Sur le simple
plan du PAF français, les événements du Mali illustrent mieux que tout autre
sujet la caractéristique principale de notre information audiovisuelle : on y
parle essentiellement pour ne rien dire, surtout lorsque l'on a rien à montrer.
Quel meilleur
exemple que l'émission "Envoyé spécial" (au titre des plus étranges
en la circonstance, diffusée sur France 2, jeudi 31 janvier 2013 au soir, avec en
plat de résistance un reportage sur la guerre au Mali ? Je parle ici surtout de
sa première partie, qui avait mobilisé une importante équipe d'"envoyés
très spéciaux" (dans le septième arrondissement de Paris pour l'essentiel)
dont, m'a-t-il semblé, l'une des productrices de l'émission que l'on a même entrevue
(sans doute volontairement, même si elle feignait la confusion de se trouver
dans le champ de la caméra) ; la seconde partie, tournée à Ouagadougou pendant
l'occupation djihadiste, quoique faite par un amateur, était infiniment plus
intéressante, car si l'information était manifestement biaisée, il y avait au
moins, de temps en temps, un certain nombre de choses à voir.
Ce n'était pas,
en revanche, le cas de la première partie du sujet central qui a été réalisée
pour l'essentiel à l'Hôtel de Brienne, ce qui a rendu bien commodes les
déplacements des "envoyés spéciaux" et des "correspondants de
guerre".
Tout cela est,
au fond, symbolisé et personnifié en même temps, par Monsieur Le Driant, vieux
briscard des campagnes de Solférino, qui est notre ministre de la guerre, des
armées ou de la défense. Je ne sais plus de quoi au fond mais mon goût prononcé
pour les mauvaises plaisanteries m'incite à opter pour la défense puisqu'il est
clair que la consigne de silence (Défense d'y voir) conduit logiquement à
attribuer ce maroquin à l'un des éléphants du PS).
J'exagère (comme
souvent) en disant que tout a été tourné à Paris, puisqu'une brève séquence, un
peu inattendue s'agissant du Mali et l'heure étant grave, nous a montré
Monsieur Le Driant à Lorient (sa ville natale, me semble-t-il) en train de
faire la bise au maire de cette belle cité et d'aller prendre son café, le
lendemain matin, au bistrot du coin, curieusement désert. Tout cela justifiait
tout à fait bien entendu le déplacement de cette escouade de correspondants de
guerre.
Il faut
reconnaître que trente ans de parti socialiste ont formé définitivement
Monsieur Le Driant dans l'art de parler pour ne rien dire ; en revanche, nous
avons longuement visité ses bureaux et nous avons même assisté à une réunion de
l'équipe chargée de la conduite des opérations guerrières au Mali ; elle avait
été manifestement inspirée et mise en scène sur le modèle de la désormais
fameuse réunion à la Maison-Blanche au cours de laquelle Barak Obama avait appris,
en principe du moins, la mort de Ben Laden. La seule différence est qu'en cette
circonstance, on ne nous a rien annoncé de saillant.
J'exagère en
disant que rien n'était notable dans cette affaire puisqu'on a pu y constater à
la fois que le chef de nos opérations militaires était un amiral, ce qui;
compte tenu du fait que le théâtre des opérations se situe en plein Sahara, ne
manque pas de pittoresque, même si l'on se souvient que ce désert fut autrefois
effectivement une mer (mais c'était il y a bien longtemps) et que la marine y
était fort présente. Au moment où on nous informe, au sein de la perfide droite,
que le président de la République place ses amis à tous les postes importants
de l'Etat, on a pu constater, à une échelle plus modeste, que l'amiral qui
dirige nos armées et cette affaire, fait un peu la même chose dans son équipe
puisque la plupart des militaires qu'on a pu entrevoir dans ce bunker situé au
quatrième ou cinquième sous-sol de l'Hôtel de Brienne, portaient sur l'épaulette
l'ancre de marine.
Ce qui est plus
amusant est la stratégie déployée au Mali ; tout, dans les propos au moins,
vise à donner à penser qu'il y a là une opération conjointe du Mali et de la
France, la seconde intervenant qu'à la demande du premier voire sur ses brisées.
Comme il faut bien illustrer cette subtilité diplomatique à usage externe, peu
crédible dans les faits, chaque colonne motorisée française amène, dans son
sillage, deux ou trois 4 X 4 sur lesquels on a empilé des soldats maliens, dont
les caméras du service des armées ne cessent de filmer, avec une insistance à
la longue pesante, l'écusson national malien placé sur le biceps de ces
bidasses. Arrive-t-on près d'une ville ou d'un village, on fait aussitôt passer
ces vaillants guerriers en tête de colonne et ce sont ces hardies troupes
maliennes qui délivrent l'agglomération en cause. La ficelle est certes un peu
grosse mais, après distribution de friandises et de drapeaux français et une
fois mises en place les caméras dont les négrillons et négrillonnes sont
toujours très friands, on peut filmer la chose pour le service d'information
aux armées et le bon peuple de Bamako ou de Paris.
Tout s'est passé
selon ce scénario à Gao puis à Ouagadougou, mais il s'est posé un petit
problème à Kidal.
Il y a même un
problème d'abord et surtout lexical. Il se situe en amont de cette affaire car
s'il est facile de parler d'une action de troupes franco maliennes, il est
beaucoup plus compliqué au plan lexical de donner la première place aux Maliens
; "maléo" ou "malayo" sont déjà pris par les Malais (le
malgache est ainsi une langue malayo-polynésienne) ; Monsieur Le Driant, en
souvenir de sa chère Bretagne, opterait sans doute volontiers pour "Malo",
mais ce "malo" en français peut facilement être équivoque pour ne pas
dire insultant. Je suggérerais donc volontiers au ministre de renouer avec la
tradition créée autrefois par le regretté Coluche et de proposer, comme prix la
traditionnelle tringle à rideaux, à celui ou celle qui résoudra ce délicat
problème lexical.
Revenons au
problème ethnico-politico-militaire inattendu que nous impose Kidal. Rappelons
d'un mot que Kidal, à quelque 200 km de la frontière algérienne, a été, pour
finir, récemment occupée par les forces du MLNA (Tamasheqs indépendantistes) qui
y ont remplacé les djihadistes après s'être brouillés et battus avec eux (sur
ce point voir les textes précédents sur le Mali dans ce même blog). Le MLNA,
qui tient désormais Kidal, a donc fait savoir aux forces françaises qu'il était
tout disposé à les accueillir, mais qu'il refusait absolument qu'entrent avec les
,rançais des soldats maliens et donc, moins encore; que ces derniers précèdent
les Français dans l'arrivée triomphale à Kidal (avant la distribution des
petits drapeaux tricolores et la mise en place du service cinématographique). La
France a mis les pouces et on a débarqué les militaires maliens quelque part
avant l'arrivée à Kidal qui a été libérée, de ce fait, par les seuls Français.
Je ne
commenterai pas, pour moment, cet aspect des choses (assez évident d'ailleurs) car
j'ai l'intention d'y revenir, mais on voit déjà que la solution diplomatique
dont on rêve ne sera pas facile à trouver.
1 commentaire:
Kidal, « La France a mis les pouces », ou la France a délivré un message : le problème de l’autonomie des Touaregs, c’est pas son problème, aux maliens de le résoudre sans son intervention.
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