Vous connaissez mon (mauvais) goût pour les jeux de mots dans les titres de mes posts. Je vous donnerai donc pour celui-ci quelques explications liminaires, car mon propos est effectivement d'envisager, d'un même regard, les deux séjours, également brefs mais dans des ambiances fort différentes, de François Hollande, Président de la République française, à Dakar d'abord, à Kinshasa ensuite.
J'ai entendu et lu les commentaires, multiples mais non divers, de la presse française, audiovisuelle surtout, sur le discours de Dakar et je les ai trouvés, comme toujours, infiniment prévisibles et sinistrement identiques dans leur absence, totale et commune, d'intérêt comme d'analyses ; on nous a bassiné, pour la 20e fois, avec la fin de la Françafrique (ce pauvre F.-X.Verschave, qui a popularisé par son livre le terme qui aurait été inventé par Houphouët-Boigny, a fort heureusement quitté cette vallée de larmes, faute de quoi il serait sans doute mort de honte!) et l'éloge du ton, modeste voire humble (normal en somme mais il avait pourtant l'oeil luisant!) de notre président, succédant par là aux accents bien différents de son prédécesseur, volontiers porté aux rodomontades surtout lorsqu'il avait à lire les textes de Monsieur Henri Guaino.
Il se trouve que, tout à fait par hasard, j'ai entendu avant-hier, en direct s'il vous plait, le discours de François Hollande car vers 17 heures, j'ai regardé un peu machinalement la Chaîne Parlementaire française (LCP) pour laquelle j'ai d'ailleurs de plus en plus d'estime, car la qualité de ses émissions est souvent très supérieure à ce que nous offrent la plupart des autres chaînes dont, je le crains, D8, la nouvelle chaîne de Canal+ lancée à grand fracas et qui m'a paru d'une consternante banalité.
Mais revenons au discours de Dakar car on vous en a tout caché. Comme je n'ai guère de temps, quelques mots rapides sur les points qui ont retenu mon attention dans ce discours qui, fort heureusement, a été délivré à l'Assemblée Nationale et non, comme celui de 2007, à l'Université Cheikh Anta Diop, ce qui, suivant le bout par lequel on prend les choses, était le comble soit de l'inculture et de l'ignorance des choses de l'Afrique soit de la perversité!
Le premier point est l'évocation par F. Hollande de l'affaire des "biens mal acquis"
Sont concernés au premier chef les présidents Denis Sassou Nguesso (Congo) ; Omar Bongo (Gabon) et Teodoro Obiang Nguema (Guinée équatoriale) ainsi que certains de leurs proches, dont bien entendu l'actuel président du Gabon. Ces « biens mal acquis » auraient été achetés avec de l’argent public de leurs Etats. Les trois présidents sont visés par une plainte déposée à Paris en 2008 pour « recel de détournements de fonds publics », mais pour le moment les choses n'ont guère avancé et d'aucuns pourraient croire la procédure enterrée. Il n'en sera rien à en croire F. Hollande et la France ne montrera aucune complaisance. Ce message me paraît extrêmement important, même si je doute un peu qu'il soit suivi d'effet.
Toutefois, un contre-feu diplomatique pourrait bien avoir été préparé par le Gabon. Je n'ai pas noté, toutefois, dans la presse française, écrite ou audiovisuelle, d'articles sur une prise de position toute récente du président gabonais Ali Bongo du Gabon qui vient de déclarer qu'il envisageait de mettre un terme à la situation du français, unique langue officielle de l'État qu'il préside. Un tel propos, juste à la veille du Sommet de Kinshasa, m'a rappelé (mais qui s'en souvient?) les déclarations du père du président actuel de la RDC, Laurent Désiré Kabila. Au moment du Sommet de la francophonie tenu au Vietnam, il avait donné à penser, de la même façon, qu'il envisageait, lui aussi, de mettre un terme à la situation d'officialité de la langue française au Zaïre (la RDC de l'époque). Dans les deux cas, il s'agit de messages clairs (ailleurs qu'en diplomatie on assimilerait cela à du chantage!). On comprend bien que le président Ali Bongo se range dans la catégorie de ceux qu'inquiète plus le sort fait en France au procès des "bien mal acquis" par des dirigeants africains que l'avenir du français en terre gabonaise.
Peut-être pourra-t-on faire l'échange entre une légère somnolence sur cette procédure et un report, après réflexion, de la mise en cause de l'officialité du français au Gabon, idée qui n'est venue au président Bongo qu'à la suite à sa visite au Rwanda où l'anglais et le français sont désormais les deux langues officielles, en raison des démêlés du Président Kagamé avec la France.
