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jeudi 9 mai 2013

La stratégie de François Hollande : tout bénef ?


On peut s'interroger sur la décision de François Hollande d'annoncer son choix de financer les investissements dans des secteurs de recherches porteurs d'espoir et d'avenir pour notre production industrielle dans quatre domaines qui ont été vaguement définis ; la précision n'est donnée, et encore, que pour le "numérique" (coût avancé 20 milliards ?!?!) et la "transition écologique". Le financement de cette opération se ferait par la vente d'une partie des participations de l'État dans diverses entreprises industrielles dans la première serait, semble-t-il, EDF.

La droite et les communistes ont déjà commencé à pousser, des cris d'orfraie, la première oubliant sans doute que la privatisation était, en principe, l'un des modes d'action préféré dans une pensée "libérale", mais qu'importe...

Trois observations liminaires.
 
Première remarque. On ne manquera pas d'observer qu'une telle décision rappelle beaucoup le "Grand Emprunt" de Sarkozy, dont on ne parle plus guère, et qui était, sauf erreur de ma part, de 35 milliards, alors que la totalité des participations qui pourraient être vendues dans le projet actuel procureraient une cinquantaine de  milliards. Un des problèmes est que les conditions de mise en oeuvre du fameux grand emprunt sarkozien ont été des plus curieuses, ne serait-ce que du fait de la personnalité et des "compétences" de celui qui avait la charge finale de piloter cette opération et qui était ni un chercheur de haut niveau ni un industriel réputé, mais un expert-comptable qui a été remplacé, dans cette éminente fonction, par Louis Gallois !

Je n'ai presque aucun souvenir des projets qui ont été retenus et on en parle plus guère! Je me souviens toutefois d'un fait comique. En Corse, on avait trouvé le moyen de loger un bout de "pôle scientifique" à l'université de Corte qui est une sorte de Harvard des montagnes ; sauf erreur de ma part, le domaine initial choisi était les "énergies nouvelles" (ou quelque chose comme ça) et il avait été confié sur place à un spécialiste des feux de forêts! L'état final associe les dits feux de forêts qui ne se sont pas éteints, les agro-ressources (le brulis est dans les traditions locales), les identités et cultures (cf la remarque précédente), la technologie de l’information et de la communication (hélas je n'ai pas trouvé de lien avec les thèmes précédents!). On voit par ce programme à la Prévert le sérieux de toute cette affaire. L'université de Corse n'en est pourtant pas peu fière :  "Son positionnement thématique s’appuyant sur une stratégie de niches [pas fiscales, rassurez-vous!], l’université de Corse a articulé son identité scientifique [Fichtre !] autour de sept projets pluridisciplinaires labellisés au plus haut niveau par le CNRS" . Foutre, comme disait le Père Duchêne !

Deuxième remarque. Si ces ventes rapportent 45 ou 50 milliards, elles priveront en revanche de 4 à 5 milliards (dont 1,4 milliard pour GDF-Suez) que ces actions rapportent au Trésor en dividendes annuels. 10% d'intérêt ce n'est pas si mal et, en tous cas, mieux que le livret de Caisse d'épargne!

Troisième remarque. On parle beaucoup de ces ventes éventuelles, mais pas du tout de celles qui ont déjà eu lieu, plus ou moins en douce d'ailleurs. La vente des "bijoux de famille" a en effet déjà commencé. Notre ministère de l'Economie a annoncé, discrétement, avoir vendu 13 millions d'actions de Safran, soit 3,12% du capital, ce qui a rapporté 448,5 millions. La vente de titres EADS a déjà rapporté près de 1,2 milliard ; la France n'est pas la seule à le faire puisque l'Espagne entend ramener sa participation à EADS de 5 à 4 %.

Il faut bien que j'explique, avant d'aborder quelques autres points qui peuvent être capitaux d'ailleurs, mon titre de « Tout bénef » que j'ai assorti d'ailleurs, vous l'aurez noté, d'un point d'interrogation aussi précautionneux que dubitatif.

