Déjà dix ans que François Mitterrand est mort. Comment ne pas le savoir?
C’est bête, au fond, qu’il soit mort juste après la fin de son mandat présidentiel. Lui qui passait pour tout prévoir aurait dû régler un peu mieux le programme. Les petits enfants de France auraient eu un jour de congé ; on lui aurait fait des vraies funérailles nationales avec la prolonge d’artillerie pour le cercueil, les drapeaux en berne, les sinistres roulements de tambours, les sabres au clair étincelants, les coups de canon, et tout, et tout...
Remarquez, oui et non ! Si l’on avait mis en branle la pompe tricolore, on n’aurait tout de même pas pu l’enterrer comme Louis XIV. Finalement, peut-être qu’il a eu raison d’attendre un peu ; il faut quand même choisir entre les funérailles nationales, donc inévitablement républicaines, et la sépulture royale. Il a réussi, à sa façon, à avoir les deux en même temps, comme souvent.
Si vous me permettez une remarque générale : c’est là qu’a toujours été la principale force de François Mitterrand. Il était l’incarnation des valeurs françaises, donc du radical-socialisme. Il réunissait les bonnes vieilles formules de cette France profonde qu’il avait choisie pour son affiche de campagne (le petit village avec son clocher blotti au coeur du vallon...). Il veillait toujours à la fois à « ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier », à se trouver près de « l’assiette au beurre » et à tenter d’avoir en même temps « le beurre et l’argent du beurre » (sans oublier la crémière...)."
Vichyste et résistant, partisan de l’Algérie française et de la décolonisation, ministre guillotineur et père de l’abolition de la peine de mort, farouche adversaire de la Constitution gaullienne et bénéficiaire principal de cette même constitution, ennemi de l’argent suspect et ami de Pelat et de Tapie, faisant dîner ensemble Bousquet et Badinter, il a toujours été tout et son contraire. Comment mieux finir un tel parcours qu’en faisant enterrer comme un monarque du XVIIème siècle l’ancien Président de la Cinquième République? Lui qui disait ne pas croire en Dieu n’aurait-t-il écrit, dans ses dernières volontés, « Peut-être qu’une messe »? Toujours le principe des oeufs, des deux paniers, du beurre et de la crémière..
Il lui fallait donc à son enterrement la vieille République laïque et la messe à Notre Dame, sa femme et sa maîtresse, ses fils légitimes et sa fille illégitime, ses amis socialistes et ses ennemis de droite, tout ce beau monde faisant assaut de larmes et d’éloges. Les thuriféraires de la droite (du grec « thur » encens) le disputant aux hagiographes de la gauche (du grec « hagios » saint) ; on a envie de crier « Halte au feu! » (mais ici du latin « fatutus » décédé).
On dit toujours que les Français ignorent la géographie, mais ils ne sont pas très forts en histoire non plus. Ca doit être pour ça qu’en France, et nulle part ailleurs au monde, on associe toujours à l’école, l’histoire et la géographie (« l’histoire-géo » ou même « listégé » comme on disait à l’époque où l’on était encore forcé de faire semblant de l’apprendre un peu).
L’enterrement de Louis XIV ... de Mitterrand, pardon ...ça a tout de même été « quelque chose », même si « la presse » ne l’a guère noté...Sans doute que les journalistes, comme les autres Français... ignorent l’histoire.
Donc petit rappel en forme de dyptique ; à ma droite, Louis, Quatorzième du nom ; à ma gauche (forcément), Tonton Premier.
D’abord le coup des deux enterrements, un grand classique des sépultures royales. Au temps des rois, on était encore un peu barbare ; on n’hésitait pas à vous charcuter la royale dépouille pour ensevelir le coeur ici et le reste là ; aujourd’hui, on sait mieux vivre ; le cercueil de Notre-Dame était sans doute vide, à moins qu’on n’y ait quand même mis son chapeau et sa cape pour donner quelque légitimité supplémentaire aux larmes furtives de militants sentimentaux, parqués à distance respectueuse par le service d’ordre, avec leur rose et leur mouchoir.
