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mercredi 24 octobre 2012

De l’esclavage et des traites : conseils de lectures

Si conscient que je sois de l’imp(r)udence de ma démarche, je m’autorise de la réputation du Canard enchaîné (numéro du 11 juin 2008, page 6) pour recommander à nos vestales et à nos grands prêtres de l’historiographie de la traite négrière (je maintiens, contre mon sentiment personnel, le prudent singulier auquel elles/ils sont si attaché(e)s), outre les sources documentaires que j'ai citées, la lecture d’un livre dont cet hebdomadaire a fait un compte rendu élogieux et, à mon sens, justifié.

Il s’agit d’un ouvrage paru dans la collection « Témoins », dont le titre est Journal d’un négrier au XVIIIe siècle. Nouvelle relation de quelques endroits de Guinée et du commerce d'esclaves qu'on y fait (1704-1734)  par le capitaine William Snelgrave . Ce livre, publié en anglais en 1734, n’est ni le premier ni le dernier des ouvrages de ce genre ; il confirme des informations que nous offrent, par ailleurs,  de multiples sources dont celles de ce genre qui sont parmi les plus intéressantes. On avait déjà eu un exemple de ce type de récit avec le journal d’un marchand d’esclaves danois (le marchand, pas les esclaves !), L.F. Römer, traduit et publié en 1989 (Paris, l’Harmattan).

Rien de très nouveau donc pour qui connaît tant soit peu les réalités historiques et anthropologiques de l’esclavage africain (pour lesquelles la source majeure demeure les travaux de Claude Meillassoux), mais ce n’est évidemment pas le cas des destinataires majeurs de mes conseils de lecture. Il serait plus exact de dire, au pluriel « des esclavages africains » puisque, en gros, on peut dire qu’on y distingue, en gros, trois époques : celle de l’esclavage traditionnel, bien avant l’arrivée des non-Africains et dont l'origine se perd dans la nuit des temps ; puis celle des « négriers de l’Islam » ( la "traite arabo-musulmane" ou le "génocide voilé", selon la formule de Tidiane N'Diaye) du VIIe au XXe siècles ; enfin la troisième phase (du XVIe au milieu du XIXe siècle), qui commence avec l’ouverture des marches de l’Ouest africain, suscitée par les demandes des colonisations européennes.

On retrouve ici l’évidence de la pluralité des traites négrières qui fâche si fort nos gardiens du temple de la repentance et dont la mise en évidence a naguère attiré sur le pauvre Olivier Pétré-Grenouilleau les foudres d’un certain nombre d’associations qui, en cette  matière dont ils ignorent tout, prétendent détenir et imposer une vérité qui leur est propre. Ils  se sont toutefois vite calmés du fait de l'indigence de leurs positions et surtout devant la protestation unanime des vrais historiens.

J’invite d’ailleurs les destinataires de mes conseils, qui ne veulent entendre parler que de la "traite atlantique" mais sont un peu à court d’arguments, à réfléchir sur un fait, qui ne peut relever du simple hasard et qui révèle le complot occidental : Les traites négrières de Pétré-Grenouilleau, le Journal d’un négrier au XVIIIe siècle  et Le génocide voilé ont le même éditeur parisien, obscur et sans nul doute raciste : Gallimard.

Puisque nous en sommes aux conseils de lectures pour tous ces braves gens dont les connaissances sur l’esclavage ont sérieusement besoin d’être affermies, comment ne pas leur signaler aussi l’excellent livre de Jacques Heers, paru chez Perrin (et non chez Gallimard !), en 2003, Les  négriers en terre d’Islam. La première traite des Noirs VIIè-XVIè siècles ». A mes yeux, c’est toutefois plutôt la deuxième, si l’on prend en compte l’esclavage traditionnel, mais on peut admettre aussi la classification de J. Heers, qui considère surtout les traites extra-africaines.

Comme dessert, laissez-moi vous offrir une courte citation du Journal d’un négrier  qui s'adresse en ces termes à des esclaves qu'il vient d'acheter : « Je répliquai à cela qu’ils avaient déjà perdu leur liberté avant que je les achetasse […] Je leur fis observer que, quand ils pourraient réussir à se sauver à terre, ils n’en seraient pas plus avancés, parce qu’ils ne pouvaient douter que leurs compatriotes ne les rattrapassent bientôt pour les revendre à d’autres navires ».

Me voilà donc contraint, une fois de plus, de prolonger mon propos.

Deux données, naturellement approximatives, pour le résumer et en préparer la suite :
Traite "atlantique" 12 millions de déportés (selon Joseph N'Diaye 15 à 20 millions !!!!) ;
Traite "orientale" 17 millions. Comme on le verra cette dernière est bien plus meurtrière et cruelle.
A demain.

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