Premier bénéfice. C'est d'abord "Tout bénef" car, en vendant certains des bijoux de notre famille industrielle, on ne perd pas grand-chose (à la remarque sur les dividendes près!), puisque cet argent ne sert à peu près à rien. C'est, malgré tout, la différence avec le Grand Emprunt qui a été ou devait être financé sur l'emprunt selon la méthode, facile et coûteuse voire ruineuse, des gouvernements de cette dernière décennie. Il s'agit là moins de brader des portions de notre patrimoine industriel que d'utiliser plus intelligemment de l'argent, qui ne sert guère, à résoudre nos problèmes urgents, là où ils se trouvent actuellement.

Second bénéfice, à plus long terme et politique surtout. En vendant ces participations, le gouvernement socialiste prive son éventuel successeur (la réélection en 2017 ne sera pas simple!) de ce moyen d'action, ce qui n'est pas négligeable. On peut se demander d'ailleurs pourquoi le gouvernement Fillon et ceux qui l'ont précédé n'ont pas songé à utiliser ce trésor enterré au fond du jardin. Sans doute n'ont-ils pas osé le faire par simple crainte des glapissements de leurs adversaires politiques, voire de quelques-uns de leurs partisans !

Le vrai problème dans cette affaire est moins le principe de cette vente que l'utilisation qu'on fera de cet argent. On annonce en effet de grands domaines d'intervention dont certains paraissent des gouffres financiers abusifs (20 milliards pour le "numérique" et faire de la France une Silicon Valley de 550.000 km² !) tandis que d'autres sont infinis et inépuisables comme la santé ou la "transition écologique". Ce dernier point est évidemment une concession aux écologistes ; on fait la part belle aux énergies nouvelles. Voire! J'ai appris en effet tout à fait par hasard et avec l'approbation de spécialistes et de... Michel Rocard, "le Monsieur de Norpois de l'Arctique", que le réchauffement climatique n'a pas que des inconvénients. En faisant fondre une bonne partie des glaces polaires, il va rendre accessibles et exploitables des gisements d'énergies fossiles gigantesque, puisque ces spécialistes voient dans ce qu'on pourra tirer de ces zones, l'équivalent de deux siècles de notre consommation énergétique actuelle. C'est dire que, si les choses se passent ainsi et si l'on y ajoute les progrès dans l'extraction des gaz de schiste qui paraissent infiniment probables, les énergies nouvelles, en dépit de celle que les écolos déploient (et qui elle n'est pas nouvelle) dans ce domaine, risquent d'avoir du plomb dans l'aile ; les investissements dans ce domaine nouveau qu'on croyait à court terme, risquent donc fort de l'être à très long terme.

Je crois personnellement qu'il faut investir dans des projets beaucoup plus limités qu'on devrait définir avec précision et en sélectionnant avec soin les équipes qu'on retiendrait pour ces projets. Je pense ici, en particulier, à une question que j'ai évoquée dans ce blog et qui tient au fait, tout simple et tout bête qu'on ne sait pas produire du gazole au même coût que l'essence ordinaire. On devrait pouvoir, dans ce domaine, facilement et rapidement, trouver des solutions à ce problème de carburant qui creuse notre déficit de façon stupide et énorme, à condition toutefois de choisir et de payer, aux résultats surtout et pas comme au CNRS, des équipes performantes et surtout compétentes (évitons donc d'aller les chercher à l'université de Corte!).

Je crois donc qu'il vaudrait mieux couvrir des domaines moins larges, mais définir des problèmes très précis, identifier et contrôler les équipes retenues avec beaucoup plus de soin qu'on le fait généralement dans les EPST et comme on l'a fait, en particulier dans le cas du Grand Emprunt comme j'ai eu l'occasion de dire.

Dernier point. Un inconvénient de cette vente éventuelle (si elle n'a pas déjà eu lieu) a été l'annonce publique qu'on en a fait et qui, sans doute, provoquera, pour les actions de ces sociétés cotées en Bourse, une baisse sensible des cours et donc causera des pertes considérables sur les profits escomptés. Le bénéfice politique, qu'on a cru – ou qu'on a croit pouvoir tirer d'une telle annonce - sera sans doute largement compensé par les pertes financières qu'on subira de ce fait à terme si l'opération est menée jusqu'au bout.

L'expérience du passé montre assez qu'on peut pas tout de même demander à nos hommes politiques d'être à la fois habiles voire cauteleux (ce qu'ils sont souvent), et intelligents (ce qu'ils sont bien moins)!

 

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