En fait, cette partition du corps royal préfigure une dispersion ultérieure des reliques ; là encore, nous sommes moins sauvages que nos ancêtres ; on ne mettra pas le gros orteil de Tonton Premier à Latche, une oreille à Château-Chinon et un fémur à Solutré ; c’est Jarnac qui a, si j’ose dire, enlevé le gros morceau ; les autres hauts-lieux de la mitterrandolâtrie devront se contenter de bricoles (j’allais dire « de bas-morceaux » !): on conservera pieusement, ici sa canne, là son feutre, abandonnant à des lieux de culte moins fréquentés des reliques d’importance mineure comme la laisse de son chien Baltique ou quelques plumes arrachées en douce aux canards de l’Elysée.
Mais la nature royale était aussi dans la fin de cette présidence ; on ne sait pas s’il faut dire « royale » ou « impériale » car Tonton Premier était à la fois Louis XIV et Caligula.
Encore un peu d’histoire, romaine cette fois.
Cet empereur romain, Caius Cesar Auguste Germanicus, dont on pourrait traduire par « sandalette » le nom que l’histoire lui a conservé, « combla de largesses sa famille » comme disent les livres; il finit par se proclamer Dieu (un point commun de plus avec Tonton Premier)
Un des faits qu’on signale toujours à propos de Caligula-Sandalette est qu’il donna à son cheval le titre de consul, ce qui constituait, chez nos ancêtres romains la plus haute magistrature.
François Mitterrand, qui préférait, paraît-il, les ânes, s’est vu offrir un jour un cheval et on a pu alors craindre le pire. Fort heureusement ce cheval, donné par quelque chef d’Etat asiatique, n’avait pas la nationalité française; il n’a donc pas été possible de le nommer Conseiller d’Etat au tour extérieur ; cette circonstance a fait le bonheur de Régis Debray pour qui cette faveur est devenue disponible. Fâché de cette déconvenue, Tonton Premier a dû se contenter de nommer ambassadeur de France son dentiste , et Inspecteurs Généraux son médecin et sa secrétaire.
Aux funérailles du Président-Roi voisinaient ses deux femmes, la légitime et l’autre, et ses deux lignées. Les mauvaises langues disent qu’à ce spectacle, Jacques Chirac, après avoir répété si souvent « Putain, deux ans! », grommelait avec envie « Putain, deux femmes! ». Bernadette, frappée elle aussi par ce spectacle funèbre, s’est immédiatement commandé aux Trois Suisses, qui ne sont nullement comme les anticléricaux primaires le prétendent le centre de ventes par correspondance du Vatican, une panoplie complète de veuve noire (avec chapeau à mantille incorporée) ; lors de la visite rendue au Pape, elle a pu tester cette tenue qui, de toute évidence, a fait sur Sa Sainteté la plus vive impression.
Mais revenons à notre propos.
Non content d’avoir installé dans les palais de la République sa maîtresse et sa bâtarde (je n’y peux rien, c’est le nom qu’on donnait aux enfants illégitimes des souverains), Tonton Premier a sans doute voulu que leur existence se trouve effectivement révélée avant sa mort, pour qu’elles puissent être officiellement présentes à sa royale sépulture. C’est sans doute ce qui explique qu’après avoir fait mettre toute la presse sur écoutes pour empêcher la divulgation de son secret d’alcôve, il s’en lui-même expliqué dans le cadre de la préparation de ses funérailles.
Le prénom de Mazarine donné à sa fille illégitime est, à lui seul, tout un programme et marque un hommage discret rendu à une grande figure de la monarchie française, le Cardinal Jules Mazarin par un homme qu’on a souvent qualifié lui-même de Florentin.
François Mazarin et Tonton Premier sont morts! Vive Mazarine!
Histoire brève
A propos de François Mitterrand
La scène se passe en enfer où François Mitterrand est accueilli par René Bousquet qui lui demande ce qui s’est passé depuis sa propre mort. Mitterrand lui résume l’essentiel et ajoute : « Tiens au fait j’ai posé une plaque pour le cinquantième anniversaire de la Rafle du Vel d’Hiv. ». Bousquet hoche la tête et répond : « C’est vraiment dommage que je n’aie pas pu être là. N’empêche que tu en as mis du temps à reconnaître que cette rafle a été la plus belle opération de police conduite en France! ».
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1 commentaire:
Mon cher Usbek,
c'est toujours avec jubilation que je relis ce "vieux" billet.
J'espérais que vous le republieriez et je n'ai pas été déçu.
Donc merci.
Je note que vous êtes très en forme en ce moment.
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