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lundi 25 mars 2013

L'auberge sahélienne (suite et pas fin!)


 Commentaire d'Expat (comme toujours intéressant et bien informé) sur mon post d'hier ; je le reproduis ici car la plupart ne l'ont sans doute pas lu.

"Cher Usbek,

Je pense qu'en termes de négociations entre la France et le Tchad, s'agissant de cet engagement et peut-être davantage, Idriss Déby est mieux armé, si j'ose dire, que Hollande.

Sur un point de vue militaire, lui sait au moins de quoi il parle puisque ce n'est pas un politique, mais un militaire ayant pris le pouvoir, en plus avec le soutien des Français, les militaires ayant sans aucun doute joué de leur influence pour qu'on se débarrasse enfin de Hissène Habré en faveur de celui qu'ils considéraient comme leur poulain. Sur ce dernier point je peux témoigner de la cote de popularité qu'il pouvait avoir auprès du commandement français au Tchad au cours des années 80 quand il était alors le commandant en chef, très efficace par ailleurs, des forces tchadiennes. Tout ça pour dire que la guerre et ce type de guerre il connait pour l'avoir vécu, comme il connait nos faiblesses sur ce type de terrain face à ce type d'ennemis.

Maintenant il faut considérer les intérêts réciproques des uns et des autres.
S'agissant du Mali, inutile de s'étendre sur le fait que l'apport tchadien est fondamental.
Sur un plan plus global, on considèrera que Déby ayant troqué sa djellaba de comchef des forces armées tchadiennes contre le costume cravate du chef d'Etat ne s'est pas bonifié, c'est une litote. Reste qu'on l'a sorti une ou deux fois de la panade. La dernière fois on en était aux dernières extrémités puisque le palais présidentiel était encerclé et lui dedans. Ce qui veut dire qu'il est sans doute plus utile qu'un éventuel successeur inconnu. Déby est le dernier avatar de ces gens du Nord au pouvoir depuis la fin des années 70. Il y avait le duo Goukouni-Habré qui se disputait régulièrement le pouvoir, et vite Déby est apparu comme un remplaçant possible et même crédible. Depuis c'est moins clair ou disons qu'on n'a pas de réel "poulain". Donc notre intérêt est peut-être de garder celui qu'on connait et qui nous garantit un positionnement intéressant dans cette région de l'Afrique, surtout depuis que notre présence en Centrafrique est devenue symbolique.
Tout ça pour dire que pour l'instant, il profite dans ses rapports avec la France d'une situation qui lui est favorable, ce qui lui permet effectivement de fanfaronner".

 Mes hypothèses sur les relations entre Hollande et Deby durant le dernier trimestre 2012 sont confirmées par un texte, paru à l'époque (4/12/12) sur internet. Je ne l'ai trouvé qu'hier, par hasard, après la publication de mon blog dont il confirme l'hypothèse et les conclusions. Voici ce texte paru dans Survie.org :

"Hollande fait la paix avec Déby et prépare la guerre

Après quelques hésitations, le dictateur tchadien Idriss Déby sera reçu à l’Elysée par François Hollande mercredi. Cette rencontre plusieurs fois reportée, aura lieu sur fond de négociation sur une intervention militaire au Mali appuyée par la France, qui souhaite mobiliser les troupes claniques de l’armée tchadienne.

L’accueil annoncé à l’Elysée du dictateur tchadien Idriss Déby le 5 décembre conclut un vrai-faux suspense qui a duré plusieurs semaines. Les reports de ce rendez-vous sont probablement le signe de houleuses tractations dans lesquelles les questions liées aux violations des droits humains au Tchad n’auront au final pas pesé lourd face à la volonté de la France d’obtenir le soutien de N’djamena dans le dossier malien. En effet, pour des raisons géostratégiques décidées en dehors de la volonté souveraine du Mali, la France fait depuis plusieurs mois pression sur le président tchadien pour obtenir la participation de ses troupes et de ses moyens militaires dans l’ « opération africaine » qu’elle promeut. Une participation évidemment compromise si Hollande n’accepte pas de donner un minimum de caution diplomatique à Déby en le recevant à l’Elysée.

Le cas tchadien illustre cette incapacité de l’exécutif français à définir une ligne diplomatique claire et assumée concernant ses relations avec les dictateurs africains. A quoi bon en effet tenir un discours sur les droits humains sur les terres d’un dictateur à Kinshasa en octobre et se pincer le nez face à lui, si c’était pour rencontrer discrètement dans la même journée les despotes congolais et camerounais Denis Sassou Nguesso et Paul Biya ou si c’est pour recevoir à l’Elysée le dictateur tchadien Idriss Déby quelques semaines plus tard ?

Rappelons qu’Idriss Déby, souhaitant faire jouer au maximum son potentiel de négociation, avait pris soin de décliner l’invitation à Kinshasa, sans doute d’en l’attente d’être « mieux traité » à Paris. C’était prendre peu de risques. Les visites ministérielles au Tchad en juillet dernier de Laurent Fabius et Pascal Canfin avaient en effet laissé envisager, sur fond de crise au Mali, une continuité dans la politique française de soutien « pragmatique » au dictateur, le chef de la diplomatie française y faisant étalage des « relations d’amitié qui demeurent » .

