Je n'ai
évidemment pas tout du tout lu ce qui s'est écrit sur cette affaire ni entendu tout
ce qu'on en a dit. Je suis toutefois frappé, comme toujours, par la nullité de
la plupart de nos médias où l'on se borne à lire et à reproduire les dépêches
d'agence comme à répéter ce qui a été dit ailleurs, en se gardant bien entendu
de combler les lacunes ou de donner des indications indispensables, partout
omises car elles supposeraient des efforts de réflexion et de recherches.
Je ne parlerai
donc pas du fond de l'affaire dont j'ignore tout (comme tout le monde sauf C.
Guéant) et en particulier de l'origine des sommes en cause, qu'il s'agisse des 500 000
€ ou des plus modestes dépenses en liquide.
En revanche, sur
l'affaire des tableaux d'abord, quelques éléments d'information indispensables
mais partout omis.
Claude Guéant
affirme que ces 500 000 €, qui sont arrivés sur son compte en 2008, provenaient
de la vente de deux tableaux du peintre flamand Andries van Eertvelt à
un confrère avocat malaisien ; le choix de ce lieu et cet interlocuteur peuvent
paraître curieux, mais après tout pourquoi pas. Il s'agit d'après le témoignage
de C. Guéant lui-même de deux marines (la spécialité de ce peintre) de petite
taille (les toiles, pas Andries : 30 cm sur 60). Tout le monde s'est évidemment
précipité sur son dictionnaire d'abord pour savoir qui était ce peintre dont la
réputation est assez modeste, ensuite sur les documents spécialisés dans le
domaine pour connaître la cote de cet artiste car la somme paraissait très considérable
eu égard à la réputation de l'artiste. On a évidemment cherché les prix de
vente les plus élevés de ses oeuvres ; on a ainsi trouvé que l'une d'entre elles, "La
bataille de Lépante", a été adjugée 140.000 euros (hors frais) en 2010 à
Amsterdam. En multipliant. ce prix par deux, on obtient donc 280 000 € ce
qui est considérable mais encore loin des 500 000 annoncés.
Toutefois un tel
raisonnement est tout à fait stupide, car il omet un aspect dont personne ne parle,
pas même les prétendus experts consultés (qui le jugent sans doute évident)
c'est-à-dire la taille des tableaux.
Il faut savoir en effet que, de façon assez curieuse et contre toute attente
peut-être, la surface d'un tableau est un élément essentiel de son prix. Cette
unité de surface, dont le prix est lié au peintre, s'appelle. "le point".
Pour couper court à toute discussion oiseuse, je cite ici ma référence favorite,
le Trésor de la langue française : TLF . "POINT PEINT. Unité
conventionnelle de surface des toiles, variable selon le type de format`` (GDEL)".
En gros, on peut admettre que le "point" correspond à 1 cm² ; il y a donc un
prix du "point" pour chaque peintre (avec naturellement déçu des
variations fonction du sujet et du tableau); une valeur du point peut être par
exemple 100 €. Gardons l'exemple de la marine puisque Andries van Eertvelt
n'a peint que ce genre de tableau. Il est évident de comparer la Bataille
de Lépante dont je vous donne ici la reproduction et dont les dimensions sont
les suivantes : hauteur 89,5 cm.; largeur 148,5 cm, avec des toiles de 30 cm sur 60 est totalement absurde ; à l'inverse, de façon certes
quelque quelque peu arbitraire mais plus logiqur, on peut évaluer le prix des
tableaux de Claude Guéant à partir de celui de la Bataille de Lépante, on
obtient alors une valeur qui, si elle est exagérée, est sans doute plus proche de la
vérité des prix. Le premier tableau ayant une surface de 1,3 m²
environ et les deux
autres de 0,18 m² chacun, leur valeur est, en gros, presque 10 fois moindre,
soit 15.000 euros au mieux, ce qui rejoint d'ailleurs les prix avancés par les
experts.Dans ces conditions, il est évidemment inimaginable que ces deux tableaux aient pu être payés 500 000 €!
Le second point amusant et je n'en ai entendu parler
nulle part sous cet angle, à ma grande surprise, est l'affaire des 20 ou 25 000
€ payés en liquide pour des achats (quelle que soit l'origine de cet argent
liquide). Jack Dion, écrit à ce propos dans son blog de Marianne, le premier
mai, en citant les propos de C. Guéant sur ces achats
"Ce ne
sont pas de « grosses sommes », a-t-il [C. Guéant] déclaré au Monde, pas
plus de 20.000 à 25.000€, « pour acheter
des appareils ménagers, des choses de ce type »." et Jack Dion
d'ajouter, perfidement mais si joliment : "Une lessiveuse, peut-être ?"
25.000
euros d'appareils ménagers ! C. Guéant ne connaît guère les prix et il aurait dû se faire pistonner chez Darty
par N. Sarkozy pour avoir des réduc' ! Enfin le problème est ailleurs. Je suis étonné qu'aucun
des journaliste auxquels, sans rire, il servait cette fable, n'ait songé à faire
observer, bien poliment, à notre énarque, préfet et ancien ministre de l'intérieur
désormais avocat, que la loi française interdit formellement tout paiement en
liquide égal ou supérieur à 3000 €, qu'il s'agisse d'un achat à un particulier
ou à un professionnel. Quel pince sans rire cet homme! Si peu de gens sont
informés de la cote exacte du peintre flamand déjà évoqué, tout le monde
connaît, en revanche, cette interdiction des paiements en liquide, qui seraient,
sans cela, la principale voie de blanchiment de l'argent noir ou gris. Ainsi,
contrairement aux insinuations de Jack Dion, C. Guéant n'avait aucun besoin d'une
lessiveuse !
La cerise sur le gâteau vient de France-Inter et de
Rue89 (28 avril 2013). France Inter, en, effet, a
enquêté sur les activités de Claude Guéant, ancien ministre de l’Intérieur et
secrétaire général de l’Elysée. Devenu avocat en décembre 2012, Claude Guéant
s’est associé à son fils
François, avocat.... fiscaliste.
Sans vouloir
nuire à la carrière d'avocat fiscaliste de Monsieur Claude Guéant, je ne saurais trop
conseiller aux clients éventuels de ce cabinet, d'avoir affaire au fils plutôt
qu'au père dont les compétences semblent des plus limitées puisque, de la même façon que,
pour les paiements en liquide il ne les savait pas interdits à partir de 3000 euros, il ignorait aussi que, pour la vente à l'exportation d'œuvres
d'art de plus de 150 000 €, la loi rend absolument indispensable une
déclaration fiscale, sous peine de deux ans de prison et de 450.000 euros
d'amende, ce qui, notez-le, est pile-poil le prix des tableaux.
Je me demande si,
à la profession d'avocat fiscaliste qu'il a embrassée, dans des conditions un
peu tumultueuses semble-t-il mais tout de même à temps, Claude Guéant ne devrait
pas préférer celle d'humoriste (dans le genre pince sans rire) pour laquelle il
semble avoir de claires dispositions naturelles.
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