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mercredi 6 février 2013

Honni soit qui Mali pense (N° 3) : la guerre des mots


En ce matin du 6 février 2013, sur Europe 1, dialogue hilarant entre l'intervieweur de service à cette heure matinale, Jean-Pierre Elkabbach et notre ministre de la défense, le bon Monsieur Le Driant qui est en service quasi permanent sur tous les médias avec, en mains, tout frais pondus, ses "éléments de langage".
Le caractère amusant de ce dialogue ne tient pas à son contenu qui est assez insignifiant en raison du secret défense ("les oreilles ennemies nous écoutent"); toutes les questions un peu délicates sont d'emblée écartées par le ministre français au prétexte de la préservation de nos otages, ce qui est bien commode mais peu convaincant. En revanche, partie de ping-pong lexical entre les deux protagonistes, Monsieur Le Driant ne parlant que de "terroristes" pour désigner Aqmi, Ansardine et Munjao), alors que Jean-Pierre Elkabbach s'obstine à lui répondre "djihadistes" à propos des mêmes groupes, ni l'un ni l'autre bien entendu ne voulant céder et moins encore s'expliquer sur ce différend lexical.
Vous l'aurez observé en effet le politiquement correct, comme la politique pure en la circonstance, imposent, depuis peu, à la partie française l'interdiction absolue d'user des termes "islamistes" ou " djihadistes"» qui étaient les seuls en usage il y a quelques semaines encore dans le discours français pour dénoncer la mainmise étrangère sur le Nord Mali. Subitement, ces "islamistes" et ces "djihadistes" se sont mués en "terroristes", ce qui, à mon sens, est passablement inexact puisque, à ma connaissance, terroristes sur le territoire malien. Mais comme l'immense majorité de la population malienne est il n'y a eu, sur le territoire malien, aucun acte qu'on pourrait, en d'autres lieux, à proprement parler, qualifier de "terroriste". Sans doute a-t-on découvert que 90% de la population du Mali est musulmane (même si c'est à sa façon) et, comme soudain elle nous est désormais toute acquise (pour un temps au moins), force nous est de bannir les termes qui pourraient offenser ses sentiments religieux. C'est le cas de ceux qui peuvent évoquer l'islam ; le mot "terroristes" est donc bien commode, pour le Mali comme pour les Etats Unis et l'UE, car il n'a guère de couleur idéologique ou religieuse.
L'étrange ping-pong lexical entre " djihadistes " et "terroristes" a duré jusqu'à la fin de l'interview de Monsieur Le Driant sans que nul ne cède sur le choix qu'il avait fait ni ne s'en explique, ce qui vous l'aurez compris ne trompe personne.
Le mot "malien" lui-même devient queque peu suspect et est également employé avec précaution. On a pu le voir dans l'affaire de Kidal que j'ai rappelée précédemment. Le MLNA (Tamasheq), qui est très loin d'être en odeur de sainteté à Bamako mais qui le rend bien à la capitale du Sud, a refusé que les troupes françaises libératrices se fassent accompagner par des troupes maliennes dans l'occupation de cette ville. La France a cédé sur ce point mais, pour ne pas perdre tout à fait la face, on a profité, à ce moment-là, de l'arrivée, fort heureuse et surtout opportune, de quelques dizaines de soldats tchadiens pour les mettre aux côtés des Français. Ainsi, tout le monde était content, et, à la télé et vu de Paris, allez donc distinguer un Malien d'un Tchadien !
Le problème tamasheq, tant dans les négociations actuelles autour de Kidal que dans le règlement ultérieur du problème malien, sera, à n'en pas douter, un gros caillou dans la chaussure de l'amitié franco malienne et cela d'autant que tout bon Malien vous dira qu'un Tamasheq n'a pas de parole !
J'ai pu entendre, je ne sais où le chargé de communication du MLNA, qui, dans un français quasiment parfait, nous expliquait, d'une part le virage lof pour lof de sa formation qui est désormais l'alliée le plus sûr de la France, comme le prouve son action contre les terroristes. Sans les lui livrer, n'autorise-t-elle pas la France à interroge) de personnalités importantes des groupes "terroristes" (dans le lexique MLNA qui est aussi le nôtre on l'a vu)) qu'elle a elle-même capturés, ce qui démontre à la fois son implantation locale, son efficacité et sa bonne foi. Au Mali, on l'a vu, la tradition veut qu'on ne puisse jamais se fier à la parole d'un Tamasheq et ils semblent effectivement  en avoir donné une illustration par leurs revirements politiques successifs dans leur rapport avec les autres groupes "terroristes".
Comme je l'ai rappelé, dans le post sur l'émission de Calvi à propos du Mali, le seul moment véritablement intéressant mais il n'a guère duré, a été celui où a été évoquée l'exclusion dont, à les entendre, les Tamasheq seraient l'objet de la part de l'Etat malien. Le fait intéressant a été alors la réaction extrêmement vive voire violentes d'Aminata Traoré qui, par des mimiques d'abord puis par un propos rapide, a signalé, au contraire, que, dans cette affaire, c'étaient les Tamasheq qui étaient les racistes et non pas les maliens du Sud, rappelant au passage que les premiers, de toute éternité, ontt toujours réduit en esclavage des noirs qu'ils se procuraient par les "rezzous" ( comme la pratique, le mot est de la région) qu'ils lançaient dans dans les zones situées au Sud de leur propre territoire. Bien entendu, on a très vite glissé sur cette affaire, mais il y a là pourtant des éléments historiques et sociaux qu'on ne pourra pas éternellement passer sous silence dans les négociations ultérieures même si les politiques et les commentateurs s'obstinent à les cacher ou à les ignorer.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bonjour Usbek

oui, se garder de signifier qu'il n'est point besoin de Voltaire et des lumières du passé pour se lever et dire non à la charia, le djjihad et le meurtre au nom d'Allah, qui a bon dos d'ailleurs dans ces terres commerçantes de paradis artificiels
se garder d'avouer qu'on aimerait ne pas avoir mis le doigt dans la prise avec le schéma tribal de cette Afrique et d'avouer qu'on ne saura jamais dire qui est légitime, tous peut être unis dans une belle démocratie?
et tout à coup , on s'en doutait, mais l'annonce choc, quelques centaines de morts chez les rebelles
et bien moi je sorts de la norme peut être et je demande la modalité de gestion de ces dépouilles et de leur ensevelissement au sens humain du terme
bonne journée