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mardi 19 mars 2013

L'éducation nationale et l'armée : de la grande bavarde à la grande muette.


Il en est de la gestion du budget de l'État comme de celle des programmes de l'éducation nationale et, plus généralement encore, comme des réformes dans notre pays. Tout le monde est d'accord sur la nécessité de faire des économies et de réduire les coûts globaux comme sur celle de procéder à des réformes. Le seul problème est que les économies, comme les réformes, c'est toujours pour les autres.

Sartre avait bien raison : « L'enfer, c'est les autres. ».

Je reste convaincu '(et je l'ai déjà écrit ici-même) que notre bon Président de la République, tout normal qu'il est et même probablement plus futé en la circonstance que ses interlocuteurs, s'est laissé manipuler, dans l'affaire de la guerre au Mali, devant les démonstrations éclatantes, faites à son intention et son attention exclusives par les militaires, que notre supériorité évidente face aux « terroristes » conduirait à une victoire aussi rapide qu'éclatante. Pour sa plus grande gloire bien sûr. Cette guerre sera le plus beau jour de sa vie...comme le sabre de Joseph Prudhomme!

Toutefois, par un heureux hasard, cette solution, glorieuse et rapide, de redorer instantanément l'image de notre président (du moins selon la version présentée par les militaires) est intervenue précisément, vous l'aurez noté, juste au moment où était en chantier, depuis des semaines, le "Livre blanc de la défense". En haut lieu, on voudrait, dit-on, ramener à 1,5 % du PIB, les crédits de la défense, qui étaient encore à 3 % de ce PIB en 1981, à l'arrivée au pouvoir d'une gauche qui d'ailleurs n'a pas fait grand-chose dans ce domaine.

Cette guerre du Mali, qui devait être un triomphe éclair de nos armées, va désormais traîner en longueur, de l'avis de tous les spécialistes et même simplement de l'avis du plus modeste de ceux qui, comme moi, connaissent un peu cette région et les problèmes qui s'y posent. Ils ne sont d'ailleurs en rien, pour l'essentiel, militaires, mais ethniques et politiques, en raison de la haine, réciproque et séculaire, qui oppose les "mélanodermes" du Sud et les "peaux blanches" ou "peaux rouges" du Nord.

La solution, souvent commode du vote ("une voix, un vote"), ne résout aucun problème, puisque les Tamasheq et les Arabes du Nord sont 12 ou 13 fois moins nombreux que les Maliens du Sud et qu'une telle procédure électorale n'amènerait qu'à régénérer et légitimer le problème sous couvert de démocratie et de justice. Tous ceux qui connaissent le Mali, depuis Antoine Glaser jusqu'à ce pauvre Laurent Bigot qui s'est fait virer par Fabius de sa sous-direction du Quai d'Orsay pour avoir osé le dire dans un colloque, savent et disent tout ça mais nul ne veut les entendre, pour des raisons souvent différentes d'ailleurs.

Le Mali n'a toutefois été qu'un aspect mineur et une conséquence fortuite du problème du budget militaire, à propos duquel se manifeste une volonté gouvernementale de le réduire ; aucune des trois armes ne veut bien entendu que cela se fasse à son détriment et propose évidemment que ce soient les deux autres qui payent. Au fait à quoi bon tous ces généraux et tous ces amiraux dans une armée qu'ils jugent eux-mêmes dépassée ?

Le bon sens le plus élémentaire conduirait à sabrer le budget nucléaire qui représente, en gros, 10 % des 31,5 milliards d'euros du budget de la défense ; cette vieille bombe  atomique ne sert pas à grand-chose, puisque nous pouvons, après tout, nous mettre sous le bouclier nucléaire américain et que nous disposons, par ailleurs, d'un arsenal nucléaire, qui est sans doute en passe de devenir obsolète mais ne l'est pas davantage que le reste de nos équipements militaires qu'on dit désuets. Il paraît toutefois, Dieu sait pourquoi, qu'il n'y faut pas toucher! Au fait, autre question idiote : à qui voulons nous faire, tout seuls, la guerre ?

Les conflits entre les trois armes (terre, mer, air) rappellent singulièrement les débats éternels au sein des commissions de programmes de l'éducation nationale dont on vient de mettre en place la Nième et qui est, de toute évidence, promise aux mêmes vains débats et donc de ce fait au même sort que les autres. On y retrouve déjà le même état d'esprit : la réforme oui, à condition qu'elle ne concerne que les autres! Une étude précise des résultats de ces commissions de programmes successives montrerait sans doute qu'elles ont davantage contribué  à alourdir les programmes au lieu de les alléger, chacun cherchant à tirer la couverture à soi comme, le font les trois armes, dans l'armée.

