On peut
s'interroger sur la décision de François Hollande d'annoncer son choix de
financer les investissements dans des secteurs de recherches porteurs d'espoir
et d'avenir pour notre production industrielle dans quatre domaines qui ont été
vaguement définis ; la précision n'est donnée, et encore, que pour le "numérique"
(coût avancé 20 milliards ?!?!) et la "transition écologique". Le
financement de cette opération se ferait par la vente d'une partie des
participations de l'État dans diverses entreprises industrielles dans la
première serait, semble-t-il, EDF.
La droite et les
communistes ont déjà commencé à pousser, des cris d'orfraie, la première
oubliant sans doute que la privatisation était, en principe, l'un des modes
d'action préféré dans une pensée "libérale", mais qu'importe...
Trois observations liminaires.
Première
remarque. On ne manquera pas d'observer qu'une telle décision rappelle beaucoup
le "Grand Emprunt" de Sarkozy, dont on ne parle plus guère, et qui
était, sauf erreur de ma part, de 35 milliards, alors que la totalité des
participations qui pourraient être vendues dans le projet actuel procureraient
une cinquantaine de milliards. Un des
problèmes est que les conditions de mise en oeuvre du fameux grand emprunt sarkozien
ont été des plus curieuses, ne serait-ce que du fait de la personnalité et des "compétences"
de celui qui avait la charge finale de piloter cette opération et qui était ni
un chercheur de haut niveau ni un industriel réputé, mais un expert-comptable
qui a été remplacé, dans cette éminente fonction, par Louis Gallois !
Je n'ai presque aucun
souvenir des projets qui ont été retenus et on en parle plus guère! Je me
souviens toutefois d'un fait comique. En Corse, on avait trouvé le moyen de loger
un bout de "pôle scientifique" à l'université de Corte qui est une
sorte de Harvard des montagnes ; sauf erreur de ma part, le domaine initial
choisi était les "énergies nouvelles" (ou quelque chose comme ça) et il
avait été confié sur place à un spécialiste des feux de forêts! L'état final associe
les dits feux de forêts qui ne se sont pas éteints, les agro-ressources (le
brulis est dans les traditions locales), les identités et cultures (cf la
remarque précédente), la technologie de l’information et de la communication
(hélas je n'ai pas trouvé de lien avec les thèmes précédents!). On voit par ce
programme à la Prévert le sérieux de toute cette affaire. L'université de Corse
n'en est pourtant pas peu fière : "Son positionnement thématique
s’appuyant sur une stratégie de niches [pas
fiscales, rassurez-vous!], l’université de Corse a articulé son identité
scientifique [Fichtre !] autour de
sept projets pluridisciplinaires labellisés au plus haut niveau par le
CNRS" . Foutre, comme disait le Père Duchêne !
Deuxième
remarque. Si ces ventes rapportent 45 ou 50 milliards, elles priveront en
revanche de 4 à 5 milliards (dont 1,4 milliard pour GDF-Suez) que ces actions
rapportent au Trésor en dividendes annuels. 10% d'intérêt ce n'est pas si mal
et, en tous cas, mieux que le livret de Caisse d'épargne!
Troisième
remarque. On parle beaucoup de ces ventes éventuelles, mais pas du tout de celles
qui ont déjà eu lieu, plus ou moins en douce d'ailleurs. La vente des
"bijoux de famille" a en effet déjà commencé. Notre
ministère de l'Economie a annoncé, discrétement, avoir vendu 13 millions
d'actions de Safran, soit 3,12% du capital, ce qui a rapporté 448,5 millions.
La vente de titres EADS a déjà rapporté près de 1,2 milliard ; la France n'est
pas la seule à le faire puisque l'Espagne entend ramener
sa participation à EADS de 5 à 4 %.
Il faut bien que
j'explique, avant d'aborder quelques autres points qui peuvent être capitaux
d'ailleurs, mon titre de « Tout bénef » que j'ai assorti d'ailleurs, vous
l'aurez noté, d'un point d'interrogation aussi précautionneux que dubitatif.
