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lundi 8 octobre 2012

"J'y vas ti ? J'y vas ti pas ?"

Un tel titre peut paraître linguistiquement singulier pour un post consacré à la francophonie ; il se justifie pourtant, car ce bon vieux "ti", est présent dans notre langue depuis le XVe siècle ; il est toujours cher à nos amis Québécois (les vrais fondateurs de la Francophonie) comme il l'était à ma bonne vieille marraine avec son "Voilà ti pas !". Dans la chanson de Marie Bizet, chantée aussi par Pierre Dudan (un Suisse!), il est clairement normand puisque Grand Lucas y invite Marie Lou en lui promettant "J'nous baignerons dans la rivière !". Mais laissons tout cela et venons-en au fait.

François Hollande a donc fini par prendre sa décision concernant sa participation au Sommet de la Francophonie qui se tiendra à Kinshasa à la fin de cette semaine, du 10 au 14 octobre 2012.

Sur le principe, on voyait assez mal comment le nouveau Président de la République française pouvait ne pas participer au Sommet de la francophonie, qui est à la fois le premier qui se tient depuis son élection, mais également le premier à se réunir en République Démocratique du Congo (RDC); un précédent, qui en 1991 avait choisi ce lieu de réunion, avait été finalement tenu à Paris, (au dernier moment alors qu'étaient déjà en route les grosses Renault de luxe offertes par la France aux chefs d'Etat), en raison de la situation politique qui régnait dans le Zaïre de l'époque.

Les choses étaient d'autant plus difficiles actuellement, vu la situation du Mali et les choix diplomatiques qui, pour le moment, sont en faveur d'un engagement de la France dans un guêpier militaro-politique duquel elle aurait tout intérêt, à mon sens, à se tenir éloignée, sans pour autant l'ignorer. Si, comme c'est certain, une discussion se tient à Kinshasa sur cette question et que, comme souvent, on en demeure aux parlottes, ce qui est l'habitude en la matière, cela ne sera pas trop dangereux, mais gare à des décisions hâtives suscitées par des parties irresponsables.

Pressé de participer au Sommet de Kinshasa par les uns, dissuadé de le faire par les autres, François Hollande a semble-t-il longuement hésité  ("J'y vas ti ? J'y vas ti pas ?") multipliant les contacts avec la RDC et envoyant en mission sa ministre dont il n'est pas sûr qu'elle maîtrise toutes les données des problèmes, tant de la RDC que du Mali, fort complexes et parfois même mystérieuses.

François Hollande a donc fini par se décider en faveur de sa participation. Toutefois, alors qu'il y a une fort commode liaison directe entre Paris et Kinshasa (sans parler de Sarko One), il prendra le chemin des écoliers et passera par Dakar. Sage précaution de sa part, car il est peu probable que les dirigeants sénégalais l'incitent à intervenir au Mali. En effet, eux-mêmes s'abstiennent soigneusement de s'en mêler et le Sénégal n'a fait aucune proposition en faveur de sa participation au corps expéditionnaire de la CEDEAO que l'on envisage d'y envoyer, même si cette perspective est encore au rang des projets incertains, fumeux mais surtout lointains.

Cela dit, la participation de François Hollande, francophone natif, contribuera à hausser le niveau de compétence en français des quelques chefs d'État qui prendront part à cette manifestation. On se garde de le dire mais on est est désormais bien loin de l'époque de Niamey où, à l'origine de cette institution, en 1969-1970, TOUS les chefs d'État étaient alors de parfaits francophones. Il en est tout autrement aujourd'hui ; on peut observer d'ailleurs que, alors que la francophonie réunit 75 Etats et Gouvernements, seuls 27 chefs d'État et Premiers Ministre (soit un tiers!) sont prévus à Kinshasa en octobre 2012. Le nombre des chefs d'État proprement dits s'est réduit dans des proportions énormes.  Cela tient, pour une bonne part, à ce que désormais la plupart d'entre eux ne sont pas francophones ; on comprend donc aisément leur choix de ne pas subir quatre jours d'une réunion dont toutes les sessions se tiendront dans une langue qu'ils ne comprennent ni ne parlent.

Les réserves des bonnes âmes quant au choix de Kinshasa tiennent surtout à la politique intérieure  ; on fait état tant de l'élection puis de la réélection du président Joseph Kabila dont le régime autoritaire est contesté que des attentats divers  contre les opposants et la démocratie. F. Hollande déclare qu'il rencontrera les opposants mais ce ne sera pas le cas du militant des droits de l'homme, Floribert Chebeya, assassiné en 2010! Tout cela fait partie du discours habituel d'un certain nombre d'O.N.G. et si l'on ne devait réunir les Sommets que dans des Etats qui respectent parfaitement les droits de l'homme et présentent des situations démocratiques sans l'ombre d'une ombre, on aurait bien du mal à trouver suffisamment d'Etats du Sud pour y déplacer tous les deux ans ce genre de réunion.
Que dira François Hollande à Kinshasa ? Je n'en sais évidemment rien, mais je lui conseillerais assez volontiers d'en dire le moins possible et d'en exiger moins encore, alors que certains l'incitent à se mettre en position de donneur de leçons voire d'ordres. On nous annonce, une fois de plus, la mort de la Françafrique qui a désormais toutes les apparences d'un phénix diplomatique.

On se demande d'ailleurs si certains de ces "conseilleurs" (vous savez, ceux qui ne sont pas les "payeurs"!) fort heureusement dans la presse plutôt que dans les instances gouvernementales, ont le moindre bon sens et, pire encore, la moindre connaissance des situations elles-mêmes. J'entendais encore ce matin je ne sais quel causeur radiophonique, réclamer à Kinshasa l'appui de l'Algérie dans la solution de l'affaire malienne, sans savoir, de toute évidence, que l'Algérie ne fait pas partie de l'OIF. Les éventuelles visites passées de Monsieur Bouteflika, lors de précédents Sommets, relevaient du simple tourisme diplomatique et surtout du constant double jeu de Bouteflika, Janus bifrons de la francophonie. La situation malienne actuelle n'est sans doute pas pour déplaire à l'Algérie, même si elle devrait lui poser quelques problèmes moraux (mais est-ce le terme convenable ici  ?) dans la mesure où cet Etat se proclame pour l'autodétermination du peuple sahraoui quand il la refuse au Mali au peuple tamasheq. L'Algérie, exporte désormais  au Sud ses propres islamistes radicaux, ce qui lui évite d'avoir à les massacrer chez elle et, en outre, leur permet de lui acheter l'essence de leurs 4x4 avec l'argent des rançons et du Qatar. Tout bénef!

Mais il est vrai que tout cela se passe bien loin et, après tout, ce ne sont là que des affaires d'Arabes et de Nègres!

Petite blague pour finir sur une note plus gaie. Bien avant notre époque, dans les années 90 par exemple, deux patrouilles, l'une malienne l'autres algérienne, se croisent à la frontière. On devise - en français bien sûr, car on est entre francophones que diable!
Un Malien demande : "Vous êtes indépendants depuis quand vous-autres Algériens ?.
- "1962" répond un Algérien.
"1962 !" Reprend stupéfait le Malien, "Et vous êtes déjà si blancs !".

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