En moment où notre
Président de la République se voit "soldat de l'an II" et entreprend
de sauver la nation des menaces qui pèsent sur elle, je me permets, en la
circonstance et vu l'urgence, de lui faire une suggestion qui me paraît à la
fois facile à mettre en œuvre et porteuse d'avenir.
Un des problèmes de
la France tient au déficit de son commerce extérieur et une bonne partie de ce
déficit est de nature énergétique. Il tient, en particulier, à ce que nous
n'avons pas de pétrole (et hélas pas beaucoup plus d'idées, comme on va le voir
!) et que nous refusons de réfléchir sur les énergies fossiles que pourrait
nous fournir le gaz de schiste. Nous nous refusons à l'exploiter selon les
techniques actuelles (ce que je comprends tout à fait), mais dont nous refusons
même à laisser évaluer l'existence et les potentialités, ce qui pourrait
conduire à mettre en oeuvre des recherches sur des formes d'exploitation moins
nuisibles à l'environnement, puisque l'énergie fait partie, semble-t-il, des
préoccupations de notre gouvernement.
Pour en revenir à
notre déficit énergétique, il tient à ce que, non seulement nous devons
importer du pétrole mais également et en plus une énorme quantité de gazole,
sans cesse croissante, que nous ne sommes pas en mesure de produire, alors que
nous produisons, de façon totalement absurde, des excédents d'essence qu'il
nous faut ensuite essayer de vendre ailleurs. C'est Gribouille qui se jette à
l'eau pour ne pas être mouillé par la pluie ! Dans ce domaine comme dans bien d'autres,
nous marchons sur la tête en particulier grâce au génie industriel Monsieur
Jacques Calvet (en son temps PDG de Peugeot et grand apôtre du diesel et du
secret des feuilles d'impôts) qui à 82 ans jouit d'une fortune des plus confortables
(250 millions dit-on) et parvient même à se maintenir dans la rubrique people.
Bref le diesel (ou
gazole) représente plus de 80 % des carburants consommés en France c'est-à-dire
une quantité que nous sommes pas en mesure de produire puisque il nous manque
27% du total consommé. Notre déficit énergétique dépasse les 13 milliards et
l'importation du gazole en constitue une bonne partie même si le vague est
naturellement de rigueur en la matière. Entre 2002 et 2010, l'importation de gazole
a augmenté de plus de 15 % par an.
Je vous laisse le soin de faire le total ! En revanche, nous exportons de
l'essence ; naguère encore, les tankers chargés de gazole américain croisaient
au milieu de l'Atlantique ceux qui apportaient aux États-Unis les excédents de
notre essence française. Les États-Unis, qui sont réalistes eux, se sont
désormais libérés de cette sujétion et nous n'en avons que plus de difficultés
à vendre notre essence en Europe.
Je résume : nous produisons
beaucoup trop d'essence et beaucoup trop peu de gasoil ; de ce fait, non
seulement notre balance du commerce subit les conséquences ce cette inégalité
mais nos raffineries sont en crise, comme l'a montré la fameuse affaire de
Petroplus. Ces grands capitaines d'industrie, que le monde nous envie, et que
nous sommes obligés de payer des fortunes pour les empêcher de partir à
l'étranger (Quelle douce rigolade !) ont été incapables depuis 20 ans de voir
venir cette évolution (à moins qu'ils n'aient de bonnes raisons qu'ils nous
cachent, comme toujours drapés qu'ils sont dans le drapeau) et ils ont continué
à investir dans les unités de production d'essence Thomas Porcher, économiste
spécialisé dans le pétrole, résume ainsi les choses à propos des raffineries
françaises : "Les raffineries se sont tirées une balle dans le pied".
Des milliers d'emplois sont menacés et les raffineries Total de Dunkerque et
Petroplus du Bas-Rhin ont déjà fermé ; ça ne vous rappelle rien ?
