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jeudi 11 octobre 2012

Obama : convergences

L'un de mes amis et lecteurs québécois m'adresse, à la suite de la lecture de mon post sur la campagne électorale américaine et surtout sur Obama ("Quo non descendent ?"), un article de Claude Levesque paru dans le grand quotidien montréalais, Le Devoir, le 9 octobre 2012, sous le titre " A l'assaut du mythe Obama".  Ce texte s'inspire, pour une bonne part, des points de vue exprimés par John R. MacArthur que Claude Levesque présente brièvement en des termes qu'il me paraît plus rapide et plus simple de citer ici :

"John R. MacArthur faisait déjà bande à part en 2007 quand Barack Obama suscitait l’extraordinaire vague d’enthousiasme qui allait le porter jusqu’au bureau ovale de la Maison-Blanche l’année suivante.
[...] John R. MacArthur en cinq dates
1956: Il naît à New York, puis passe sa jeunesse à Chicago.
1977: Journaliste au Wall Street Journal.
1983: Il est nommé éditeur du magazine Harper’s, que la fondation familiale créée par son grand-père avait acheté en 1980.
1993: Il reçoit le prix Mencken pour son enquête sur la fille d’un diplomate koweïtien utilisée à des fins de propagande au début de la première guerre du Golfe.
2005: Il se joint à l’équipe de chroniqueurs du Devoir.
Né au sein d’une riche famille américaine, John R. MacArthur fait carrière comme journaliste et essayiste. Ses écrits sont fortement marqués à gauche. Lux Éditeur vient de publier L’illusion Obama, un recueil de chroniques parues entre 2008 et 2012 dans Le Devoir, Harper’s Magazine (dont il est l’éditeur) et le Toronto Star. ".
Le texte qui suit rejoignant pour une bonne part mon propre point de vue, mais avec une information bien plus riche et, par là, plus complète que la mienne, je le citerai ici quasi intégralement, tout en rendant bien entendu à John MacArthur et à Claude Levesque ce qui leur appartient :
"John R. MacArthur se disait plus « déprimé » que surpris au lendemain de la prestation plutôt terne qu’a livrée Barack Obama contre Mitt Romney la semaine dernière. Que le président sortant n’ait pas attaqué son adversaire sur sa déclaration d’impôts ou que ce soit ce dernier, supposément plus à droite que lui, qui ait dit que les banques s’en sont tirées à trop bon compte, tout cela « renforce mon idée qu’Obama est un outil de la machine, un type très conservateur, un politicien du centre droit et pas un type qui va faire bouger les choses ou changer la donne. »
En 2007, quand le sénateur de l’Illinois suscitait l’extraordinaire vague d’enthousiasme qui allait le porter jusqu’au bureau ovale de la Maison-Blanche l’année suivante, John MacArthur faisait déjà bande à part dans les cercles de la gauche américaine.
« J’ai l’avantage d’avoir grandi à Chicago, dont je connais bien la machine démocrate, explique-t-il en entrevue au Devoir. Je sais que pour faire avancer sa carrière dans cette machine, Obama a dû rendre des services à ses barons, qui sont les plus réactionnaires de toute l’Amérique au niveau local. C’est l’idéologie du pouvoir pour le pouvoir, c’est le contraire de la réforme. »
Le journaliste cite cette anecdote : un conseiller municipal chevronné a voulu devenir maire de Chicago, mais il en a été empêché parce qu’il fallait réserver ce poste à Rahm Emanuel, le chef de cabinet de Barack Obama. Et pourquoi donc ? Parce que William Daley, frère du maire sortant et membre d’une puissante dynastie de politiciens chicagolais, convoitait le poste d’Emanuel à la Maison-Blanche. « Vous imaginez : dans la plus grande démocratie du monde, on s’échange ainsi les postes. C’est tellement antidémocratique ! », s’indigne John MacArthur.
Bien entendu, Barack Obama est redevable à divers autres lobbys mais, selon le chroniqueur, « ça commence avec Chicago ». « Dès qu’Obama obtient la confiance de la machine, on le présente au beau monde de la finance. C’est comme ça qu’on commence à lever des fonds, on est présenté au p.-d- g d’Archer, Daniels Midland, ou de Commonwealth Edison. Or aujourd’hui, l’argent est bien plus important qu’il y a quarante ans. » Et ce sont les frères Daley qui ont présenté Obama à Emanuel, à David Axelrod et à Valerie Jarrett, lesquels sont devenus ses proches collaborateurs. « L’hôtel de ville de Chicago est toujours très lié à la présidence d’Obama », lance l’éditeur de Harper’s.
