J'avais prévu de
faire un blog sur l'évolution de nos dépenses militaires et le Livre blanc car
je demeure persuadé qu'il y a un rapport étroit et direct entre la préparation
du budget de la défense et la guerre du Mali.
Je pense en
effet que l'entourage militaire du Président de la République (chef des
armées!) a manipulé ou, en tout cas poussé, François Hollande dans cette
affaire de guerre, limitée d'abord puis étendue dans la suite, en vue du
maintien au niveau précédent de la part du budget militaire de la
nation (aux alentours de 1,5 % du PIB), en lui promettant la gloire au terme de
l'extermination des « terroristes » du Nord-Mali.
On se souvient que
son passage à Tombouctou et/ou à Gao (je ne sais plus et peu importe) fut pour lui,
comme le sabre de Joseph Prudhomme, « le plus beau jour de sa vie »! Voire ! Ce
moment de triomphe et de liesse populaires passé, les problèmes se sont compliqués
et ils sont bien loin d'être tous résolus, comme je l'ai annoncé dans ma série
de blogs « Honni soit qui Mali pense ».
En tout cas, pour
ce qui concerne les réflexions sur le budget de la défense, Expat dans son blog
dont je vous donne ici l'adresse (expat-spb.blogspot) m'a brûlé la politesse
par la série de trois textes qu'il a donnés sous le titre "Vers la fin de
notre défense". J'ai volontairement repris le titre de son blog, mais, en y
supprimant la préposition initiale, ce modeste changement lexical entraînant à
la fois une modification de la perspective mais surtout permettant de changer totalement
le sens du mot "fin" ; au lieu d'avoir celui de
"disparition", comme dans le texte d'Expat, il peut avoir ici celui
de "finalité".
Je concède que "les fins" serait sans doute plus précis et moins équivoque !
Je ne traiterai
donc pas tous les points qu'aborde Expat dont la compétence et l'expérience en
la matière sontt infiniment plus grandes que celle du modeste ancien "marsouin"
de deuxième classe que je suis. J'aborderai néanmoins quelques. aspects de son
propos et, très vraisemblablement, quelques autres.
Passer de « Vers
la fin de notre défense » à « La fin de notre défense » permet de changer,
comme je viens de le souligner, le sémantisme du mot "fin" et donc de
modifier radicalement le sens de ce titre. On pourrait dire, pour relier les
deux formulations, que la réduction progressive de notre budget militaire dans
laquelle Expat voit l'évolution inexorable vers une "fin"
(disparition) progressive de notre défense antérieure pourrait aussi résulter
d'une modification de la "fin" ou des "fins" (au sens de finalités) de notre défense. Je n'en
suis malheureusement pas sûr comme on le verra.
Expat souligne,
à juste titre et dans un détail que je ne reprendrai pas ici, que la part de
notre défense dans le budget national est passée de 5,5 % du PIB en 1958 à 1,5
aujourd'hui, avec une étape intermédiaire à l'époque de Giscard d'Estaing aux
alentours de 3 %. On peut certes le déplorer certes (et ce sont surtout les
militaires qui sont sur cette position) mais on peut y voir aussi, comme Expat
le souligne, une forme de logique dans la mesure où la guerre d'Algérie prend
fin en 1962 et ou, d'autre part, la chute du mur de Berlin et de l'empire
soviétique en 1989 marquent la fin de la Guerre Froide. Ces situations justifiaient
naturellement une bonne partie de nos investissements militaires ; on peut donc
se poser légitimement la question aujourd'hui de savoir plus précisément
quelles sont les fins ACTUELLES de notre défense. En d'autres termes et plus simplement, à
quoi servent ces dépenses militaires et, si on veut formuler les choses sous une
forme plus précise encore « Qui sont les ennemis éventuels susceptibles de nous
attaquer et contre lesquels nous devons prévoir d'avoir à nous défendre? ».
J'avoue ne pas
voir de tels ennemis potentiels dans notre environnement immédiat et je n'en
distingue pas davantage d'autres dans des terres plus lointaines. J'observe
d'ailleurs que nul (pas plus Expat que les autres qui sont sur ces mêmes positions)
n'identifie, de façon précise, de tels ennemis. On s'en tient, en général, à un
discours très généraliste, en évoquant « les intérêts vitaux de la France », « le
prix à payer pour un poste au Conseil de sécurité de l'ONU » (qui nous fut
attribué après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, plus pour les souffrances
endurées par la France que pour son rôle effectif dans la victoire finale, ce qui
entraîna l'exclusion d'Etats comme l'Allemagne ou le Japon dont l'absence étonne
désormais), le rôle de « pilier » de l'ordre mondial joué par la France, son «
rayonnement » et, plus généralement, son désir de « peser sur le monde ». Tout
cela est répété, à l'envi, dans un discours quelque peu nationaliste dont les
fondements sont de moins en moins assurés, quand on constate, par ailleurs, la
situation économique et politique réelle de notre pays.
