Rassurez-vous,
je ne vais pas vous citer ici tout le célèbre poème de Victor Hugo dans les Châtiments ; en constatant que le mot "soldat"
est au singulier dans mon titre, alors qu'il est au pluriel dans le texte
original, vous aurez compris que c'est de François Hollande que je veux parler,
puisqu'à plusieurs reprises, dans son allocution de 43 minutes du 16 mai 2013,
il a évoqué "l'an deux" de son quinquennat et que le ton martial de
son propos rendait difficile d'éviter cette mauvaise plaisanterie.
Hors de cette apostrophe
martiale et de ce ton conquérant, c'est plutôt la rhétorique classique qui a régné
dans le cours de son intervention. Depuis la campagne présidentielle, il était
sans cesse désigné comme l'homme de "l'anaphore" depuis son fameux «
Moi; Président de la République… », répété à l'envi. Il sera désormais l'homme
de la "prétérition", dont il a fait un abondant usage en évoquant les bilans
catastrophiques de son prédécesseur, sur les plans du chômage comme de la
dépense publique, tout en affirmant, selon le principe même de cette figure de
rhétorique, qu'il en parlerait pas. Il s'est également risqué mais de façon
plus brève à l'"adynaton" en décrivant ce miraculeux accord sur la
compétitivité, où il est parvenu à obtenir la signature, réputée impossible, de
trois syndicats français ("adynaton" est, avec cette orthographe
discutable, la transcription française de l'adjectif grec "adunaton" qui
veut dire impossible).
Il faut dire que
notre président a bien étonné son monde et l'a probablement surpris. On lui
reprochait de ne pas avoir de projet, de perspective, de direction, etc.. Il
nous en a gavé, concluant même son intervention en disant que "la France
elle-même est un projet et reste un projet". La formule conclusive est jolie
mais le Président n'a sans doute pas pris garde (mais c'était plutôt la tâche
de ses conseillers) que dire que "la France reste un projet" peut
certes souligner l'avenir prometteur de notre pays mais peut-être interprété,
par des esprits malveillants, comme la prédiction que ce projet restera peut-être
dans les cartons, comme bien d'autres projets avant lui..
Dans le poème de
Victor Hugo, "les soldats de l'An deux" se dressent contre l'Europe
entière. Permettez-moi ici d'en rappeler quelques vers car nos souvenirs de
collège sont un peu lointains :
"Ô soldats
de l'an deux ! O guerres ! Epopées !
Contre les rois tirant ensemble leurs épées,
Prussiens, Autrichiens,
Contre toutes les Tyrs et toutes les Sodomes,
Contre le czar du Nord, contre ce chasseur d'hommes
Suivi de tous ses chiens,
Contre toute l'Europe avec ses capitaines,
Avec ses fantassins couvrant au loin les plaines,
Avec ses cavaliers,
Tout entière debout comme une hydre vivante,
Ils chantaient, ils allaient, l'âme sans épouvante
Et les pieds sans souliers !"
Contre les rois tirant ensemble leurs épées,
Prussiens, Autrichiens,
Contre toutes les Tyrs et toutes les Sodomes,
Contre le czar du Nord, contre ce chasseur d'hommes
Suivi de tous ses chiens,
Contre toute l'Europe avec ses capitaines,
Avec ses fantassins couvrant au loin les plaines,
Avec ses cavaliers,
Tout entière debout comme une hydre vivante,
Ils chantaient, ils allaient, l'âme sans épouvante
Et les pieds sans souliers !"
Rien de tel chez
le soldat de l'An II, de 2014 ! Non seulement, il ne s'oppose pas à l'Europe
mais, bien loin de là, il entend la réformer dans des sens qu'on ne peut que
saluer, en proposant un vrai gouvernement européen, une concertation sur
l'énergie et en particulier les énergies nouvelles, une intégration budgétaire
et même des fonds pour les jeunes générations européennes que menace le
chômage.
Pour cette
partie de son discours, s'il n'a pas fait appel à la rhétorique comme dans les
passages qui précèdent, il s'est plutôt référé à la grammaire; puisque, à l'entendre,
le plan qu'il propose « se décline
en quatre points ». Personnellement, je n'aime pas beaucoup cet usage abusif
qu'on fait du verbe "décliner" hors de son contexte habituel et
normal d'usage. Mais passons !.
Cette fois-ci,
on ne pourra pas reprocher à François Hollande de manquer de directions
d'orientation ; son discours en regorge, peut-être même au-delà du raisonnable.
Le "soldat de l'An deux" risque un jour de juger, mais un peu tard,
qu'il a été trop bavard en cette circonstance ; il retrouve l'esprit des
soldats de l'An deux et ce n'est pas autre chose qu'une « forme de révolution »
qu'il nous a proposée dans cette longue allocution. Diable ! Mélenchon a dû frémir!
Vous comprendrez
que, vu l'importance du discours et de la conférence de presse du Président de
la République, j'ai été obligé de surseoir, dans l'urgence (la conférence de presse n'est pas finie quand j'écris ces lignes) aux explications que j'avais promises
dans mon post précédent.
J'ajouterai que,
fort heureusement le discours de François Hollande n'a pas été tenu le 13 mai mais le 16 mai 2013,
car il se serait sans doute trouvé des adversaires pour faire sur cette
convergence de dates (13 mai 1958!) des rapprochements hasardeux et des conclusions hâtives.
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