Premier
bénéfice. C'est d'abord "Tout bénef" car, en vendant certains des
bijoux de notre famille industrielle, on ne perd pas grand-chose (à la remarque
sur les dividendes près!), puisque cet argent ne sert à peu près à rien. C'est,
malgré tout, la différence avec le Grand Emprunt qui a été ou devait être financé
sur l'emprunt selon la méthode, facile et coûteuse voire ruineuse, des
gouvernements de cette dernière décennie. Il s'agit là moins de brader des
portions de notre patrimoine industriel que d'utiliser plus intelligemment de
l'argent, qui ne sert guère, à résoudre nos problèmes urgents, là où ils se
trouvent actuellement.
Second bénéfice, à plus long terme et politique surtout. En vendant ces participations,
le gouvernement socialiste prive son éventuel successeur (la réélection en 2017
ne sera pas simple!) de ce moyen d'action, ce qui n'est pas négligeable. On
peut se demander d'ailleurs pourquoi le gouvernement Fillon et ceux qui l'ont
précédé n'ont pas songé à utiliser ce trésor enterré au fond du jardin. Sans
doute n'ont-ils pas osé le faire par simple crainte des glapissements de leurs
adversaires politiques, voire de quelques-uns de leurs partisans !
Le vrai problème
dans cette affaire est moins le principe de cette vente que l'utilisation qu'on
fera de cet argent. On annonce en effet de grands domaines d'intervention dont
certains paraissent des gouffres financiers abusifs (20 milliards pour le
"numérique" et faire de la France une Silicon Valley de 550.000 km²
!) tandis que d'autres sont infinis et inépuisables comme la santé ou la
"transition écologique". Ce dernier point est évidemment une concession
aux écologistes ; on fait la part belle aux énergies nouvelles. Voire! J'ai
appris en effet tout à fait par hasard et avec l'approbation de spécialistes et
de... Michel Rocard, "le Monsieur de Norpois de l'Arctique", que le
réchauffement climatique n'a pas que des inconvénients. En faisant fondre une bonne
partie des glaces polaires, il va rendre accessibles et exploitables des
gisements d'énergies fossiles gigantesque, puisque ces spécialistes voient dans
ce qu'on pourra tirer de ces zones, l'équivalent de deux siècles de notre
consommation énergétique actuelle. C'est dire que, si les choses se passent
ainsi et si l'on y ajoute les progrès dans l'extraction des gaz de schiste qui
paraissent infiniment probables, les énergies nouvelles, en dépit de celle que
les écolos déploient (et qui elle n'est pas nouvelle) dans ce domaine, risquent
d'avoir du plomb dans l'aile ; les investissements dans ce domaine nouveau qu'on
croyait à court terme, risquent donc fort de l'être à très long terme.
Je crois
personnellement qu'il faut investir dans des projets beaucoup plus limités
qu'on devrait définir avec précision et en sélectionnant avec soin les équipes
qu'on retiendrait pour ces projets. Je pense ici, en particulier, à une
question que j'ai évoquée dans ce blog et qui tient au fait, tout simple et
tout bête qu'on ne sait pas produire du gazole au même coût que l'essence
ordinaire. On devrait pouvoir, dans ce domaine, facilement et rapidement, trouver
des solutions à ce problème de carburant qui creuse notre déficit de façon
stupide et énorme, à condition toutefois de choisir et de payer, aux résultats
surtout et pas comme au CNRS, des équipes performantes et surtout compétentes
(évitons donc d'aller les chercher à l'université de Corte!).
Je crois donc qu'il
vaudrait mieux couvrir des domaines moins larges, mais définir des problèmes
très précis, identifier et contrôler les équipes retenues avec beaucoup plus de
soin qu'on le fait généralement dans les EPST et comme on l'a fait, en
particulier dans le cas du Grand Emprunt comme j'ai eu l'occasion de dire.
Dernier point. Un
inconvénient de cette vente éventuelle (si elle n'a pas déjà eu lieu) a été
l'annonce publique qu'on en a fait et qui, sans doute, provoquera, pour les
actions de ces sociétés cotées en Bourse, une baisse sensible des cours et donc
causera des pertes considérables sur les profits escomptés. Le bénéfice politique,
qu'on a cru – ou qu'on a croit pouvoir tirer d'une telle annonce - sera sans
doute largement compensé par les pertes financières qu'on subira de ce fait à
terme si l'opération est menée jusqu'au bout.
L'expérience du
passé montre assez qu'on peut pas tout de même demander à nos hommes politiques
d'être à la fois habiles voire cauteleux (ce qu'ils sont souvent), et intelligents (ce
qu'ils sont bien moins)!
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