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jeudi 16 mai 2013

O soldat de l'An deux!


Rassurez-vous, je ne vais pas vous citer ici tout le célèbre poème de Victor Hugo dans les Châtiments ; en constatant que le mot "soldat" est au singulier dans mon titre, alors qu'il est au pluriel dans le texte original, vous aurez compris que c'est de François Hollande que je veux parler, puisqu'à plusieurs reprises, dans son allocution de 43 minutes du 16 mai 2013, il a évoqué "l'an deux" de son quinquennat et que le ton martial de son propos rendait difficile d'éviter cette mauvaise plaisanterie.

Hors de cette apostrophe martiale et de ce ton conquérant, c'est plutôt la rhétorique classique qui a régné dans le cours de son intervention. Depuis la campagne présidentielle, il était sans cesse désigné comme l'homme de "l'anaphore" depuis son fameux « Moi; Président de la République… », répété à l'envi. Il sera désormais l'homme de la "prétérition", dont il a fait un abondant usage en évoquant les bilans catastrophiques de son prédécesseur, sur les plans du chômage comme de la dépense publique, tout en affirmant, selon le principe même de cette figure de rhétorique, qu'il en parlerait pas. Il s'est également risqué mais de façon plus brève à l'"adynaton" en décrivant ce miraculeux accord sur la compétitivité, où il est parvenu à obtenir la signature, réputée impossible, de trois syndicats français ("adynaton" est, avec cette orthographe discutable, la transcription française de l'adjectif grec "adunaton" qui veut dire impossible).

Il faut dire que notre président a bien étonné son monde et l'a probablement surpris. On lui reprochait de ne pas avoir de projet, de perspective, de direction, etc.. Il nous en a gavé, concluant même son intervention en disant que "la France elle-même est un projet et reste un projet". La formule conclusive est jolie mais le Président n'a sans doute pas pris garde (mais c'était plutôt la tâche de ses conseillers) que dire que "la France reste un projet" peut certes souligner l'avenir prometteur de notre pays mais peut-être interprété, par des esprits malveillants, comme la prédiction que ce projet restera peut-être dans les cartons, comme bien d'autres projets avant lui..

Dans le poème de Victor Hugo, "les soldats de l'An deux" se dressent contre l'Europe entière. Permettez-moi ici d'en rappeler quelques vers car nos souvenirs de collège sont un peu lointains :

"Ô soldats de l'an deux ! O guerres ! Epopées !
Contre les rois tirant ensemble leurs épées,
Prussiens, Autrichiens,
Contre toutes les Tyrs et toutes les Sodomes,
Contre le czar du Nord, contre ce chasseur d'hommes
Suivi de tous ses chiens,

Contre toute l'Europe avec ses capitaines,
Avec ses fantassins couvrant au loin les plaines,
Avec ses cavaliers,
Tout entière debout comme une hydre vivante,
Ils chantaient, ils allaient, l'âme sans épouvante
Et les pieds sans souliers !"

Rien de tel chez le soldat de l'An II, de 2014 ! Non seulement, il ne s'oppose pas à l'Europe mais, bien loin de là, il entend la réformer dans des sens qu'on ne peut que saluer, en proposant un vrai gouvernement européen, une concertation sur l'énergie et en particulier les énergies nouvelles, une intégration budgétaire et même des fonds pour les jeunes générations européennes que menace le chômage.

Pour cette partie de son discours, s'il n'a pas fait appel à la rhétorique comme dans les passages qui précèdent, il s'est plutôt référé à la grammaire; puisque, à l'entendre, le plan qu'il propose « se décline en quatre points ». Personnellement, je n'aime pas beaucoup cet usage abusif qu'on fait du verbe "décliner" hors de son contexte habituel et normal d'usage. Mais passons !.

Cette fois-ci, on ne pourra pas reprocher à François Hollande de manquer de directions d'orientation ; son discours en regorge, peut-être même au-delà du raisonnable. Le "soldat de l'An deux" risque un jour de juger, mais un peu tard, qu'il a été trop bavard en cette circonstance ; il retrouve l'esprit des soldats de l'An deux et ce n'est pas autre chose qu'une « forme de révolution » qu'il nous a proposée dans cette longue allocution. Diable ! Mélenchon a dû frémir!

Vous comprendrez que, vu l'importance du discours et de la conférence de presse du Président de la République, j'ai été obligé de surseoir, dans l'urgence (la conférence de presse n'est pas finie quand j'écris ces lignes) aux explications que j'avais promises dans mon post précédent.

J'ajouterai que, fort heureusement le discours de François Hollande n'a pas été tenu le 13 mai mais le 16 mai 2013, car il se serait sans doute trouvé des adversaires pour faire sur cette convergence de dates (13 mai 1958!)  des rapprochements hasardeux et des conclusions hâtives.

 

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