J'ai
découvert l'existence et l'absurdité ruineuse de cette question de la formation
professionnelle en France à travers la lecture de quelques textes que je
citerai. J'en avais pris toutefois une forme de conscience à travers mon
expérience, déjà lointaine, de président d'université confronté aux problèmes
de la formation continue.
Ma
première et plus éclairante lecture fut un blog paru dans l'Express le 26 décembre 2012; il était| proposé sous le titre
"Formation professionnelle. Des fonds en attente d'emploi" par Madame
Noëlle Lenoir, avocate et éminente juriste, ayant appartenu à des gouvernements
de gauche (Rocard) comme de droite (Raffarin) et qui a été nommée à l'unanimité
des membres du bureau de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012 ,comme "déontologue"
de cette assemblée et ce, en application de la décision du 6 avril 2011
instituant cette fonction et dotant l'Assemblée nationale d'un code de
déontologie. On peut donc attendre de sa part une vue des choses informée,
objective et non partisane. Je vous invite à lire son texte complet, facilement accessible
sur internet car je ne puis en reprendre ici que quelques extraits.
"
La formation aux métiers et aux savoir-faire, c’est bien la clé de l’avenir,
pas seulement en Chine, mais en Europe, et pour commencer pour nous, en France.
[...]
Le
budget français de la formation professionnelle est le plus élevé d’Europe –
avec plus de 30 milliards (soit la moitié du budget de l’Education Nationale) –
et d’après les nombreux rapports parus sur le sujet, de loin le plus
inefficace. [...]
«
Payer plus pour faire moins bien ! » C’est la devise de la maison. Eh bien,
refusons la ! Au moment où gouvernement et partenaires sociaux s’attellent à la
sécurisation de l’emploi, il est temps de tirer le meilleur parti des
ressources considérables de la formation professionnelle, comme outil de
reconversion et d’adaptation aux nouveaux métiers d’abord, mais aussi comme
instrument indispensable de promotion sociale et d’épanouissement pour tous.
En
fait le dispositif de la formation professionnelle en France joue à rebours en
creusant, lorsqu’il fonctionne, les inégalités qu’il est censé contribuer à
réduire:
-
Les femmes et les seniors profitent moins que les autres des bienfaits de la
formation. Or les femmes notamment qui ont élevé des enfants et souhaitent
retourner à l’emploi en ont besoin plus que tous autres. [...]
Or
malgré son budget pléthorique, la formation professionnelle, cela ne marche pas
chez nous. Il ne m’appartient pas d’analyser les causes du gâchis. Elles sont
parfaitement décortiquées et commentées par divers rapports, depuis celui la
Cour des comptes jusqu’au rapport Perruchot à l’Assemblée nationale, en passant
par celui du Sénat. D’ailleurs au passage, le fait que le rapport , par
ailleurs facilement consultable sur internet, ait été interdit de publication
officielle n’est pas un signe favorable à une volonté politique de remédier aux
dysfonctionnements actuels. Il porte sur le financement des syndicats
d’employeurs comme de salariés, mais il est le premier à avoir véritablement
énoncé des propositions concrètes pour rendre moins opaque le système de la
formation professionnelle. Il me paraît être d’intérêt public de lui donner
toute la publicité requise. [...]
Au-delà
de cela, il est important de relever que tous ces rapports convergent, non
seulement pour dénoncer certaines fraudes, mais surtout plus fondamentalement
pour appeler à plus transparence et d’efficacité dans la gestion dans la
gestion du système français de formation par les organismes paritaires."
Laissons le texte de N. Lenoir. Question
liminaire, simple et naïve : quel est donc le budget de fa formation
professionnelle? N. Lenoir, mieux placée que quiconque pour le savoir, avance
prudemment "plus de 30 milliards (soit la moitié du budget de l’Education
Nationale)" et, ajouterais-je volontiers vu le contexte, plus que celui de la défense!
C'est sans doute plus encore ; j'ai trouvé, tour à tour, ici ou là, 32, 34
milliards (en 2006 selon le rapport de la Cour des comptes de 2008) ou 35
milliards, alors que, pour 2013, le budget de l'éducation nationale est de 62,7
milliards. Quand on aime on ne compte pas et l'on sait avec d'autant moins avec
précision le chiffre exact qu'il n'y en a pas vraiment en réalité, car la
formation professionnelle est alimentée par d'autres sources comme on le verra.
Comme
la plupart des auteurs qui abordent cette question, N. Lenoir fait allusion à
un rapport de la Cour des comptes qui est sans doute celui d'octobre 2008 dont
le titre est « La formation professionnelle tout
au long de la vie ». Très critique, ce rapport évoque en particulier le nombre,
le fonctionnement et le rôle des OPCA qui reçoivent une partie des sommes qui
correspondent légalement à l’effort de formation et qu'elles ont pour fonction
de redistribuer.
Depuis
ce rapport, la
loi du 24 novembre 2009 a conduit à une réforme du réseau des OPCA et a créé,
manie bien française en pareils cas, une nouvelle structure,
le FPSPP
Trois ans après le vote de cette loi, la Cour des comptes a effectué un contrôle de suivi sur la collecte des fonds de la formation professionnelle continue. Le site de la Cour des comptes présente ainsi ce nouveau rapport :
"La
Cour des comptes a rendu public, mardi 22 janvier [2013], un rapport consacré
aux politiques en faveur du marché du travail. Dans un contexte de chômage
élevé, où il apparaît essentiel de préserver l’employabilité de ceux qui sont
les plus fragilisés par les évolutions économiques, ce rapport traite des
politiques qui visent à faire mieux fonctionner le marché du travail :
indemnisation du chômage, aides à l’insertion ou à la réinsertion et formation
professionnelle des chômeurs. L’ensemble de ces politiques représente plus de
50 milliards d’euros [record battu !] de
dépenses par an".
Il
ressort de ce nouveau rapport que si les évolutions depuis 2009 sont plutôt positives,
elles sont encore à poursuivre. Le nombre d’OPCA a certes été réduit, mais leurs
frais de gestion, déjà mis en cause en 2008, restent encore très élevés. Ainsi, les
frais de gestion des 20 nouvelles OPCA représentent-ils 14 millions d’euros de
plus que les 65 anciennes! La mutualisation des fonds laisse aussi toujours à
désirer.
Beaucoup
reste donc à faire et nous y reviendrons.
Notes
OCPA : Organisme paritaire collecteur agréé par l'État :
structure associative à gestion paritaire
(avec parité employeurs et salariés) qui collecte les contributions financières
des entreprises
qui relèvent de son champ d'application dans le cadre du financement de la formation professionnelle continue
des salariés des entreprises de droit privé.
FPSPP : La loi du 24 novembre 2009 relative à la formation
professionnelle a instauré un Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours
Professionnels (FPSPP). Cet organisme vise à sécuriser les parcours professionnels
et à favoriser le maintien comme le retour dans l’emploi. Le FPSPP est abondé
par l’Etat et par une contribution prélevée auprès des OPCA sur la contribution
des entreprises à la formation professionnelle. Les publics les plus fragiles (demandeurs
d’emploi, premiers niveaux de qualification, etc.) bénéficient d’un accès
prioritaire à ces financements. Les entreprises fragilisées peuvent également recourir
au FPSPP à travers leurs OPCA.
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