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samedi 2 février 2013

Honni soit qui Mali pense (suite...sans fin)


Sur le simple plan du PAF français, les événements du Mali illustrent mieux que tout autre sujet la caractéristique principale de notre information audiovisuelle : on y parle essentiellement pour ne rien dire, surtout lorsque l'on a rien à montrer.

Quel meilleur exemple que l'émission "Envoyé spécial" (au titre des plus étranges en la circonstance, diffusée sur France 2, jeudi 31 janvier 2013 au soir, avec en plat de résistance un reportage sur la guerre au Mali ? Je parle ici surtout de sa première partie, qui avait mobilisé une importante équipe d'"envoyés très spéciaux" (dans le septième arrondissement de Paris pour l'essentiel) dont, m'a-t-il semblé, l'une des productrices de l'émission que l'on a même entrevue (sans doute volontairement, même si elle feignait la confusion de se trouver dans le champ de la caméra) ; la seconde partie, tournée à Ouagadougou pendant l'occupation djihadiste, quoique faite par un amateur, était infiniment plus intéressante, car si l'information était manifestement biaisée, il y avait au moins, de temps en temps, un certain nombre de choses à voir.

Ce n'était pas, en revanche, le cas de la première partie du sujet central qui a été réalisée pour l'essentiel à l'Hôtel de Brienne, ce qui a rendu bien commodes les déplacements des "envoyés spéciaux" et des "correspondants de guerre".

Tout cela est, au fond, symbolisé et personnifié en même temps, par Monsieur Le Driant, vieux briscard des campagnes de Solférino, qui est notre ministre de la guerre, des armées ou de la défense. Je ne sais plus de quoi au fond mais mon goût prononcé pour les mauvaises plaisanteries m'incite à opter pour la défense puisqu'il est clair que la consigne de silence (Défense d'y voir) conduit logiquement à attribuer ce maroquin à l'un des éléphants du PS).

J'exagère (comme souvent) en disant que tout a été tourné à Paris, puisqu'une brève séquence, un peu inattendue s'agissant du Mali et l'heure étant grave, nous a montré Monsieur Le Driant à Lorient (sa ville natale, me semble-t-il) en train de faire la bise au maire de cette belle cité et d'aller prendre son café, le lendemain matin, au bistrot du coin, curieusement désert. Tout cela justifiait tout à fait bien entendu le déplacement de cette escouade de correspondants de guerre.

Il faut reconnaître que trente ans de parti socialiste ont formé définitivement Monsieur Le Driant dans l'art de parler pour ne rien dire ; en revanche, nous avons longuement visité ses bureaux et nous avons même assisté à une réunion de l'équipe chargée de la conduite des opérations guerrières au Mali ; elle avait été manifestement inspirée et mise en scène sur le modèle de la désormais fameuse réunion à la Maison-Blanche au cours de laquelle Barak Obama avait appris, en principe du moins, la mort de Ben Laden. La seule différence est qu'en cette circonstance, on ne nous a rien annoncé de saillant.

J'exagère en disant que rien n'était notable dans cette affaire puisqu'on a pu y constater à la fois que le chef de nos opérations militaires était un amiral, ce qui; compte tenu du fait que le théâtre des opérations se situe en plein Sahara, ne manque pas de pittoresque, même si l'on se souvient que ce désert fut autrefois effectivement une mer (mais c'était il y a bien longtemps) et que la marine y était fort présente. Au moment où on nous informe, au sein de la perfide droite, que le président de la République place ses amis à tous les postes importants de l'Etat, on a pu constater, à une échelle plus modeste, que l'amiral qui dirige nos armées et cette affaire, fait un peu la même chose dans son équipe puisque la plupart des militaires qu'on a pu entrevoir dans ce bunker situé au quatrième ou cinquième sous-sol de l'Hôtel de Brienne, portaient sur l'épaulette l'ancre de marine.

Ce qui est plus amusant est la stratégie déployée au Mali ; tout, dans les propos au moins, vise à donner à penser qu'il y a là une opération conjointe du Mali et de la France, la seconde intervenant qu'à la demande du premier voire sur ses brisées. Comme il faut bien illustrer cette subtilité diplomatique à usage externe, peu crédible dans les faits, chaque colonne motorisée française amène, dans son sillage, deux ou trois 4 X 4 sur lesquels on a empilé des soldats maliens, dont les caméras du service des armées ne cessent de filmer, avec une insistance à la longue pesante, l'écusson national malien placé sur le biceps de ces bidasses. Arrive-t-on près d'une ville ou d'un village, on fait aussitôt passer ces vaillants guerriers en tête de colonne et ce sont ces hardies troupes maliennes qui délivrent l'agglomération en cause. La ficelle est certes un peu grosse mais, après distribution de friandises et de drapeaux français et une fois mises en place les caméras dont les négrillons et négrillonnes sont toujours très friands, on peut filmer la chose pour le service d'information aux armées et le bon peuple de Bamako ou de Paris.

Tout s'est passé selon ce scénario à Gao puis à Ouagadougou, mais il s'est posé un petit problème à Kidal.

Il y a même un problème d'abord et surtout lexical. Il se situe en amont de cette affaire car s'il est facile de parler d'une action de troupes franco maliennes, il est beaucoup plus compliqué au plan lexical de donner la première place aux Maliens ; "maléo" ou "malayo" sont déjà pris par les Malais (le malgache est ainsi une langue malayo-polynésienne) ; Monsieur Le Driant, en souvenir de sa chère Bretagne, opterait sans doute volontiers pour "Malo", mais ce "malo" en français peut facilement être équivoque pour ne pas dire insultant. Je suggérerais donc volontiers au ministre de renouer avec la tradition créée autrefois par le regretté Coluche et de proposer, comme prix la traditionnelle tringle à rideaux, à celui ou celle qui résoudra ce délicat problème lexical.

Revenons au problème ethnico-politico-militaire inattendu que nous impose Kidal. Rappelons d'un mot que Kidal, à quelque 200 km de la frontière algérienne, a été, pour finir, récemment occupée par les forces du MLNA (Tamasheqs indépendantistes) qui y ont remplacé les djihadistes après s'être brouillés et battus avec eux (sur ce point voir les textes précédents sur le Mali dans ce même blog). Le MLNA, qui tient désormais Kidal, a donc fait savoir aux forces françaises qu'il était tout disposé à les accueillir, mais qu'il refusait absolument qu'entrent avec les ,rançais des soldats maliens et donc, moins encore; que ces derniers précèdent les Français dans l'arrivée triomphale à Kidal (avant la distribution des petits drapeaux tricolores et la mise en place du service cinématographique). La France a mis les pouces et on a débarqué les militaires maliens quelque part avant l'arrivée à Kidal qui a été libérée, de ce fait, par les seuls Français.

Je ne commenterai pas, pour moment, cet aspect des choses (assez évident d'ailleurs) car j'ai l'intention d'y revenir, mais on voit déjà que la solution diplomatique dont on rêve ne sera pas facile à trouver.

1 commentaire:

j.michel a dit…

Kidal, « La France a mis les pouces », ou la France a délivré un message : le problème de l’autonomie des Touaregs, c’est pas son problème, aux maliens de le résoudre sans son intervention.