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mercredi 1 mai 2013

La formation professionnelle en France : Tonneau des Danaïdes ou Mythe de Sisyphe ?


J'ai découvert l'existence et l'absurdité ruineuse de cette question de la formation professionnelle en France à travers la lecture de quelques textes que je citerai. J'en avais pris toutefois une forme de conscience à travers mon expérience, déjà lointaine, de président d'université confronté aux problèmes de la formation continue.

Ma première et plus éclairante lecture fut un blog paru dans l'Express le 26 décembre 2012; il était| proposé sous le titre "Formation professionnelle. Des fonds en attente d'emploi" par Madame Noëlle Lenoir, avocate et éminente juriste, ayant appartenu à des gouvernements de gauche (Rocard) comme de droite (Raffarin) et qui a été nommée à l'unanimité des membres du bureau de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012 ,comme "déontologue" de cette assemblée et ce, en application de la décision du 6 avril 2011 instituant cette fonction et dotant l'Assemblée nationale d'un code de déontologie. On peut donc attendre de sa part une vue des choses informée, objective et non partisane. Je vous invite à lire son texte complet, facilement accessible sur internet car je ne puis en reprendre ici que quelques extraits.

" La formation aux métiers et aux savoir-faire, c’est bien la clé de l’avenir, pas seulement en Chine, mais en Europe, et pour commencer pour nous, en France. [...]

Le budget français de la formation professionnelle est le plus élevé d’Europe – avec plus de 30 milliards (soit la moitié du budget de l’Education Nationale) – et d’après les nombreux rapports parus sur le sujet, de loin le plus inefficace. [...]

« Payer plus pour faire moins bien ! » C’est la devise de la maison. Eh bien, refusons la ! Au moment où gouvernement et partenaires sociaux s’attellent à la sécurisation de l’emploi, il est temps de tirer le meilleur parti des ressources considérables de la formation professionnelle, comme outil de reconversion et d’adaptation aux nouveaux métiers d’abord, mais aussi comme instrument indispensable de promotion sociale et d’épanouissement pour tous.

En fait le dispositif de la formation professionnelle en France joue à rebours en creusant, lorsqu’il fonctionne, les inégalités qu’il est censé contribuer à réduire:

- Les femmes et les seniors profitent moins que les autres des bienfaits de la formation. Or les femmes notamment qui ont élevé des enfants et souhaitent retourner à l’emploi en ont besoin plus que tous autres. [...]

Or malgré son budget pléthorique, la formation professionnelle, cela ne marche pas chez nous. Il ne m’appartient pas d’analyser les causes du gâchis. Elles sont parfaitement décortiquées et commentées par divers rapports, depuis celui la Cour des comptes jusqu’au rapport Perruchot à l’Assemblée nationale, en passant par celui du Sénat. D’ailleurs au passage, le fait que le rapport , par ailleurs facilement consultable sur internet, ait été interdit de publication officielle n’est pas un signe favorable à une volonté politique de remédier aux dysfonctionnements actuels. Il porte sur le financement des syndicats d’employeurs comme de salariés, mais il est le premier à avoir véritablement énoncé des propositions concrètes pour rendre moins opaque le système de la formation professionnelle. Il me paraît être d’intérêt public de lui donner toute la publicité requise. [...]

Au-delà de cela, il est important de relever que tous ces rapports convergent, non seulement pour dénoncer certaines fraudes, mais surtout plus fondamentalement pour appeler à plus transparence et d’efficacité dans la gestion dans la gestion du système français de formation par les organismes paritaires."

Laissons le texte de N. Lenoir. Question liminaire, simple et naïve : quel est donc le budget de fa formation professionnelle? N. Lenoir, mieux placée que quiconque pour le savoir, avance prudemment "plus de 30 milliards (soit la moitié du budget de l’Education Nationale)" et, ajouterais-je volontiers vu le contexte, plus que celui de la défense! C'est sans doute plus encore ; j'ai trouvé, tour à tour, ici ou là, 32, 34 milliards (en 2006 selon le rapport de la Cour des comptes de 2008) ou 35 milliards, alors que, pour 2013, le budget de l'éducation nationale est de 62,7 milliards. Quand on aime on ne compte pas et l'on sait avec d'autant moins avec précision le chiffre exact qu'il n'y en a pas vraiment en réalité, car la formation professionnelle est alimentée par d'autres sources comme on le verra.

Comme la plupart des auteurs qui abordent cette question, N. Lenoir fait allusion à un rapport de la Cour des comptes qui est sans doute celui d'octobre 2008 dont le titre est « La formation professionnelle tout au long de la vie ». Très critique, ce rapport évoque en particulier le nombre, le fonctionnement et le rôle des OPCA qui reçoivent une partie des sommes qui correspondent légalement à l’effort de formation et qu'elles ont pour fonction de redistribuer.

Depuis ce rapport, la loi du 24 novembre 2009 a conduit à une réforme du réseau des OPCA et a créé, manie bien française en pareils cas, une nouvelle structure, le FPSPP

Trois ans après le vote de cette loi, la Cour des comptes a effectué un contrôle de suivi sur la collecte des fonds de la formation professionnelle continue. Le site de la Cour des comptes présente ainsi ce nouveau rapport :


"La Cour des comptes a rendu public, mardi 22 janvier [2013], un rapport consacré aux politiques en faveur du marché du travail. Dans un contexte de chômage élevé, où il apparaît essentiel de préserver l’employabilité de ceux qui sont les plus fragilisés par les évolutions économiques, ce rapport traite des politiques qui visent à faire mieux fonctionner le marché du travail : indemnisation du chômage, aides à l’insertion ou à la réinsertion et formation professionnelle des chômeurs. L’ensemble de ces politiques représente plus de 50 milliards d’euros [record battu !] de dépenses par an".

Il ressort de ce nouveau rapport que si les évolutions depuis 2009 sont plutôt positives, elles sont encore à poursuivre. Le nombre d’OPCA a certes été réduit, mais leurs frais de gestion, déjà mis en cause en 2008, restent encore très élevés. Ainsi, les frais de gestion des 20 nouvelles OPCA représentent-ils 14 millions d’euros de plus que les 65 anciennes! La mutualisation des fonds laisse aussi toujours à désirer.

Beaucoup reste donc à faire et nous y reviendrons.

Notes
OCPA : Organisme paritaire collecteur agréé par l'État : structure associative à gestion paritaire (avec parité employeurs et salariés) qui collecte les contributions financières des entreprises qui relèvent de son champ d'application dans le cadre du financement de la formation professionnelle continue des salariés des entreprises de droit privé.
FPSPP : La loi du 24 novembre 2009 relative à la formation professionnelle a instauré un Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP). Cet organisme vise à sécuriser les parcours professionnels et à favoriser le maintien comme le retour dans l’emploi. Le FPSPP est abondé par l’Etat et par une contribution prélevée auprès des OPCA sur la contribution des entreprises à la formation professionnelle. Les publics les plus fragiles (demandeurs d’emploi, premiers niveaux de qualification, etc.) bénéficient d’un accès prioritaire à ces financements. Les entreprises fragilisées peuvent également recourir au FPSPP à travers leurs OPCA.

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