Au
modeste échelon universitaire (comme président d'université ou comme professeur),
quand j'ai eu à connaître, de loin, de la formation professionnelle. un des
constats que j'y ai faits est le bonheur des institutions, qui, comme les IUT,
émargeaient au pactole de la taxe professionnelle (auquel la plupart des
universités n'avaient pas et n'ont toujours pas accès) et en faisaient à peu près ce
qu'elles voulaient, sans grand contrôle. De ce fait et en conséquence directe
de cet état, était établie une dictature
des prestataires de formation, fort peu préoccupés, me semblait-il, des besoins
du marché du travail. Ce détail explique sans doute, au moins pour partie, que
nous ayons en France, avec un budget colossal de la formation professionnelle (de
30 à 50 milliards, on ne sait même pas, mais en tout cas le plus important en Europe)
à la fois plus de 3.000.000 de chômeurs et 300.000 emplois non pourvus !
Ne
conviendrait-il pas d'évaluer et surtout de réformer ce système et en particulier
les innombrables organismes de formation ? En revanche, il est vrai que ce ne sont pas les
rapports qui manquent, entre ceux de la Cour des comptes (2007, 2008,....etc.),
du Sénat, de l'Assemblée nationale (le crypto rapport Perruchot déjà évoqué)
sans parler du rapport de l'IGAS (2011) et du rapport Larcher (2012). Ils vont
tous en gros, dans le même sens de critique, mais demeurent sans effets notables.
Jean-Baptiste
Chastand, qui s'occupe au Monde
"des questions d'emploi et de social au sein du
service politique, a consacré à ces problèmes nombre de ses articles et blogs.
Dans l'un d'entre eux, il cite, une formule certes connue mais qui a le mérite
de sortir de la bouche de François Hollande, lui-même préoccupé de constater
que résoudre cette complexité de la formation professionnelle implique de
prendre des choix difficiles, et surtout de heurter des intérêts puissants. "Est-ce
raisonnable d'avoir 55 000 organismes de formation ?", s'est-il
notamment interrogé, après tant d'autres, en promettant de mettre en œuvre une
"certification" des formations pour éviter les "stages
parking". "Il n'y a rien de pire qu'une formation qui ne débouche
sur rien", a-t-il dénoncé. M. Hollande a également répété qu'il
voulait que la taxe d'apprentissage serve entièrement aux apprentis.
Dans
un de ses blogs déjà un peu anciens (Le Monde.fr ; 17 février 2012) et
largement fondé sur la prétendue disparition du rapport Perruchot (sur ce point
voir un de mes posts précédents), J.-B. Chastand a quelques formules bien senties
sur la place et le rôle des syndicats (de salariés comme de patrons) dans toute
cette affaire.
"La formation professionnelle
sert très largement à financer le patronat et les syndicats. Si le constat est connu
depuis longtemps, le rapport Perruchot, mis en ligne (PDF) sur le
site du Point, jeudi 16 février, chiffre très précisément les
montants en jeu. Le constat dressé par le rapport devient forcément politique, alors que Nicolas Sarkozy a fait d'une
nouvelle réforme de la formation professionnelle un de ses axes de campagne, en
accusant notamment les syndicats d'être responsables du faible nombre de
chômeurs qui peuvent bénéficier d'une formation.
A
en croire le rapport Perruchot, Nicolas Sarkozy devrait
toutefois prioritairement adresser ses critiques au patronat. Toutes les entreprises françaises sont
soumises à une cotisation formation, qui s'étale de 0,55 % à 1,6 % de leur
masse salariale selon le nombre de leurs salariés. Une partie de la collecte
s'effectue par des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), qui ont
récolté en tout 6,35 milliards d'euros en 2010. Il existe des OPCA pour
certains secteurs, comme pour la métallurgie, mais aussi d'autres
interprofessionnels, comme Agefos-PME, pour les PME. Chacun de ces OPCA est
piloté par des administrateurs, issus en même nombre des syndicats et du
patronat.
Ces
OPCA reversent des sommes importantes aux organisations patronales et
syndicales représentées pour "rémunérer les missions et services qui sont effectivement
accomplis", selon la loi. Les sommes, qui ne doivent pas dépasser
0,75 % du montant des collectes, représentent plusieurs millions d'euros. "Par
exemple, selon ses comptes, l'UIMM a perçu, en 2010, 1,63 million d'euros au titre de sa gestion de l'OPCA de la métallurgie
(OPCAIM)", précise le rapport, en pointant que l'organisation dispose
pourtant de réserves de trésorerie qui s'élèvent à 500 millions d'euros.
[...]
L'Usgeres,
qui regroupe le patronat de l'économie sociale et solidaire, a ainsi pris la
judicieuse décision de créer un OPCA spécifiquement pour les entreprises de son
secteur. Elle en tire plus de 700 000 euros par an, ce qui "représente
74 % de la totalité de ses ressources !", s'étonne le rapporteur. La
CGPME retire de son côté 4,8 millions d'euros de son OPCA maison, l'AGEFOS-PME,
soit plus de la moitié de ses ressources annuelles. Pour arriver à un tel montant, l'AGEFOS-PME a bâti une structure
très territorialisée, qui fait qu'elle "compterait plus de mille
administrateurs", et donc autant de personnes indemnisables. En tout,
18,5 millions d'euros sont tirés par le patronat de ces financements chaque
année, selon les calculs du rapport. Les syndicats touchent la même somme, qui
représente toutefois une part bien moindre de l'ensemble de leurs ressources.
[...]
En
plus de ces fonds dédiés au financement des administrateurs, la loi prévoit un
autre fonds, le Fongefor, qui perçoit 0,75 % de l'ensemble des collectes de
tous les OPCA, cette fois-ci reversés uniquement aux organisations
interprofessionnelles : c'est-à-dire le Medef, la CGPME et l'UPA (artisans)
côté patronal, la CGT, la CFDT, FO, la CFTC et la CFE-CGC, côté syndical.
"Les moyens reçus du Fongefor sont justifiés par la contribution des
organisations interprofessionnelles au développement de la formation
professionnelle", écrit le rapport, en exprimant ses doutes sur la
réalité de leur utilisation.
[...]
Le
rapport préconise au moins une réforme profonde du Fongefor, si ce n'est sa
suppression. Les sommes totales du Fongefor représentent 29 millions d'euros en
2010, répartis également entre patronat et syndicats. Les syndicats touchent
chacun un cinquième de cette somme. Mais entre organisations patronales, c'est
le Medef qui se taille la part du lion avec 8,3 millions d'euros, bien loin
devant l'UPA qui doit se contenter de moins de 1,5 million. Une répartition fixée
historiquement qui ne repose sur aucune base électorale puisque la
représentativité du patronat n'est jamais mesurée. En tout, le rapport chiffre
à environ 3,8 millions d'euros les montants perçus de la formation
professionnelle pour la confédération CGT et CFDT.
[...]
Devant
les rapporteurs, les syndicats ont justifié ces sommes, comme celles issues du
reste du paritarisme (Sécurité sociale ou Unedic), comme des ressources
nécessaires pour former leurs administrateurs, financer les défraiements pour la participation de plus en plus
fréquente à des instances de concertation ou au nom de l'intérêt général que
porteraient les syndicats lors des négociations, dont les résultats
s'appliquent bien au-delà de leurs adhérents. Ces chiffres montrent en tout cas
que les organisations paritaires ont des intérêts financiers dans le système de
la formation professionnelle, ce qui a nécessairement des conséquences sur leur
position sur le sujet".
Fermez le ban
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire