Peut-être vous souvenez-vous de ce sketch de Coluche qui mettait en scène Robert Fabre, de son état pharmacien à Villeneuve-sur-Lot (me semble-t-il) et (je crois) plus ou moins fondateur du fugace et ectoplasmique Mouvement des radicaux de gauche ; choisi, sans doute à ce dernier titre, pour être Délégué national à l'emploi, il était mis en scène par Coluche à sa sortie de l'Élysée où il déclarait, sur le perron et devant la presse : "ça y est les gars, j'ai trouvé du boulot !".
J'ai toujours été, non pas surpris mais étonné (comme aurait dit Monsieur Littré) par la diversité extravagante des chiffres donnés pour le chômage en France, si l'on met à part le chiffre des chômeurs du mois, toujours, à l'inverse, extraordinairement précis, par exemple 41.526 de ce fait, je suis toujours tenté d'ajouter, avec notre bon Rabelais, « sans compter les femmes et les petits enfants »). Paradoxe arithmétique déconcertant, les chiffres globaux eux sont toujours d'un vague absolu avec des écarts énormes. Ainsi, depuis hier, ai-je entendu, pour ne garder que les extrêmes, avancer les chiffres de 2.700.000 et de 4.400.000 chômeurs. C'est tout de même un peu fort de café !
Je suis très loin d'être un spécialiste de la question ; me semble-t-il, il y a en France deux organismes officiels qui sont essentiellement chargés de compter les chômeurs ; d'une part, l'INSEE et, d'autre part, Pôle Emploi. Cela fait sans doute beaucoup, me direz-vous, pour un seul et même Etat qui pourrait se contenter d'une seule institution ce qui, au moins, aurait l'avantage de limiter à une série unique les données produites. Mais peut-être est-ce là précisément ce dont on ne veut surtout pas!
En revanche, comme disait l'autre, une telle structure crée de l'emploi. Soyons plus précis. L'INSEE a un effectif de 7.596 agents, tandis que Pôle Emploi en emploie 45.422. Cela fait tout de même 53.018 personnes qui, comme Robert Fabre en son temps, ont trouvé un boulot qui consiste, pour partie au moins, à compter ceux qui n'en ont pas.
Le total des chômeurs en France est donc, de ce simple fait, de X - 53.018 !
Je connais mal l'activité de l'INSEE dont on conteste souvent les évaluations de la hausse des prix, le dénombrement des chômeurs étant moins sensible dans notre vie quotidienne ; en revanche, je suis un peu plus et mieux éclairé sur l'activité de Pôle Emploi parce que j'ai une de mes amies qui, quelque part en France, officie dans ce domaine. Parmi les multiples curiosités de ce secteur, la plus notable est qu'en réalité les "antennes"de Pôle Emploi qui sont censées trouver du travail aux chômeurs sous-traitent cette activité, pour une bonne part, auprès d'officines privées (petites entreprises ou associations) qui s'emploient à ces tâches et qui bénéficient en particulier de primes très substantielles lorsqu'elles parviennent à trouver un emploi pour un chômeur. Trouver un boulot est extrêmement rare dans le cadre de Pôle Emploi, selon tous les témoignages (fort nombreux) que je puis avoir de ce côté.
Peut-on espérer voir en quoi que ce soit la situation de l'emploi s'améliorer si elle est inconnue ou cachée, au point que, dans une même journée, on entend évaluer, dans les médias audiovisuels français et simultanément, le nombre des chômeurs à 2,5 millions, plus de 3 millions et enfin 4 millions et même 4,7 millions! De qui se moque-t-on ?
Petite esquisse de solutions lexicographiques au problème du chômage en France.
Ne pourrait-on distinguer, dans la perspective administrativo-technocratique, le chômage, pour lequel on pourrait faire toutes les entourloupettes comptables (par exemple seuls seraient regardés comme relevant du "chômage" et de ce fait comptabilisés comme "chômeurs" les rouquins quadragénaires myopes et ambidextres) et le "chômedu", réalité populaire voire populacière et quotidienne que nos institutions officielles n'auraient plus à prendre en compte ?
Autre solution de nature également lexicographique mais moins contestable. Le Trésor de la langue française, référence incontestable, offre pour le mot "chômage" deux sens:
" A - Suspension des travaux le dimanche et les jours de fêtes
B. P. ext. Situation d'une personne, d'une entreprise, d'un secteur entier de l'activité économique caractérisée par le manque de travail".
Pourquoi ne pas user de façon exclusive, dans les statistiques, du sens A, choix d'autant plus légitime que le mot n'a pris, en français, le sens B que "par extension"?
Qu'est-ce qu'on dit à Usbek Monsieur Hollande?
2 commentaires:
«Le démembrement des chômeurs»: vraiment, mon cher Usbek? Le «dépeceur de Montréal» ne s'était livré à son activité que sur un étudiant. L'INSEE et PÔle Emploi seraient-ils les avatars français de Dachau et d'Auschwitz? Bah, je sais bien que tu vas répondre que c'est plutôt ton Dragon qui procède au démembrement...
succus
Beau lapsus cher Succus mais c'est d'abord la faute à mon Dragon dont le naturel a pris le dessus! Usbek
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