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lundi 15 octobre 2012

Etrange Sommet de la Francophonie à Kinshasa.

Allez donc trouver des informations un peu précises sur les participations au XIVè Sommet de la francophonie à Kinshasa comme sur le programme et le déroulement  exacts et précis de cette manifestation.! Le programme officiel initial est depuis longtemps caduc et on s'est gardé de l'actualiser ;  la presse française, comme les autres (mais de façon plus étonnante) est très discrète et/ou peu informée sur ces questions qui, au fond, n'intéressent guère. Pour être informé avec un peu de sincérité et de précision consulter, plutôt que RFI, jeuneafrique.com!

La présence du Président de la République française, François Hollande, a elle-même fait problème et débat ; elle n'a été confirmée qu'en dernière minute et les passes d'armes diplomatiques entre la France et et la RDC l'ont menacée jusqu'à la dernière minute.

J'ai d'ailleurs failli intituler l'un de mes posts sur la question « 36 heures d'Afrique » puisque le président Hollande n'est arrivé à Dakar qu'en toute fin de matinée (11heures 20) le vendredi 12 octobre et a quitté Kinshasa dans la soirée du 13. Cela ne fait pas beaucoup puisque il a dû effectuer, en la circonstance, deux visites officielles, l'une au Sénégal, l'autre en RDC. Le choix de l'escale du Sénégal ne relevait en rien de la géographie mais de la politique et on voulait moins opposer le discours de Hollande à celui de son prédécesseur qu'opposer par là un Etat démocratique (le Sénégal, même si l'on y a frôlé la catastrophe aux dernières élections présidentielles)
à la RDC qui ne brille guère en ce domaine!

Il faudrait d'ailleurs consulter, sur ces points, quelques spécialistes des finesses diplomatiques car, dans les nombreux communiqués de presse ou articles que j'ai lus, seul Antoine Glaser, le plus fin connaisseur des choses africaines, a noté que François Hollande repartait, dès le soir du 13 octobre (donc sans dormir sur le territoire de la RDC), ce qui est perçu en Afrique comme une forme d'offense.

Deuxième indice et non des moindres, la participation des Etats de la francophonie est très faible et les chefs d'Etat sont très peu nombreux. Certes, sur le 75 Etats qui se rattachent à l'OIF, d'une façon ou d'une autre, les Etats qui comportent une part de population réellement francophone sont de moins en moins nombreux, mais la participation des chefs d'Etat est deux fois moindre qu'à Montreux, lors du dernier Sommet et surtout, nombre de chefs d'État, même parfaitement francophones, s'y sont faits représenter, sans prendre la peine de se déplacer ce qui est une autre forme d'offense à l'égard de l'État organisateur. Tous n'ont pas eu la chance du Premier Ministre belge, Elio Di Rupo (la RDC était une colonie belge et Di Rupo est le premier vrai francophone a diriger un gouvernement belge depuis les années 70) . Les élections, qui se tiennent en Belgique, en ce dimanche 14 octobre, lui ont fourni un prétexte commode pour déléguer son ministre des affaires étrangères Didier Reynders. Les vrais chefs d'État sont rares à ce XIVè Sommet (on ne sait même pas leur nombre : vendredi, à l'ouverture, ils n'étaient que sept et ils seraient moins d'une quinzaine, grâce à quelques arrivées tardives et subalternes comme le Premier Ministre du Tchad, Emmanuel Nadingar ou le chef du gouvernement libanais. Tous n'ont pas vu là, comme le Président de la République haïtienne, Michel Martelly, une occasion de venir pour la première fois en Afrique depuis leur élection.

Un autre élément qui me paraît à prendre en compte pour percevoir le caractère étrange du climat diplomatique est le fait que, si les sept représentants des Etats qui sont arrivés le vendredi 12, ont été, assez logiquement, accueillis par Premier Ministre congolais, Augustin Matata Ponyo, on aurait pu toutefois penser que, dans la mesure où François Hollande n'arrivait que le samedi 13 dans la matinée, le Président Kabila aurait pu, dans un souci d'apaisement, venir l'attendre à l'aéroport. Il n'en a rien été et l'accueil du président français a été à l'aune du reste de sa présence, quelques heures durant, dans la capitale de la RDC où l'un et l'autre se sont marqués une évidente froideur, en particulier lors des applaudissements.