Je suis frappé
de ce fait par le rapprochement qu'on peut faire entre le rôle politique
souhaité pour la France par certains et la place accordée à la langue française
dans le monde (par d'autres ou les mêmes). Ce type de discours renvoie, de la
façon la plus directe, à ce que j'appellerais volontiers une conception "rivarolienne" de la situation de la France et de la langue française dans le
monde ; elle remonte à la fin du XVIIIe siècle quand notre pays jouait un rôle
majeur dans une Europe qui constituait alors, à elle seule, la quasi-totalité
du monde.
La seule
différence est que, du côté de la langue française, nous nous somme dotés,
voici un demi-siècle, d'organismes "francophones" de communication,
voire de propagande, qui répandent des idées et des données sur la situation du
français dans le monde auxquelles peu de
gens croient et sans doute même pas ceux qui les forgent et les émettent. Je
reviendrai demain sur cette question, car elle me paraît importante par
l'homologie des inconvénients que présentent ces deux situations.
2 commentaires:
Cher Usbek,
je voudrais revenir sur quelques points en essayant de faire court tout en craignant que les impératifs en nombre maximum de caractères ne m'imposent de découper ma réponse en deux commentaires distincts.
Sur la guerre au Mali, je pense, comme c'est la règle, que les militaires ont présenté plusieurs options, dès lors que la décision politique était prise d'arrêter les rebelles. A vrai dire le timing de l'opération m'a surpris et tout me laisse à penser que la solution retenue était pensée et décidée depuis un certain temps. Je ne peux pas croire qu'on ait été surpris par les rebelles tandis que j'imagine nos vecteurs de renseignement devraient couvrir la zone avec attention. Dans ce cas d'une attaque surprise une option existait de stopper les rebelles avec l'aviation seulement, voire éventuellement en plaçant ensuite un contingent réduit en alerte. Cette solution permettait de se remettre dans un calendrier convenu avec les actions futures convenues, donc avec la France en soutien essentiellement logistique. Ceci dit personne de sérieux n'a jamais pu croire à ce scénario assez stupide pour prévenir l'ennemi du moment où on allait l'attaquer (en espérant sans doute qu'il attende sagement). Je pense donc que la guerre sous sa forme actuelle était prévue. Restait à attendre le prétexte. Les militaires, et c'est leur rôle, ont fait part de la faisabilité (besoins, risques...). Mais sincèrement je ne pense pas qu'ils y aient poussé. A moins que sous Hollande les "généraux" aient pris soudain une importance qu'ils n'avaient plus depuis longtemps.
(à suivre)
(suite)
Sinon, vous posez la bonne question, la seule qui vaille. Quelles sont les fins recherchées pour la France? Les armées ne sont qu'un outil dévolu d'une part à la défense du territoire et de nos intérêts stratégiques, et d'autre part au service de notre politique étrangère.
Sur le premier point, effectivement il est difficile de caractériser précisément la menace, même s'il semble évident que dans le livre blanc, document public, tout ne peut pas être écrit. C'est pour cela que dans mon dernier billet je parlais d'époque "bénie" alors que j'évoquais celle de la guerre froide. Même si d'ailleurs on peut se demander légitimement si la menace n'a pas été gonflée volontairement. Non pas à cause de la puissance des forces du pacte de Varsovie, mais à cause de la probabilité d'une attaque. I faut quand même comprendre que les Soviétiques , disposant du glacis est-européen offert sur un plateau à Staline par Roosevelt et Churchill, auraient pris un gros risque en nous attaquant. Davantage que celui d'une défaite ou d'une guerre nucléaire, c'était le risque de l'implosion car comment faire comprendre à des combattants que ceux qu'on vient libérer n'en ont guère envie et que le niveau de vie capitaliste est très supérieurs au leur. Cette logique, du moins celle du niveau de vie a provoqué l'envoi au goulag par Staline de ceux qui avaient séjourné trop longtemps en occident pendant la guerre, travailleurs forcée ou même prisonniers de guerre. Une guerre de type idéologique n'a de sens que si on peut espérer propager son idéologie et non la mettre en danger de l'intérieur. Surtout si au sommet de l'Etat l'idéologie n'a plus comme utilité que le prétexte de se maintenir une nomenklatura au pouvoir.
De fait je crois que les menaces actuellement sont plus importantes. Certaines idéologies de type religieux sont à décorréler du niveau de vie, car d'autres éléments bien plus irrationnels entrent en ligne de compte. Et puis il y a surtout, à mon avis, cette peur de la pénurie qui s'annonce et la volonté de contrôle des approvisionnements divers qui finira par s'imposer. Et c'est la période où curieusement la seule Europe désarme de façon significative alors qu'autour d'elle on suit un processus inverse.
S'agissant du second point, la politique étrangère et plus généralement la place de la France dans le monde, c'est purement un choix politique, mais qui dès lors qu'on aura choisi de revoir le tout à la baisse deviendra irréversible. Notre place gagnée à l'ONU de façon très discutable nous procure quand même un sacré avantage avec ce fameux droit de veto. Et il n'y a guère qu'un certain poids militaire qui puisse encore le justifier.
Pour terminer, je dirai qu'il faut aussi comprendre qu'une baisse significative des moyens consentis à la défense ne se récupère que très difficilement, avec beaucoup de temps et beaucoup d'argent.
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