Un deuxième point intéressant et que personne n'a relevé est la déclaration de François Hollande, disant qu'il avait mis un terme à l'existence du ministère français de la coopération et qu'il était désormais remplacé par celui du développement. Il a fait là une déclaration qui ne risquait guère d'être contredite à Dakar, mais il sait sans doute lui-même (du moins on peut l'espérer) que le ministère de la coopération était devenu depuis longtemps, avec des variantes, "ministère de la coopération et du développement". Il est amusant de constater que le changement qu'il souligne et qu'il annonce à l'occasion du 14e Sommet de la francophonie concerne un ministère ("La Rue Monsieur" comme on disait) pour lequel, lors d'un précédent Sommet de la même francophonie, celui de Cotonou, les dirigeants des Etats africains francophones, conduits par le Président Omar Bongo (le père du président actuel) avait coincé dans un coin Jacques Chirac, alors Président de la République, pour lui faire promettre que, durant son mandat, il conserverait, avec ce nom, le ministère français de la coopération, où tous avaient leurs entrées et même leurs habitudes et cela d'autant que certains d'entre eux avaient même, à proximité, un appartement ou mieux un hôtel particulier !
Un troisième point est la question du Nord-Mali sur laquelle - et c'est l'un de ses talents - F. Hollande s'est montré à la fois ferme mais surtout prudent (plus en tout cas que dans quelques propos antérieurs). Il m'a fait penser à Voltaire racontant comment il s'était fait bastonner par Monsieur de Rohan "hardiment posté derrière quatre laquais"! Dans son évocation des mesures militaires à prendre contre l'Azawad, une fois acquise la bénédiction onusienne, la France, selon notre président, sera, elle aussi, "hardiment" postée derrière les troupes de la CEMEAO qui sont encore dans les limbes et risquent fort d'y rester longtemps !
Le dernier point important est que, dans cette évocation générale de la situation, du développement et de l'avenir de l'Afrique, François Hollande ne me paraît pas avoir mentionné (sauf distraction de ma part) le nom de la Chine. Etonnant non ?
Je crois, comme lui (mais sans doute plus que lui et surtout bien avant lui, car je l'écris depuis une bonne quinzaine d'années) que l'Afrique est le continent du XXIe siècle, tout bêtement car il sera, à cette époque, le seul dont les ressources naturelles n'auront pas encore été exploitées et pillées, même si les candidatures à ce pillage sont déjà de plus en plus nombreuses et de plus en plus actives. Je me sépare, en revanche, de notre président sur la question de la démographie qui ne me paraît pas un élément des plus favorables, même si elle contribuera sans doute à donner du poids à ce continent dans les décennies qui viennent.
Il faut bien que j'en vienne à justifier mon "à peu près" sur Chineshasa en lieu et place, bien entendu, de Kinshasa. Si la Chine était politiquement totalement absente du discours de François Hollande à la Chambre des députés du Sénégal, elle est là, "invisible et présente", lors du XIVè Sommet qui se tient dans le "Palais du Peuple", construit dans les années 70 par les Chinois qui viennent même de le le rénover (y ont-ils posé des micros ?). La Chine est partout, dès l'instant où l'avion présidentiel s'est posé sur le sol congolais et démocratique, car l'aéroport international a été récemment rénové et agrandi par une société chinoise. F. Hollande a dû continuer ensuite à emprunter des réalisations chinoises puisque, pour gagner Kinshasa, il a utilisé la route à six voies dont je parlais hier et qui été construite également par les Chinois. Cette présence des Chinois dans le BTP des pas si nouvelle que ça, puisque plusieurs "palais du peuple" en Afrique ont été construits il y a une quarantaine d'années par les Chinois. Il en est de même pour nombre d'hôtels de Kin, en particulier les plus présentables, qui seront occupés par les participants ; ils datent de l'époque Mobutu certes, mais ils ont été achetés récemment ... devinez donc par qui ?. Faut-il rappeler qu'en 2007, la Chine a octroyé un prêt de 9 milliards de dollars sans contrepartie, car ces Chinois sont si généreux... Je blague bien sûr et c'était en échange de participations, dans les mines en particulier. On a tout construit avec cette rapidité qui caractérise des entreprises chinoises dont le « village de la francophonie" (chinoise aussi ?) et l'on exhibe tout, cela bien entendu, comme des réalisations exemplaires de la RDC.
Chineshasa ou Kinshasa ?
1 commentaire:
Les médias français sont toujours les meilleurs ; suite aux menaces d'Al Qaida ils invitent François Hollande qui "participe au Sommet de Kinshas" à se montrer prudent. Notre président ne risque rien car il est parti depuis hier soir et doit être dans son lit parisien à l'heure qu'il est! Usbek
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