La seule différence entre l'éducation nationale et l'armée est qu'on bavarde beaucoup dans le premier cas et que les syndicats se répandent dans toute la presse ainsi que les associations de parents d'élèves et toutes sortes de groupuscules de tous poils. En revanche, les débats militaires interarmes sont plus feutrés et les manoeuvres plus discrètes, mais tout aussi acharnées, dans la tradition de la "Grande muette".

Ne serait-ce pas le rôle d'un Président vrai homme d'Etat et d'un vrai gouvernement, qui disposent naturellement par ailleurs de tous les experts qu'il faut, de prendre les décisions eux-mêmes et de les imposer à tous les ministères, donc aux enseignants comme aux militaires, sans leur demander leur avis, puisqu'on sait que, de toute façon, rien ne se fera de leur côté, si on en attend des initiatives qui les concernent ?

4 commentaires:

Expat a dit…

Cher Usbek,
ayant connu de l'intérieur de grandes restructurations des armées, et notamment la professionnalisation, toutes imposées par le politique, je crois que vous vous méprenez sur l'influence que peuvent avoir les militaires lors de la prise de décision. En général on leur donne une enveloppe ou un objectif ferme et ensuite c'est à eux de se débrouiller pour se restructurer. Mais la discussion en amont leur échappe en grande partie. Et comment pourrait-il en être autrement dans la mesure où il y a peu de chances que les militaires bloquent le pays, pas seulement parce qu'ils manquent de chars en état de marche, mais parce que statutairement ils ne disposent pas de cette possibilité. Remarquons tout de même que les gendarmes s'étant affranchi de leurs obligations de réserve, au tournant des années 2000, y ont beaucoup gagné.
Mais puisque vous faites une comparaison entre les armées et l'éducation nationale, je vais vous raconter une histoire assez significative des différences de fonctionnement entre les deux. Il se trouve que lors de la professionnalisation, j'étais affecté à l'état-major de l'armée de terre et que mon boulot était de travailler sur ses futures structures. Bref, je travaillais comme consultant en organisation au sein d’une petite équipe assez mal aimée puisque son boulot était selon l'expression employée par nos victimes mais néanmoins collègues de "couper des têtes". A ce titre il m'arrivait de participer à des colloques concernant l'organisation de la fonction publique en général. Et donc un jour, lors du déjeuner qui coupait un colloque en deux, je me suis retrouvé avec comme voisin un consultant qui faisait la même chose que moi mais au ministère de l'éducation nationale. Comme il savait que nous étions en pleine réorganisation, nous étions en 99 ou 2000 et l'échéance pour nous était proche, il se réjouit" de pouvoir profiter de mon expérience. E donc il me demanda comment on faisait pour supprimer des postes. Ma réponse fut assez simple. je lui dis qu'en 1997 nous étions 1200 à l'état-major de l'armée de terre et que dans deux ans nous serions 600, tout simplement, par départ des derniers appelés et mutations pour les autres. Et le pauvre de me dire "et moi qui veut supprimer 3 postes, je n'y arrive pas".
Tout ça pour vous donner une idée des différences de fonctionnement.

S'agissant du budget de la défense, il est actuellement à 1,5% du PIB. Un des objectifs de Bercy est de le ramener à 1,1% en 2025.
Ce qui est surprenant, enfin pas tant que ça, mais cette fois-ci on n'essaie même pas de sauver les apparences, c'est que les décisions budgétaires anticipent le livre blanc qui normalement définit les menaces, et partant de là le contrat opérationnel qui lui-même doit définir le format des armées, et partant le budget. Là tout est inversé.

Sinon d'accord avec vous sur la nécessité de revoir à la baisse notre composante nucléaire.
Il semble qu'à la place on sacrifie le programme d'armement des avions transporteurs A400M qui nous font défaut à chaque opération et peut-être même le groupe aéronaval.

usbek a dit…

Cher Expat
Merci de ce commentaire très informé et, comme toujours, éclairant et pertinent. Etes vous, comme moi, envahi par les faux commentaires américains qui ne visent qu'à nous faire visiter leurs blogs ? Je ne sais comment m'en défaire. Usbek

Expat a dit…

J'ai effectivement le même problème. Il y a bien un moyen pour y échapper. Il faut aller chercher dans les outils et mettre en option une authentification pour chaque commentaire. De fait il faut que tout commentateur recopie un code avant d'envoyer son message.
Marius a un dispositif comme ça sur son blog. Et comme ça m'énerve de devoir taper un code à chaque commentaire, j'ai décidé d'épargner mes quelques rares commentateurs et de subir les spams américains.
Sinon les Polonais ont commencé à débarquer chez moi également.

usbek a dit…

Pour Expat,
Les Polonais se retirent alors que les Turcs arrivent! Que comprendre à tout cela ? Usbek