Messages les plus consultés

vendredi 3 mai 2013

La formation professionnelle en France : Tonneau des Danaïdes ou Mythe de Sisyphe ? (suite et, fort heureusement, fin)



Au modeste échelon universitaire (comme président d'université ou comme professeur), quand j'ai eu à connaître, de loin, de la formation professionnelle. un des constats que j'y ai faits est le bonheur des institutions, qui, comme les IUT, émargeaient au pactole de la taxe professionnelle (auquel la plupart des universités n'avaient pas et n'ont toujours pas accès) et en faisaient à peu près ce qu'elles voulaient, sans grand contrôle. De ce fait et en conséquence directe de cet état, était établie une dictature des prestataires de formation, fort peu préoccupés, me semblait-il, des besoins du marché du travail. Ce détail explique sans doute, au moins pour partie, que nous ayons en France, avec un budget colossal de la formation professionnelle (de 30 à 50 milliards, on ne sait même pas, mais en tout cas le plus important en Europe) à la fois plus de 3.000.000 de chômeurs et 300.000 emplois non pourvus !

Ne conviendrait-il pas d'évaluer et surtout de réformer ce système et en particulier les innombrables organismes de formation ? En revanche, il est vrai que ce ne sont pas les rapports qui manquent, entre ceux de la Cour des comptes (2007, 2008,....etc.), du Sénat, de l'Assemblée nationale (le crypto rapport Perruchot déjà évoqué) sans parler du rapport de l'IGAS (2011) et du rapport Larcher (2012). Ils vont tous en gros, dans le même sens de critique, mais demeurent sans effets notables.

Jean-Baptiste Chastand, qui s'occupe au Monde "des questions d'emploi et de social au sein du service politique, a consacré à ces problèmes nombre de ses articles et blogs. Dans l'un d'entre eux, il cite, une formule certes connue mais qui a le mérite de sortir de la bouche de François Hollande, lui-même préoccupé de constater que résoudre cette complexité de la formation professionnelle implique de prendre des choix difficiles, et surtout de heurter des intérêts puissants. "Est-ce raisonnable d'avoir 55 000 organismes de formation ?", s'est-il notamment interrogé, après tant d'autres, en promettant de mettre en œuvre une "certification" des formations pour éviter les "stages parking". "Il n'y a rien de pire qu'une formation qui ne débouche sur rien", a-t-il dénoncé. M. Hollande a également répété qu'il voulait que la taxe d'apprentissage serve entièrement aux apprentis.
Dans un de ses blogs déjà un peu anciens (Le Monde.fr ; 17 février 2012) et largement fondé sur la prétendue disparition du rapport Perruchot (sur ce point voir un de mes posts précédents), J.-B. Chastand a quelques formules bien senties sur la place et le rôle des syndicats (de salariés comme de patrons) dans toute cette affaire.

"La formation professionnelle sert très largement à financer le patronat et les syndicats. Si le constat est connu depuis longtemps, le rapport Perruchot, mis en ligne (PDF) sur le site du Point, jeudi 16 février, chiffre très précisément les montants en jeu. Le constat dressé par le rapport devient forcément politique, alors que Nicolas Sarkozy a fait d'une nouvelle réforme de la formation professionnelle un de ses axes de campagne, en accusant notamment les syndicats d'être responsables du faible nombre de chômeurs qui peuvent bénéficier d'une formation.

A en croire le rapport Perruchot, Nicolas Sarkozy devrait toutefois prioritairement adresser ses critiques au patronat. Toutes les entreprises françaises sont soumises à une cotisation formation, qui s'étale de 0,55 % à 1,6 % de leur masse salariale selon le nombre de leurs salariés. Une partie de la collecte s'effectue par des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), qui ont récolté en tout 6,35 milliards d'euros en 2010. Il existe des OPCA pour certains secteurs, comme pour la métallurgie, mais aussi d'autres interprofessionnels, comme Agefos-PME, pour les PME. Chacun de ces OPCA est piloté par des administrateurs, issus en même nombre des syndicats et du patronat.

Ces OPCA reversent des sommes importantes aux organisations patronales et syndicales représentées pour "rémunérer les missions et services qui sont effectivement accomplis", selon la loi. Les sommes, qui ne doivent pas dépasser 0,75 % du montant des collectes, représentent plusieurs millions d'euros. "Par exemple, selon ses comptes, l'UIMM a perçu, en 2010, 1,63 million d'euros au titre de sa gestion de l'OPCA de la métallurgie (OPCAIM)", précise le rapport, en pointant que l'organisation dispose pourtant de réserves de trésorerie qui s'élèvent à 500 millions d'euros.

[...]

L'Usgeres, qui regroupe le patronat de l'économie sociale et solidaire, a ainsi pris la judicieuse décision de créer un OPCA spécifiquement pour les entreprises de son secteur. Elle en tire plus de 700 000 euros par an, ce qui "représente 74 % de la totalité de ses ressources !", s'étonne le rapporteur. La CGPME retire de son côté 4,8 millions d'euros de son OPCA maison, l'AGEFOS-PME, soit plus de la moitié de ses ressources annuelles. Pour arriver à un tel montant, l'AGEFOS-PME a bâti une structure très territorialisée, qui fait qu'elle "compterait plus de mille administrateurs", et donc autant de personnes indemnisables. En tout, 18,5 millions d'euros sont tirés par le patronat de ces financements chaque année, selon les calculs du rapport. Les syndicats touchent la même somme, qui représente toutefois une part bien moindre de l'ensemble de leurs ressources.

[...]

En plus de ces fonds dédiés au financement des administrateurs, la loi prévoit un autre fonds, le Fongefor, qui perçoit 0,75 % de l'ensemble des collectes de tous les OPCA, cette fois-ci reversés uniquement aux organisations interprofessionnelles : c'est-à-dire le Medef, la CGPME et l'UPA (artisans) côté patronal, la CGT, la CFDT, FO, la CFTC et la CFE-CGC, côté syndical. "Les moyens reçus du Fongefor sont justifiés par la contribution des organisations interprofessionnelles au développement de la formation professionnelle", écrit le rapport, en exprimant ses doutes sur la réalité de leur utilisation.

[...]

Le rapport préconise au moins une réforme profonde du Fongefor, si ce n'est sa suppression. Les sommes totales du Fongefor représentent 29 millions d'euros en 2010, répartis également entre patronat et syndicats. Les syndicats touchent chacun un cinquième de cette somme. Mais entre organisations patronales, c'est le Medef qui se taille la part du lion avec 8,3 millions d'euros, bien loin devant l'UPA qui doit se contenter de moins de 1,5 million. Une répartition fixée historiquement qui ne repose sur aucune base électorale puisque la représentativité du patronat n'est jamais mesurée. En tout, le rapport chiffre à environ 3,8 millions d'euros les montants perçus de la formation professionnelle pour la confédération CGT et CFDT.

[...]

Devant les rapporteurs, les syndicats ont justifié ces sommes, comme celles issues du reste du paritarisme (Sécurité sociale ou Unedic), comme des ressources nécessaires pour former leurs administrateurs, financer les défraiements pour la participation de plus en plus fréquente à des instances de concertation ou au nom de l'intérêt général que porteraient les syndicats lors des négociations, dont les résultats s'appliquent bien au-delà de leurs adhérents. Ces chiffres montrent en tout cas que les organisations paritaires ont des intérêts financiers dans le système de la formation professionnelle, ce qui a nécessairement des conséquences sur leur position sur le sujet".

Fermez le ban

Aucun commentaire: