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jeudi 7 mars 2013

Honni soit qui Mali pense : "On nous ment!"(2) Et le Tchad ?


Hier, les derniers propos du président Hollande  sur le Mali, quelque peu alarmistes, m'avaient étonné, mais il était alors sans doute déjà informé, lui,  de la mort d'un quatrième soldat français (vers Gao et non dans le Nord-Est). On pressent d'autant mieux l'arrivée de mauvaises nouvelles qu'on les connaît déjà ! En revanche, rien d'important ne nous est caché puisque, ce matin, le colonel De Guerlasse (hommage à Pierre Dac!) nous informe que les "terroristes" ont osé recruter deux "enfants soldats" de 14 et 15 ans ! En Afrique, la nouvelle fait sourire!

Revenons toutefois à la situation tchadienne que j'ai abandonnée hier, faute de temps et d'espace.

On comprend fort bien que le président Idriss Deby minore ou même cache les pertes tchadiennes et se flatte (même si ce n'est que partiellement vrai) d'avoir fait périr deux des principaux chefs de la rébellion "terroriste". En réalité, non seulement le contingent tchadien a subi au Mali des pertes bien plus sévères ( à peu près 10% des forces engagées en tués et blessés), mais il a également abandonné beaucoup de matériel : 15 véhicules blindés auraient été laissés sur place et 35 véhicules 4x4 Toyota détruits.

Il semblerait donc que, de ce fait, le moral des troupes tchadiennes engagées au Mali soit des plus bas, en dépit des promesses de primes spéciale (1 million de franc CFA) qui ont été faites par le président, mais dont le financement effectif reste aléatoire.

Selon ces mêmes sources et rumeurs (dont je ne peux garantir la validité, mais qui valent bien les nôtres), à Ndjamena, une trentaine d'officiers, pourtant proches du clan du Deby, auraient exigé de lui une « dia » ( = une indemnité du sang) pour la perte de leurs proches tués au Mali.

Le président aurait, dit-on, cédé, car les nouvelles en provenance du front malien ne sont pas bonnes, loin de là ; en dépit du black out, court à Ndjamena, le bruit de la défection de 200 soldats de l'expédition malienne qui se seraient enfuis à bord de véhicules militaires. Une négociation aurait été engagée par le gouvernement malien avec ces déserteurs qui auraient fini par accepter de rebrousser chemin pour reprendre le combat contre une somme de 4 milliards de francs CFA qui serait distribuée en primes. Forts de cet accord, les déserteurs auraient rejoint leur base du Mali le vendredi 1er mars 2013.

On voit donc que la situation tchadienne, tant sur le plan politique militaire, est loin d'être aussi bonne que certains peuvent le prétendre.

Les comportements mêmes du président Deby sont un peu difficiles à suivre. Il est clair qu'il a engagé son pays dans la bataille du Mali en remerciement de l'appui de la France qui, naguère, lui a permis de rester au pouvoir et dans l'espoir qu'on lui renverra l'ascenseur le moment venu, si besoin est. Il espère aussi tirer des bénéfices financiers de toute cette affaire ; quoique le Tchad ne fasse pas partie de la CEDEAO, lors de la dernière réunion de Yamoussoukro, Idriss Deby aurait réclamé près de 100 milliards de francs CFA à Alassane Ouattara pour le paiement des troupes tchadiennes.

On ne doit pas oublier, en outre, que l'intervention de Deby au Nord-Mali n'est pas sans rapport avec les problèmes du Darfour où se posent des problèmes du même ordre avec l'islamisme radical.

Il n'est pas toujours facile d'y voir clair dans la politique et dans les choix militaires tchadiens et d'y distinguer ce qui relève d'une prétendue "réorganisation" de l'armée nationale et de la politique intérieure personnelle du président et des siens. Bien des cadres confirmés de l'armée tchadienne, qui, eux, avaient une longue expérience des batailles dans les régions désertiques ont été écartés et la plupart des nouveaux venus n'ont qu'une expérience limitée dans ce domaine comme les récents échecs successifs l'ont montré. La nomination par le président de son fils adoptif, fait général sans coup férir, n'a pas arrangé les choses, surtout vu les résultats.

Le pire toutefois risque d'être à venir, car, comme je l'ai annoncé dès mes premiers blogs, dans tout cela, on finira toujours par mettre en accusation la France. Comment ne pas être tenté de le faire, quand on constate que les troupes françaises ont perdu 2 soldats dans les combats du Nord Est du Mali, alors que probablement 200 soldats tchadiens sont morts ou blessés ; les pays de la CEDEAO, eux, n'ont à peu près envoyé aucune troupe sur le terrain des combats.

Comment éviter, dans des conditions pareilles, qu'on commence à lire à Ndjamena que les troupes tchadiennes sont envoyées au massacre dans des offensives où les colonnes françaises ne se trouvent qu'en arrière. Au sein de l'état-major tchadien, on commencerait à reprocher au commandement français de ne pas donner suffisamment de renseignements aux Tchadiens « balancés en tête comme chair à canon » (citation).

Le président Deby, fort de l'appui français et de la mission qui lui est confiée parce que personne n'en veut, traite de haut, aussi bien le putschiste malien Sanogo (dont la légitimité est évidemment très contestable) que les membres de la CEDEAO. Cette morgue  risque toutefois de ne pas durer longtemps, si la situation militaire s'aggrave ou même simplement se prolonge, vu l'état d'esprit qui commence à prendre source et à s'exprimer au Tchad.

Post-scriptum (extrait de Tchadactuel du 6 mars 2013) :

"Pour son opération au Mali, IDI [Idris Deby] a oublié l’existence du Net et des réseaux sociaux et ils lui ont heureusement pris le contre-pied. S’agissant des morts, dans un pays normal, on ne saurait donner un bilan officiel, qui par la suite se trouve être multiplié par plus du double. Malgré ce camouflage, nous répétons et nous persistons pour dire que IDI n’a pas révélé le nombre total des morts et des blessés, il y en a eu beaucoup plus que ce qui a été annoncé. La preuve en est que les hôpitaux du Niger voisin sont bondés de blessés tchadiens.

Confus et surpris des dégâts occasionnés pour ce qui était considéré comme une balade dans le désert, IDI est allé en Afrique de l’Ouest très remonté contre les dirigeants et les militaires de ces pays. Son arrogance, ses coups de gueule et ses leçons de morale n’ont pas été appréciés par tout le monde, d’où les maigres résultats de son déplacement. Cependant les Tchadiens, dans leur ensemble, ont apprécié la sortie d’IDI, particulièrement à l’adresse du capitaine malien, l’homme par qui la pandémie a envahi le Mali.

En matière de communication, la cacophonie est totale entre les éléments engagés véritablement contre les djihadistes, c.à.d. les Français et les Tchadiens, c’est le moins qu’on puisse dire. Les Français sont prudents et très réservés dans la divulgation de l’information ; ils ont des otages avec les djihadistes et en sont très concernés et surtout ne veulent pas prendre la paternité du décès des deux principaux responsable de l’AQMI pour éviter des éventuels effets collatéraux ; ce qui fait qu’ils n’ont pas voulu annoncer la mort, encore non confirmée, d’Abou Zeïd, tué par les bombardements français selon les sources françaises et tué par l’armée tchadienne selon le commandement du FATIM .

Afin de calmer une opinon nationale qui commence à s’interroger sur le nombre réel des morts et le bien-fondé de cette croisade, IDI a trouvé une occasion pour s’octroyer la paternité de l’élimination d’Abou Zeïd, sans en mesurer certainement les conséquences futures.

Echaudés par la défaite et meurtris par la mort de leurs collègues, les militaires ont décidé d’en découdre pour les venger. Munis des jumelles de vision nocturne, ayant tiré les leçons de leur première défaite, ils ont pu investir nuitamment un des camps des djihadistes et ont eu le dessus sur eux. Le bilan, côté tchadien est d’au moins 11 morts  que Deby veut absolument taire, renouant ainsi avec ses habitudes; côté djihadistes, le nombre communiqué par l’Etat Major tchadien corrobore nos informations. Parmi les djihadistes morts, il a été trouvé un barbu borgne avec un chèche noir calciné que l'un des prisonniers djihadistes avait identifié comme étant Mokhtar Bel Mokhtar. Quant au matériel récupéré, l’Etat Major tchadien parle de 60 véhicules, alors qu’il s’agirait de 82.

Il s’agit là, du démantèlement d’une seule base alors que les djihadistes seraient pas moins de 2000, et éparpillés à travers tout le massif. Apparemment des pleurs et des larmes attendent encore les familles tchadiennes. Que le Bon Dieu nous épargne.
Les alliés (France, Mali…) eux, pour une raison non élucidée, ne croient pas à la mort du borgne. Pourquoi discréditer la seule armée qui est réellement présente (les Français ne font que talonner les Tchadiens) dans l’Adrar des Ifoghas ?

Beremadji Félix
N’djaména – Tchad

1 commentaire:

Expat a dit…

Cher Usbek,

j'ai lu également que les relations entre Tchadiens et Français se tendaient, les premiers accusant les seconds de les envoyer au carton, selon l'expression consacrée.
Je dois dire que les disproportions entre les victimes dans chacun des deux détachements, et même en se référant aux seuls chiffres officiels, m'ont vraiment surpris et sont de nature à corroborer ces accusations.

S'agissant des soldes, c'est un point que j'avais évoqué ailleurs et qui va bien au delà des Tchadiens, puisque ma Misma est aussi concernée. Les Africains sont toujours friands de missions ONU à cause de cela, mais puisque l'ONU ne prend pas la main, il y a de fortes chances que ça finisse par déraper, à moins que nous payions, ce qui n'est pas à exclure.
J'ai vécu une expérience de ce type avec un contingent africain qui n'a pas mis 2 mois à se transformer en une bande de clochards terrorisant les foules qu'ils étaient censés défendre.

Par ailleurs l'annonce d'un premier retrait en avril de nos forces me laisse pour le moins perplexe quant à la stratégie suivie par notre chef des armées et président.