Ce dernier reproche au président et à l’establishment démocrate d’avoir « ignoré » à peu près toutes les initiatives progressistes émanant de la base du parti, comme celle qui visait une restauration de la loi séparant les comptes d’épargne des activités spéculatives des banques et celle qui prévoyait un relèvement du salaire minimum aux États-Unis.
Si Obama a raté l’occasion de pourfendre Mitt Romney lors du débat de mercredi dernier, s’il a offert une « performance timide, honteuse », c’est parce qu’il avait déjà raté, au début de son mandat, plusieurs occasions de faire adopter des projets vraiment progressistes, croit le chroniqueur. « S’il l’avait voulu, il aurait pu faire un effort bipartisan et vraiment réformer Wall Street, il aurait pu augmenter le taux d’imposition sur les gains de capital qui est à un niveau historiquement bas, mais ça n’a plus été possible après novembre 2010 » quand les républicains ont repris le contrôle de la Chambre des représentants, précise l’éditeur de Harper’s, qui aime bien parsemer ses exposés de références à Zola, à Balzac ou aux Américains Henry Adams et Don DeLillo.
Occasion ratée
« Je rêve toujours d’une alliance droite-gauche où les populistes anti-libre-échange et anti-Wall Street laisseraient tomber leurs disputes sur l’avortement et les grandes questions culturelles et coopéreraient sur des réformes plus importantes », ajoute John R. MacArthur. Il n’y a sans doute pas de précédents à ce genre de coalition large dans l’histoire américaine. En revanche, rappelle-t-il, « il y a eu deux grandes périodes de réforme au XXe siècle, celle de Franklin D. Roosevelt et de Lyndon B. Johnson, mais on avait affaire à des majorités démocrates écrasantes ».
Selon M. MacArthur, Obama avait quand même, en début de mandat, une occasion comparable à celle qui s’est présentée à Johnson en 1963. Dans les deux cas, le pays était « complètement traumatisé » (par l’assassinat de Kennedy en 1963 et par la crise financière en 2008) et « prêt à appuyer des changements importants ».
Obama a-t-il carrément renié des promesses ? John R. MacArthur l’affirme sans hésitation. « Lors de la campagne en 2008, il avait promis de modifier l’ALENA pour protéger les ouvriers américains, rappelle-t-il. Il luttait contre Hillary Clinton dans les primaires de l’Ohio et du Wisconsin. En politicien pratique, il avait compris que ça paraîtrait bien, dans ces États, de critiquer les accords promulgués par Bill Clinton. Après son investiture, il a annoncé que ce n’était plus nécessaire. Ensuite, il a signé des accords de libre-échange avec la Corée du Sud, la Colombie et la Panama. »
Alors, les deux grands partis américains, c’est « blanc bonnet, bonnet blanc » ? « Il y a quelques différences, mais essentiellement entre les ailes des deux partis, répond M. MacArthur. L’aile gauche du parti démocrate a une plateforme un peu plus progressiste tandis que le parti républicain a une aile droite très radicale. Mais dans le grand centre, il y a très peu de différence. »
John MacArthur ne donne pas cher de cette aile gauche. « Si les républicains retiennent le contrôle de la Chambre des représentants, il y aura l’impasse et Obama dira qu’il ne peut rien faire. On va continuer notre parcours tranquille vers la droite, qui a commencé dans les années 1980 et qui n’a été interrompu ni par Clinton ni par Obama », dit-il. Souhaitez-vous que ce dernier soit battu ? avons-nous demandé. « Non, pas exactement », répond John MacArthur, tout en notant que Mitt Romney, s’il était élu, livrerait une lutte sans merci au Tea Party, qui représente son véritable ennemi. Mais fondamentalement, Romney ou Obama à la présidence, « ce serait la même chose »." Le Devoir, 9 octobre 2012.

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