Quelques explications liminaires de ce titre, sans
doute indispensables, pour mon lectorat étranger (Et vive la Pologne!).
Fana : ville du Mali, dans la région de Koulikoro
(ce détail est sans importance !).
"Mili fana" (par abréviation de
"militaire fanatique") : individu passionné par le métier militaire
(j'ai autrefois appris cette expression de la bouche des "Cyrards" dont
la salle de classe, au Lycée du Parc à Lyon, était voisine de celle de la
"khâgne).
Grande décision
de ma part, hier à 17h50, en regardant l'émission d'Yves Calvi (qui pas fou,
s'était mis en vacances pour la circonstance) consacrée au Mali : dès
qu'apparaîtront dans une émission les binettes de Christophe Barbier et de
Pierre Servent, j'éteindrai aussitôt la télévision et passerai à une autre
activité. Ces deux individus, dont les discours sont aussi insipides l'un que
l'autre, sont là essentiellement pour faire des "piges" et tenter de vendre
leurs salades.
Le premier essaye
de fourguer son Express qui n'est
plus ce qu'il était depuis bien longtemps (comme le Nouvel Observateur d'ailleurs, ce qui pose et illustre, de façon
évidente et dramatique, le problème de la dégringolade de notre presse écrite
française). Barbier, qui n'est point sot mais chlorotique et malingre, ne me
paraît pas avoir une grande expérience et pratique de la chose militaire, ce
qui évidemment ne l'empêche pas d'en parler. Je serais curieux de l'interroger,
à brûle pourpoint et sans préparation, sur la FCB et la CFCB qui sont le B A-BA
du bidasse, mais doivent lui être des notions tout à fait étrangères ! Ne
parlons pas non plus de la géographie du Sahel et même simplement du Mali qui
ne semblent pas lui être extrêmement familières.
Avec Servent,
dont il partage d'ailleurs plus ou moins les idées politiques et les points de
vue, ils se repassent la balle, Barbier, par prudence, rendant hommage de façon
discrète aux compétences militaires prétendues de Pierre Servent. Celui-ci,
vérification faite, a un CV un peu déconcertant. Il se donne pour "journaliste",
ce qui est un peu curieux pour quelqu'un qui par ailleurs se présente comme
"lieutenant-colonel (de réserve" ("Chic à Cyr, chic à la tradi..."), ce qui tend à prouver qu'il a fait
sous l'uniforme, sa formation de journaliste.
Cela explique,
en tout cas, que, dans chacune des émissions où il se trouve, il ne manque jamais
de faire la publicité de l'armée ("mili fana") et de souligner l'absolue nécessité de lui
donner sans cesse plus de moyens, surtout au moment où l'on rédige le Livre
blanc de la défense. Cela ne paraît pas gêner les organisateurs de débats qui
le laissent tranquillement faire cette publicité qu'on peut juger discutable.
Cela dit, à lire le récit de sa carrière et à voir la litanie des diverses
consultations qu'il donne comme les sinécures où il se faufile, on devrait le
nommer ministre de la défense car son lobbying serait sans doute plus efficace
que celui de Monsieur Le Driant.
Toujours est-il que
ces intervenants ont occupé plus de la moitié de cette émission de leur
verbiage et en particulier les trente premières minutes. La troisième
intervenante, régulière désormais quand il s'agit du Mali, est une charmante
jeune femme qui arbore, à chaque passage, des tenues différentes ; comme à
Canal+, on finira par nous préciser qu'Aminata Konaté Doune (puisque c'est
d'elle qu'il s'agit) est habillée par Machin et coiffée par truc ; Calvi se
change en Bellemarre ! Aminata est le témoin principal pour tout ce qui
concerne le Mali alors qu'il est bien évident qu'elle est une Malienne d'Évry
ou de Montreuil et que lui demander des détails sur le Nord Mali a quelque
chose de pittoresque et même de touchant, car de telles questions provoquent
chez elle une forme d'embarras et l'obligent à une prudence plus que
serpentine.
Reste le
quatrième intervenant car c'est lui qui m'a fait demeurer devant mon téléviseur
: Antoine Glaser ; comme toujours, il a arboré cet air lointain et distrait, ce
qui ne l'a pas empêché pas de faire les réflexions les plus pertinentes, ce qui
est bien normal, puisqu'il seul à connaître véritablement les situations
africaines et à avoir des idées comme des jugements sur elles. Je ne comprends d'ailleurs
pas bien ce qui pousse Antoine Glaser de participer à des émissions de cette
nature où ses propos ne rencontrent qu'une indifférence à peine polie, quand
ils ne sont pas contredits par l'une ou l'autre des parties qui hésitent d'autant
moins à le faire que Glaser est toujours d'une parfaite courtoisie, même face aux pires des sottises, se bornant à son éternel demi-sourire.
Ce fut le cas hier
d'ailleurs lorsque "l'expert" Servent, prenant la parole après
Antoine Glaser, qui avait souligné l'extrême difficulté de surveiller les
frontières dans cette zone (1500 km de désert entre l'Algérie et le Mali, sans
parler de celles de la Mauritanie et du Niger), se risqua, pour garder la main et le crachoir, à contester ce point
de vue. P. Servent nous a alors ressorti qu'en fait, il n'y a qu'un nombre
limité de passes, passages obligés pour les véhicules lourds. Lui, le lieutenant-colonel
de réserve, expert en stratégie militaire (Dieu seul sait pourquoi car les lieutenants-colonels sont peu sollicités dans les vraies affaires de
stratégie militaire) paraît ne pas connaître la différence entre un véhicule dit
lourd et les 4 x 4 Toyota.
Le meilleur
moment fut toutefois celui où "l'expert Servent" (le "mili
fana"), après nous avoir expliqué, dans le détail et avec émotion, ce qu'étaient les "forces
spéciales" nous a infligé un long développement laudatif sur le fait que,
au-delà de leurs actions proprement militaires, ces "commandos" avaient
à remplir des tâches subtiles de renseignement et d'information ("ces
Rambos ont des cerveaux" comme il a précisé en une formule longtemps méditée et que vérifie toutes les occasions qu'on a de voir leurs tronches!) ;
dans les zones où ils se trouvent, ils recueillent, en effet, auprès des
populations locales, de précieuses informations de toute nature qu'ils transmettent
ensuite à la hiérarchie.
De telles
réflexions témoignent surtout de la totale ignorance des réalités qu'on évoque,
car j'aimerais bien savoir comment, dans un campement tamasheq de la région de
Kidal, un commando des forces spéciales, quelque soit l'élévation de son QI,
peut bien recueillir quelque information que ce soit auprès de populations,
dont il ignore totalement la langue, alors que ces mêmes populations ne parlent
pas davantage la sienne.
Mais ce sont là
des détails mesquins auxquels ne s'arrête pas un spécialiste éminent de la
stratégie militaire.
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