Dernier accroc au protocole de semblables réunions et dans un tel climat, François Hollande n'a pas jugé bon de participer à la réunion de clôture du Sommet, dimanche 14. Bonjour l'ambiance !

Il en est de même pour le tout le programme de ce Sommet qui,ô ironie, devait être consacré, pour une part, à la "gouvernance démocratique" ce qui est pour le moins plaisant, compte-tenu du lieu de cette réunion où l'on pensait "tirer vers le haut" la RDC par ce moyen. En réalité, sans qu'on le dise clairement, tout a été bouleversé pour lever les réticences générales. Les entretiens comme la réunion ont été très courts : le samedi matin les présidents Hollande et Kabila ne se sont vus que moins d'une demi-heure et l'on ne pouvait guère compter sur le déjeuner et le dîner officiels du samedi 13 pour que les discussions politiques prennent un tour véritablement sérieux. Comme François Hollande est parti dès le samedi soir, autant dire qu'il aura à peine vu le président Kabila et sans doute pas du tout Michel Martelly qui était venu d'Haïti dans l'espoir, naïvement affirmé, de pouvoir s'entretenir avec lui.

François Hollande, en outre, a passé beaucoup de temps à l'ambassade de France qui, du fait du privilège diplomatique de l'exterritorialité est, en réalité, hors de la République Démocratique du Congo. Il y a reçu, non seulement les Français de Kinshasa selon l'habitude, mais également des O.N.G. et des représentants de la société civile congolaise peu portés à l'indulgence à l'égard du Président Kabila. Pire encore, il a rencontré surtout l'octogénaire Étienne Tshisekedi, chef historique de l'opposition gouvernementale, battu par Kabila lors des élections de 2011 mais qui persiste à se proclamer vainqueur en raison de la fraude massive de son adversaire. Comme si cela ne suffisait pas, notre président a inauguré comme je l'ai rappelé, la médiathèque de l'Institut français, imprudemment ou insolemment, baptisée Floribert Chebaya, du nom d'un militant congolais des droits de l'homme assassiné en 2010 à Kinshasa, crime dont les auteurs ne sont pas encore jugés.

Tout cela permet d'imaginer le climat qui a été celui des relations franco- congolaises durant ce bref séjour, les services de communication du gouvernement s'employant néanmoins à combattre la fâcheuse influence de la France en déclarant sans rire, comme Lambert Omalanga, porte-parole du gouvernement : « Nous sommes le pays le plus avancé dans les droits de l'opposition.".

Que sortira-t-il de ce Sommet ?

Pas grand-chose sans doute ; en tout cas, l'opération publicitaire qu'on espérait pour la RDC dans cette affaire a largement échoué et n'en reste que les infrastructures chinoises qu'on se garde d'ailleurs d'attribuer à leurs auteurs. En dépit des insistances venues de divers côtés, le Président du Rwanda Kagamé, qu'on accuse de soutenir la rébellion dans l'Est du Congo par l'intermédiaire du M23, n'est pas venu.

Contrairement à ce que pensaient bon nombre de ses adversaires, le vainqueur dans toute cette affaire est finalement, sans conteste, François Hollande qui apparaît ainsi, en matière diplomatique, très supérieur à son prédécesseur, non pas tant par son discours de Dakar ou le propos de sept minutes devant l'assemblée générale du Sommet de Kinshasa, mais plutôt par sa fermeté à tenir, sans violence ni éclat, les positions qui étaient les siennes, en particulier sur les droits de l'homme et la gouvernance en RDC.

J'ai rappelé qu'il avait même fait un miracle en faisant réapparaître, après plus de trois mois de disparition, un opposant politique de Kabila, Eugène Ndonga qu'on accusait de viol, en portant au compte de son souhait d'échapper à la justice, sa soudaine disparition. Eugène Ndonga, quoique libéré, reste surveillé. Espérons que le désappointement de Joseph Kabila, masqué par une satisfaction de façade, ne sera pas fatal à Ndonga, une fois achevé un Sommet dont le pouvoir local attendait bien plus.

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