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vendredi 1 février 2013

Made in France, Merde in France, MDR in France (suite et heureusement fin !)

Un mot sur le mot "ouvraison" cher à nos gabelous, surtout à l'intention des lecteurs étrangers dont ceux de Pologne. L'écrit français juridico-administratif est, en effet l'un des plus mauvais modèles linguistiques qu'on puisse imaginer pour notre langue. Un exemple avec ce terme "ouvraison" qui ne fait même pas l'objet d'une entrée particulière dans le Trésor de la langue française (dit TLF, en 16 volumes, avec désormais une version informatisée aisément accessible sur internet bien commode sous TLFi dans Google) ; on n'en trouve qu'une modeste mention dans les dérivés du verbe "ouvrer", mais dans le vocabulaire du travail de la soie surtout, ce qui n'est guère le cas qui nous occupe :

" DER. Ouvraison, subst. fém., text. Mise en oeuvre des soies consistant à les tordre ou à les mouliner. Ouvraison italienne, française. Aussi la soumet-on [la soie grège] dans des manufactures appelées moulines à des torsions, à des doublages qui en augmentent la solidité (moulinage de la soie ou encore ouvraison) (DORESSE, Tissus fém., 1949, p.29). [ ]. 1res attest. 1845 «action ou manière de mettre en oeuvre les matières premières» ouvraison des soies (BESCH.); p. méton[nymie]. 1893 « la matière ouvrée» acheter, vendre des ouvraisons (DG); de ouvrer, suff. -aison*.".

Revenons au problème général du "made in France" qui tourne de plus en plus au "merde in France".

Comment se détermine l’origine d’un produit ? Sans reprendre le verbiage administratif insupportable, contentons-nous ici quelques exemples qui vont vous montrer comme c'est simple, chez nous, en France (comme à peu près tout du reste).

Je cite : "A titre d’illustration figurent ci-après trois cas concrets de détermination de l’origine sur la base de ces trois critères.

1 - Le critère du changement de position tarifaire : importation d’assiettes de porcelaine classées à la position tarifaire 6913 fabriquées en Chine puis décorées au Pakistan où y est incorporé un dispositif d’accrochage [je vois mal comment on peut "incorporer" à une assiette "un dispositif d'accrochage". Tout au plus peut-on l'y ajouter ou l'en pourvoir].

La suite est encore plus étrange : "Direction Générale des Douanes et Droits Indirects – Bureau E1 - 20/04/2011. Pour déterminer l’origine de ces assiettes importées, et établir si elles ont subi une transformation substantielle au sens de l’article 24 du CDC, il convient de mettre en oeuvre les règles d’origine non préférentielle et de consulter l’annexe 11 des dispositions d’application du Codes des Douanes Communautaire (DAC)."

Fermez le ban... si vous avez compris quelque chose à ce jargon.

"Mais c'est pas tout, mais c'est pas tout..." comme chantait autrefois Bourvil...dans ce qui serait, en la circonstance la tactique non pas du gendarme mais du douanier.

"L’ouvraison [Ils y tiennent !]qui confère l’origine à ce type d’articles est la décoration pour autant que celle-ci entraîne le classement des marchandises obtenues dans une position tarifaire autre que celle couvrant les matières utilisées. La présence d’un dispositif d’accrochage sur les assiettes décorées importées indique qu’il y a lieu de les distinguer de la vaisselle et autres articles de ménage ou d’économie domestique en porcelaine classés aux positions tarifaire 6911 et 6912 et dont l’usage est à caractère essentiellement utilitaire. A cet égard et en application des notes explicatives du système harmonisé utilisées, dans la mesure où le caractère ornemental de la vaisselle importée l’emporte nettement sur le caractère réellement utilitaire, ces articles d’ornementations sont classés à la position tarifaire 6913.

Les opérations de décoration effectuées au Pakistan sur les articles de porcelaine fabriqués en Chine sont donc considérées comme substantielles en application des dispositions figurant à l’annexe 11 des DAC du CDC pour conférer l'origine pakistanaise aux assiettes importées. Ces marchandises peuvent donc porter un
marquage « Made in Pakistan ».

Dans le cas d’importation d’assiettes de porcelaine à des fins utilitaires (vaisselle de table) fabriquées en Chine et décorées au Pakistan, les produits seraient classés aux positions tarifaires 6911 et 6912. En effet, en l’absence de fixation d’un dispositif d’accrochage, il ne pourrait s’agir de vaisselle à caractère ornemental et il n’y aurait donc pas de changement de position tarifaire. Dans ces conditions, rien ne permet de considérer que la décoration peut constituer une ouvraison substantielle par rapport à la fabrication et conférer une origine pakistanaise aux assiettes. Dans ce cas, la mention « Made in China » sera retenue."

 Ouf ! Respirez fort, ça va passer !

Foutre j'en reste coi! Voilà qui devrait inspirer nos théoriciens actuels de l'dentité nationale. Donnez un coup de peiture au Pakistan à une assiette chinoise et posez là sur votre buffet de salle à manger et la voilà devenue pakistanaise ! Pourquoi ne pas faire ça pour les Roms ?

Et au fait à quoi toute cette logorrhée délirante peut-elle bien servir et qui peut bien la lire ?

2 - "Le critère de valeur ajoutée". Exemple " Importation de magnétophones (code SH 8520) fabriqués à Taiwan à partir de différents composants tels qu’indiqués ci-dessous : Composants Origine Valeur (USD) ; pièces mécaniques Taïwan 36,5 ; condensateurs Singapour 15,5 ; amplificateur Malaisie 45 ; tuner Taïwan 19,6 ; transformateurs Corée du sud 10,5 ; circuits intégrés Malaisie 16, antenne Taïwan 2 ; haut-parleurs Malaisie 5 ; transistor, diodes, résistances Taïwan 6 ; divers 8,9 ; valeur totale des composants 165 ; valeur main d'oeuvre Taïwan 13 ; bénéfice 5 ; valeur totale de l’appareil 183".

