On
finit par se perdre un peu dans les rapports de la Cour des comptes sur la
formation professionnelle ou continue (la seconde étant une part très
importante de la première, d'abord et surtout au plan du financement). La Cour
des comptes a en France "du pain sur la planche", si je puis user
d'une expression si triviale à l'endroit d'une si noble institution, dont la
devise et la fonction sont de " S’assurer du bon emploi de l’argent
public, [et d'] en informer le
citoyen" ! Vaste programme comme disait l'autre !
Madame
N. Lenoir évoque, sans en donner la référence de date, le Rapport de 2008
car,
vu la date de son post, elle ne peut avoir eu connaissance du rapport 2013. Le
texte suivant, dont je veux vous présenter plus loin quelques extraits s'en inspire
et a été publié dans "Agoravox" le 13 février 2007. Le rapport de la
Cour des comptes auquel il fait allusion est donc, même si la date n'est pas
donnée, celui du 8 février 2007 dont l'auteur venait sans doute de prendre
connaissance. Je vais revenir à ce rapport de 2007.
Il
est d'autant plus difficile de s'y retrouver que les contenus de ces rapports
sont, hélas, très proches dans les constats comme dans les critique, la Cour
des comptes examinant les comptes (comme son nom l'indique), mais n'ayant pas
de pouvoir de coercition et de sanction sur les comptables !
Le rapport de 2007, comme celui de 2008 et ceux qui leur
succèderont, stigmatise l'insuffisance du contrôle des contributions des
entreprises, le nombre excessif d’organismes collecteurs, les dépenses non
justifiées des OPCA, etc.
Le contrôle exercé par l’Etat sur la collecte des fonds de la
formation continue est « insuffisant », juge-t-elle. Ainsi, seulement 12 OPCA sur 100 ont été contrôlés entre
2001 et 2003. Le contrôle administratif et financier de l’Etat s'exerce, en
principe, sur 180 000 structures, dont 129 000 entreprises de 10 salariés ou
plus, 50 000 organismes de formation, une centaine d’OPCA, et environ 150 OCTA
(Organisme
Collecteur de la Taxe d’Apprentissage) alors que les services chargés de ce contrôle comprennent cinq
contrôleurs au niveau national !
La Cour des comptes, en 2007, qualifie
de « trop généreuses » les dépenses des OCPA. Au FORCO (formation commerce),
par exemple, les effectifs de l’organisme ont plus que doublé en cinq ans,
passant de 62 personnes en 1999 à 131 en 2005. L’un des opérateurs du FORCO,
l’UNIPE-IP, a versé à son directeur, qui occupait un emploi à mi-temps, une
somme de 248.802 euros en 2000, quand il a été licencié à la suite de
divergences sur l’organisation. Les salaires des dirigeants des OPCA sont aussi
jugés « très confortables » par la Cour. Les salaires bruts annuels des
directeurs régionaux des AGEFOS-PME peuvent ainsi aller « jusqu’à 161.686 euros
» par an. S'y ajoutent souvent divers avantages dont le versement d’indemnités
de départ égales à deux ans de salaire.
Ce même rapport évoque aussi le
financement du "paritarisme" par le FONGEFOR (Association de
gestion du fonds national de gestion paritaire de la formation professionnelle
continue) ; le FONGEFOR (24
millions d'euros en 2005) répartit 0,75% du produit de la collecte des OPCA, « à parité »
entre le collège des organisations syndicales représentatives salariales et le
collège des organisations syndicales représentatives patronales, au niveau
national.
Ce système vise à compenser la charge
subie par les syndicats et les organisations patronales au titre de la
cogestion des fonds de la formation professionnelle. Ces charges doivent
toutefois être dûment justifiées. Or,
la Cour des comptes observe que « rares sont les organisations professionnelles
qui présentent de véritables justificatifs ».
La collecte des fonds de la formation
s’opère au sein d'un réseau d’une centaine
d’organismes indépendants les uns des autres. La loi de 1993, dite « loi
quinquennale pour l’emploi », avait pourtant prévu une réduction substantielle
du nombre des OPCA. Mais comme on le note, « cette réforme n’a pas été conduite
jusqu’à son terme »,
Je
reviens au post mis par Aurelien sur "Agoravox" (13/2/2007) qui repose,
pour partie sur des éléments fournis par ce rapport de février 2007. En voici
quelques éléments, le texte complet étant, là aussi, aisément accessible:
"La
formation continue, enjeu majeur pour les Français ? Si elle apparaît comme
telle dans la bouche des politiques, la réalité est consternante.
Depuis
le départ, nos gouvernants ont privilégié un modèle bureaucratique de formation
continue, faiblement utile et très coûteux. Les sommes en jeu pesant pourtant
1,43 % du PIB, ce n’est pas un engagement marginal, même si nous étions à 1,9 %
du PIB il y a 13 ans. Récemment, nos élus sont allés un cran plus loin, en
réfléchissant au concept de "passeport des compétences". S’ils n’ont
jamais mis les pieds en entreprise, ce sont des dieux lorsqu’il s’agit de
multiplier les administrations. Car il faudra du monde pour assurer le suivi,
la validation et le contrôle de celles-ci, ce dont les entreprises n’auront
bien entendu que faire. Encore un trou à venir dans le pouvoir d’achat des
contribuables, mais une bonne manière de caser des fonctionnaires en mal de
reconversion.[...]
