des raisons obscures mais incontournables, la production française de diesel est tout à fait insuffisante pour le niveau de consommation que l'on a provoqué dans notre pays.

Durant des décennies, on s'est naturellement abstenu de nous dire cela; on a jeté un voile, devenu de plus en plus impudique au fil des ans, sur ces deux aspects majeurs la pollution et la nécessité d'acquérir ce carburant à l'étranger.

Avec cette totale et rare cécité qui est, à la fois, celle de nos grands capitaines d'industrie comme de nos décideurs politiques majeurs, nous avons développé en France une énorme consommation d'un carburant qui, non seulement pollue notre atmosphère mais surtout que ne peuvent couvrir que, dans une très faible mesure, nos propres moyens de production, alors qu'on ferme les raffineries locales ! Va comprendre Charles ! Je laisse au représentant du lobby diesel le soin de vous expliquer pourquoi nous produisons si peu de diesel dont nous avons grand besoin depuis un quart de siècle ; cela, paraît-il coûte très cher mais alors l'État (Monsieur Calvet s'en foutait lui !) aurait dû réfléchir à cet aspect avant d'encourager la généralisation de l'usage de ce carburant que nous ne produisons pas.

Pour faire court, comme toujours je reviens directement aux faits saillants et absurdes à la fois.

Nous achetons donc une grande partie de notre carburant diesel aux États-Unis, qui apparemment, produisent, eux, du gazole qu'ils ne consomment pas et nous exportons, vers ces mêmes États-Unis, de l'essence que nous produisons en grande quantité mais que nous ne consommons pas non plus. Vive le Père Ubu!

Des norias de tankers se croisent donc au milieu de l'Atlantique ; les uns viennent de l'Est (de chez nous) et vont vers l'Ouest, chargés d'essence française ; les autres vont d'Ouest en Est, chargés de gasoil américain! Ils doivent se faire coucou au passage!

On croit rêver. Cela me rappelle, puisque la viande est aujourd'hui à l'honneur avec "l'effet canasson" que j'évoquais hier dans mon blog, ce que me disait un ami qui était dans le commerce international des viandes; il m'expliquait alors que l'on exportait des porcs bretons vers l'Europe de l'Est tandis que l'on expédiait vers notre pays des cochons hongrois. Je lui avais suggéré, par le simple robuste bon sens, d'installer de chaque côté un employé, munis de tampon avec la mention "breton" d'un côté et "hongrois" de l'autre qui aurait pu tout simplement tamponner, au départ, comme "hongrois" les porcs bretons et comme "bretons" les cochons hongrois, en évitant, en outre par là même, à ces pauvres animaux, un long et pénible voyage.

Tout cela est évidemment absurde, mais l'État, bien loin de reconnaître son erreur et de battre sa coulpe, s'emploie depuis des années, subrepticement d'abord et désormais ouvertement, à augmenter progressivement le prix du gasoil pour l'amener à peu près au niveau du prix de l'essence, ce qui évidemment réduira peu à peu la consommation de diesel mais n'évitera pas, dans l'immédiat et aussi longtemps qu'il se vend en France autant de véhicules diesel, la noria alternée des tankers dans l'océan Atlantique. C'est aussi (mais qui le dit?) un élément de la crise de l'industrie automobile française:

Et dire que ce pauvre Descartes essayait de nous faire croire que "le bon sens est la chose du monde la mieux partagée". On oublie toujours la suite de cette phrase qu'il faut mentionner, surtout à l'intention de nos décideurs et de nos politiques : "Chacun pense en être si bien pourvu, que même ceux qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont".

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