En outre, nos
pétroliers viennent régulièrement pleurnicher dans les médias (leur
porte-parole, est, en général, un monsieur d'apparence fort respectable, dont
le nom est quelque chose comme Chianski ) ;ils soulignent régulièrement, les
pauvres, que les raffineries ne gagnent pas d'argent et que leurs marges sont trop
réduites. En fait, elles sont surtout gérées par des incapables puisque ils
continuent selon les errements antérieurs alors que la production d'essence
correspond à 113 % des besoins français ; sur la centaine de millions de
tonnes de capacité de nos raffineries, le taux d'utilisation est de 85 %, alors
que pour le gasoil nous ne pouvons même pas couvrir 75 % de la consommation
nationale. N'importe quel petit entrepreneur provincial illettré comprendrait que ça
ne peut pas durer, à moins que l'on ne souhaite justement que cela ne dure
pas !
En effet, ce que nous
disent moins ces pétroliers "mittaliens" et en particulier Total c'est
qu'ils sont en train de construire une immense raffinerie à Jubaïl en Arabie
Saoudite dont les coûts de production seront moindres du fait des salaires
(rassurez-vous les travailleurs ne sont pas saoudiens) et de la proximité des
puits de pétrole.
Un esprit simple
comme vous et moi (mais non pas un de nos grands capitaines d'industries avec
salaires mirobolant, stocks options, parachute doré et retraite chapeau), aurait
tenté, depuis 20 ans, devant la généralisation folle du diesel, d'adapter les
capacités de production des raffineries à cette nouvelle situation. Je n'entre
pas dans le débat sur l'adaptation écologique du gazole qui a mobilisé de façon
absurde l'attention puisque rien ne prouve qu'elle ait eu, sur le plan
sanitaire, les effets escomptés.
Qu'on ne vienne pas
me parler ici du prix de revient de ces deux carburants puisque, hors-taxes bien
entendu, le prix de revient du gasoil est, en gros, équivalent à celui de l'essence.
Pour prendre le cas du marché de Rotterdam, quand le gasoil coûtait 0,64 € du
litre en moyenne, il était de 0,61 pour l'essence sans plomb 95. Là aussi,
les chiffres varient à l'infini, mais les ordres de grandeur sont les mêmes. Donc
l'argument est sans portée ; il est évident que la différence de prix est
absolument sans commune mesure avec le coût imposé à la France sur le plan du
commerce extérieur.
On est parfaitement en
mesure de tirer plus de gazole d'un baril de pétrole en particulier grâce un
outil qu'on appelle "l'hydrocraqueur" qui d'ailleurs est en usage en
France à Gonfreville et à Lavera. Un hydrocraqueur, qui permet d'augmenter la
part du gazole, coûte 600 millions d'euros mais l'évolution des deux
raffineries citées prouve que la chose est possible.
Le problème n'est
d'ailleurs, à mes yeux, même pas là. Comme le Président de la République nous
l'a appris, le problème de l'énergie est en Europe et en France au centre de
ses préoccupations ; par ailleurs, on envisage de lancer des programmes de
recherche dans différents domaines très vastes dont celui de l'énergie. Au lieu
de faire de vastes projets et immenses programmes (dans le style du mythique
Grand Emprunt), pourquoi ne pas cibler
une recherche précise sur une question précise : "Comment produire, en
France et à moindre coût, (en réduisant bien sûr la production d'essence dont
on ne sait que faire) le gasoil dont notre pays a besoin ?" Il s'agit de lancer
sur cette question un programme de recherche avec un cahier des charges et un
calendrier précis, avec un jury associant chercheurs et techniciens industriels
et, à la clé, un prix ou quelque chose d'approchant et de financer totalement les
projets sélectionnés.
Une telle opération
serait de coût très réduit par rapport aux milliards que nous coûte chaque
année l'importation de gasoil produit à l'étranger. Bien entendu, il faut, sur
ce point, agir de façon très indépendante des pétroliers eux-mêmes dont le
lobby empêchera sans doute la réussite de cette opération car il est infiniment
probable que si la situation ubuesque que je viens de décrire s'est prolongée,
des décennies durant, c'est que l'industrie pétrolière y trouve son compte.
Sur ce point, et
comme sur bien d'autres, comme disaient les troubadors toulousains : "On
nous ment !" ou, comme on dit désormais, "On nous enfume!".
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