Alors qu’il finance 20 % de l’ensemble, l’Etat ne sait pas combien il verse, à deux milliards d’euros près [on l'a vu dans le post d'hier, le coût total allant de trente à cinquante milliards !]. Trois sources, trois chiffres différents qui varient entre 3,7 milliards et 5 milliards d’euros ! Il y a peut-être une formation à assurer au sein même des administrations, avant qu’elles se permettent de se mêler ainsi de la vie professionnelle des autres. Diverses administrations versent 13 % de l’ensemble et cela ne doit pas être simple non plus. En bout de chaîne, ce sont les entreprises, contraintes, qui versent 44 % du coût total de la formation continue. Elles signent leur chèque libératoire et ne s’impliquent pas dans les arcanes du système qui ont été parasitées depuis longtemps par des experts.
Qui
collecte ces 22 milliards que personne ne contrôle, et dans quelles conditions
? Les syndicats patronaux et de salariés [Nous
voilà au coeur du problème et sur le point qui déchaîne les passions, comme on
l'a vu dans les débats en commission sur le rapport Perruchot]. Dans son
rapport qui vient d’être rendu public [en
février 2007], la Cour des comptes "formule des critiques sur
l’organisation de la collecte, la gestion de ces organismes et le financement
de la gestion paritaire". Doux euphémisme. Il faut dire que le nombre
d’organismes et de dispositifs de formation est tel que, combiné à l’empilement
des réglementations successives et aux multiples changements de nomenclature et
de périmètre budgétaires, cet exercice ne peut être aujourd’hui réservé qu’à
quelques experts [Le fameux
"millefeuilles" dont l'administration française est si gourmande,
dans tous les domaines].
Même
la Cour des comptes vient de dresser un sinistre portrait de cette monstrueuse
gabegie : "L’activité de formation continue et son financement se
caractérisent par une grande opacité". Sur ce constat sans concession,
Michel Bouvard, rapporteur du rapport de la Cour des comptes, n’hésite pas à
brocarder le fait que "la méconnaissance de l’activité de formation
continue, de ses publics, de son coût, de son financement et de ses résultats,
tant dans les universités elles-mêmes qu’au niveau ministériel".
[...]
Si
les cent OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés, par organismes
paritaires entendez les syndicats), aux contrôles "mal définis ou peu
opérants", prennent des frais de gestion officiellement plafonnés à
9,6 % de la collecte, certaines associations locales prélèvent jusqu’à 25 % de
la masse collectée pour leur "fonctionnement". Fonctionnement bien
étrange et que les audits ont eu du mal à saisir. Précision du rapport : "Rares
sont les organisations professionnelles qui présentent de véritables
justificatifs, même plus ou moins détaillés, correspondant à des services
effectivement rendus.". Si 20 millions d’euros sont officiellement
versés aux confédérations syndicales par le Fongefor (Fonds national paritaire
de gestion de la formation continue), on imagine que plusieurs milliards
d’euros de ces frais de gestion de la collecte vont directement financer ces
confédérations le plus librement du monde. Aucun politique n’a le courage
d’aller y mettre son nez. La CGPME se sert aussi dans la caisse : lorsque les
sommes ne sont pas dépensées, elles constituent parfois des "réserves
ou provisions (...) irrégulières". C’est du joli !
Plus
grave, les organisations qui bénéficient de la collecte, déduction faite des
"frais de collecte", appartiennent aussi à cette étrange nébuleuse
paritaire. Elles font travailler 135 000 animateurs dans la plus totale
opacité. Dans cette jungle, même l’université d’été d’ATTAC est agréée : on y
incite les participants à déclarer cette participation comme de la formation
continue, afin que les collectivités territoriales (puisque le public d’ATTAC
vient essentiellement de la fonction publique) prennent les frais d’inscription
à leur charge, enfin à la charge du contribuable. Bref, si personne n’est allé
auditer la qualité et le fond des formations proposées et ainsi financées, rien
que le fait d’évoquer la question semble donner des sueurs froides à la CFDT.
Au PS comme à l’UMP, les voix s’élèvent pour améliorer le fonctionnement du
système. C’est hélas sans espoir tant qu’une telle usine à gaz perdurera.
[...]
L’unique
solution de bon sens consiste à libérer la formation professionnelle de ses
chaînes. De nombreuses entreprises forment leurs salariés dans le monde avec le
souci légitime d’améliorer leur productivité, et sans aucune contrainte. Les
salariés doivent comprendre, eux aussi, qu’il leur faut investir de leur temps
et de leur argent dans les formationsqui augmenteront la valeur de leur propre
capital humain. Après tout, personne n’est mieux placé qu’eux pour investir en
eux-mêmes. Il est normal qu’ils soient directement responsables de la sélection
et du financement de leur formation.".
Suite
et fin demain.
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