Si vous avez survécu à cette lecture, deux petites remarques.

Que se passe-t-il si, dans l'usine taïwanaise, travaillent des Chinois et des Malais. Le pourcentage de leurs salaires respectifs, le total de leurs poides de corps et éventuellement le tour de tête du contremaître et son âge ne doivent-ils pas être également intégrés aux calculs ? Non ! Je déconne et c'est pour rire (je précise ce détail à l'intention des douaniers qui pourraient pas hasard me lire).

Plus sérieusement, supposons un appareil à 100$ dont un tiers de la valeur ajoutée vient de Taïwan, le deuxième tiers du Bélouchistan et le troisième tiers de Mongolie Extérieure, quel tiers l'emportera sur les autres ? Version douanière de l'âne de Buridan mais avec trois seaux !

Toutes ces balivernes ne viennent pas, comme aurait dit Pierre Dac (le vrai), Du côté d'ailleurs, mais elles émanent, en HUIT CENT PAGES, de la "Direction Générale des Douanes et Droits Indirects". On comprend par là qu'il y ait toujours autant de fonctionnaires dans ces services occupés à de telles rédactions alors qu'il n'y a quasiment plus de frontières et que tout circule librement!

 Voilà qui explique aussi pourquoi, par millier d'habitants, l'Allemagne peut n'avoir que 55 fonctionnaires quand la France en a 88. Si vous connnaissez Monsieur Hollande faites lui lire ça.

"Mais c'est pas tout, mais c'est pas tout..."

3 - "Le critère de l’ouvraison spécifique" est admirablement illustré par "les pantalons (code SH 6204) en provenance d’Indonésie". Un vrai conte de fée géographico-industriel-identitaire que je ne puis hélas que vous résumer.

"Des pantalons sont confectionnés en Indonésie avec du tissu importé de Thaïlande (5209) et avec des boutons (9606) [ à cinq trous selon la vieille tradition chinoise ; je pense que 9.606 n'est pas ici le nombre de boutons, en dépit des apparences mais la référence à un article de la DAC] et des fermetures à glissière (9607) importés de Taiwan.
En vertu des dispositions d’application du code des douanes communautaire (DAC) (annexe 10), la confection complète des pantalons en Indonésie leur confère l’origine Indonésie. En effet, l’expression « confection complète » utilisée dans la liste de l’annexe 10 des DAC s’entend de toutes les opérations qui suivent la coupe des tissus ou l’obtention directement en forme des étoffes de bonneterie.

Toutefois, de petites opérations de finition accessoires telles que le placement de boutons et/ou d’autres types d’attaches, la confection de boutonnière, la finition des bas de pantalons et des manches ou ourlets du bas des jupes et des robes, le placement de garnitures et accessoires tels que poches, étiquettes, insignes, etc, le repassage et d’autres préparations de vêtements destinés à être vendus en prêt-à-porter, ne remettent pas en cause la notion de « confection complète » et la détermination de l’origine.".

Je vous jure que tout cela est VRAI!

Et d'ailleurs on l'illustre aussitôt.

Premier exemple : un pantalon provenant de Thaïlande et sur lequel les finitions accessoires ont été faites en France possède l’origine thaïlandaise.

Deuxième exemple : un pantalon fabriqué au Maroc avec du tissu français et pour lequel les finitions accessoires ont été faites en France possède l’origine marocaine. Une mention du type « made in France » serait trompeuse, en revanche des mentions telles que « tissu tissé en France et pantalon confectionné au Maroc » ou « pantalon confectionné au Maroc » ou encore « pantalon confectionné au Maroc à partir de tissu tissé en France » peuvent être acceptées. Elles sont, en effet, plus explicites sur le détail des opérations effectuées en France et ne sont pas susceptibles d’induire en erreur le consommateur".
 
Certes mais quid d'un pantalon provenant de Thaïlande, fabriqué au Maroc avec du tissu français dont le coton vient du Mali, pour lequel les finitions accessoires ont été faites en Inde par des réfugiés du Bangladesh, tandis que le placement des boutons (du modèle chinois à 5 trous) et la finition des bas de pantalons ( façon AQMI) ont été faits à Madagascar, alors que la pose des étiquettes "made in France" et le repassage ultime ont été assurés "au black" par des Chinois du 13ème dans un atelier clandestin de Paris ?

Tout cela ne fait-il pas, pour finir, un excellent pantalon français ?

4 commentaires:

Marc a dit…

J'ignore pourquoi, mais j'ai soudain le mal de mer ...

Anonyme a dit…

Et si les différents critères entrent en contradiction ?
Vite, créons une commission, avec un président, six vice-présidents, secrétariat, et indemnités décentes, évidemment...
Nous sommes un pays de droit.

Anonyme a dit…

J'ai failli aborder le point qu'évoqie, à juste titre, le second commentaire ; de peur d'être trop long, je ne l'ai pas fait, mais je crains que nous n'ayons déjà deux ou trois Comités Théodule sur le sujet! Usbek

Anonyme a dit…

Vos virées sur Internet vous auraient-elles fait sauter le livre-poème de Salah Stétié
Intitulé
L'ouvraison, avec des calligraphies de Ghani Alani, José Corti, 1995 ?

Okigoshi de Bangkok
Où tout vien d'ailleurs