En fait d’amitié, c’est l’armée tchadienne qui est soutenue sans discontinuer par le dispositif militaire français Epervier, lancé en 1986 par le gouvernement Fabius – ce dispositif est constitué d’un millier d’hommes, d’une force d’aviation et de renseignement sophistiqué, renforcé ces dernières semaines. L’armée tchadienne, en phase avec la volonté farouche d’Idriss Deby de se maintenir au pouvoir, est une des plus puissantes de la région. Habituée à des opérations dans des zones désertiques, elle compterait « 30.000 hommes équipés d’armes modernes et de moyens aériens ». Dans un pays classé parmi les plus pauvres de la planète, l’armée plétorique de ce pouvoir couvé par les bons soins de la France aurait davantage de quoi inquiéter que de réjouir quiconque.

En effet, Idriss Déby est responsable d’une partie des massacres et atrocités commises sous le régime d’Hissène Habré, dont il fut le chef d’État major, avant de le renverser en 1990 avec l’appui de la France. A la tête de l’État, il n’hésita pas à ordonner de nouveaux massacres et des exactions insoutenables, et s’est maintenu au pouvoir par les armes, toujours soutenu par la France. Un soutien tricolore multiforme : économique, via les largesses en aide publique ; diplomatique, par la validation d’élections truquées (quand la France n’a pas elle-même contribué à organiser la fraude comme lors de la présidentielle de 2001) ; militaire enfin, l’armée française repoussant les rébellions de 2006 ou 2008 et continuant à fournir en armes un régime qui a renoncé à investir dans les secteurs sociaux de base et n’hésite pas, comme le dénonce Amnesty International, à recruter des enfants soldats.

Aujourd’hui, alors que les Tchadiens réclament la démocratie, la fin de la répression contre les opposants, victimes d’arrestations arbitraires, la vérité dans les multiples affaires criminelles impliquant le régime tchadien (dont la disparition de l’opposant Ibni Oumar Mahamet Saleh en février 2008), et surtout des politiques publiques au service des populations, la France accepte de redonner une caution d’honorabilité à Idriss Déby. Avec pour seul espoir que les soldats tchadiens, supposés spécialistes du Sahel (du moins quand la France les appuie), sinistrement réputés pour leur clanisme, leurs exactions et leurs multiples retournement d’alliances dans les différents conflits internes, ne constituent un soutien utile sur le terrain malien.

Naïvement ou à dessein, le Président de la république française s’engouffre dans une realpolitik promue avec son Ministre des Affaires Etrangères Laurent Fabius et opte délibérément, sous des prétextes fallacieux, pour une politique criminelle de réhabilitation d’un des pires despotes du continent. Un manque de lucidité particulièrement étonnant tant les exactions du régime Déby sont connues et documentées, y compris par des conseillers du président de la République, telle l’ancienne députée Marie-Hélène Aubert qui de part ses travaux passés est bien informée de la nature du régime d’Idriss Déby .

Une diplomatie française qui s’évertue à voir Idriss Déby comme une solution plutôt que comme un problème n’est décidément pas prête à rompre avec la Françafrique".

Pour voir à quel point la vision de la situation au Tchad diffère de celle qu'on nous présente, un texte tout récent publié sur internet là-bas (24 mars 2013) par Moussa Guetane Moussa dans Alwihdainfo.com :

"Après une longue série de tergiversations, la France reconnait à contrecœur la mort du chef terroriste Abou Zeid. Cette reconnaissance forcée a été longuement accentuée par la volonté affichée des FATIM et des hautes autorités tchadiennes de ne pas se laisser cette capitale victoire contre le terrorisme. Reste aussi pour la France de reconnaitre la mort de l’autre chef terroriste Moukhtar Belmoukhtar. Le Tchad quant à lui maintient mordicus sa déclaration sur la mort de ce dernier qui a été abattu grâce à la bravoure et au professionnalisme des forces armées tchadiennes qui entendent lancer un message fort à tous ceux qui rêvent de rééditer l’expérience malienne sur le sol tchadien qu’ils seront sévèrement battus à platcouture et leur ambition macabre vouée à un échec cuisant et mémorable.

La France et les pays de la CEDEAO doivent implicitement reconnaitre que le Tchad est un partenaire incontournable dans la stabilité et la lutte contre le terrorisme dans la sous-région. Il est temps que les grandes puissances luttant contre le terrorisme accordent une oreille attentive à notre pays en l’aidant dans sa politique sécuritaire et en veillant à sa stabilité, un verrou important dans la lutte contre le terrorisme. Avec la nouvelle donne sur l’implantation des cellules terroristes actives et dormantes dans le Sahel, la stabilité du Tchad est un atout indéniable pour la sécurité du reste de la région. Tout déstabilisation ou trouble conflictuel au Tchad débordement au-delà de nos frontières pour sonner le glas de la sécurité et de la stabilité dans la sous-region.

Le sacrifice de nos vaillants soldats au Mali sera inscrit dans les annales de l’histoire de la lutte contre le terrorisme. Le Tchad jadis considéré comme un pays de troubles et de conflits incessants a su remonter la pente pour s’engager dans le sillage des pays œuvrant pour la paix au-delà de leur frontière. Il est primordial et capital pour les autorités tchadiennes de prendre toutes les mesures pour doter encore nos forces armées et de sécurité des moyens plus importants et sophistiqués pour défendre nos frontières et veiller à lutter efficacement contre le terrorisme. La sous-region tirera un privilège sécuritaire indéniable. C’est en modernisant nos forces armées et de sécurité qu’on récoltera les fruits de notre investissement pour sécuriser et stabiliser notre pays contre les visées déstabilisatrices et les actes de terrorisme. La sécurité et la stabilité du Tchad est l’affaire de tous les Tchadiens d’abord, ensuite viendrait l’aide de nos amis et partenaires étrangers. ".

Je laisse de côté ici les événements de RCA et la chute de Bozizé ! L'auberge va s'aggrandir !

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